Prix Nobel de la paix 2025 : portrait de la lauréate

Prix Nobel de la paix 2025 : portrait de la lauréate

Alors que beaucoup misaient sur Donald Trump, le comité Nobel a récompensé ce 10 octobre 2025 María Corina Machado pour « son œuvre inlassable en faveur des droits démocratiques du peuple vénézuélien et pour sa lutte vers une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie ». Retour sur la vie de cette femme politique

María Corina Machado est née à Caracas le 7 octobre 1967 dans une famille aisée et éduquée. Elle grandit dans un environnement protégé, fréquente une école catholique d’élite à Caracas puis poursuit ses études aux Etats-Unis. Après ses études secondaires, elle entreprend un diplôme d’ingénieure industrielle à l’université catholique Andrés-Bello, puis un master en finance à l’IESA, à Caracas. Elle a travaillé dans l’entreprise familiale et dans le secteur automobile à Valencia. Initialement, sa trajectoire semblait donc la mener vers la gestion ou l’industrie

Toutefois, en 1992, bouleversée par la pauvreté qu’elle voit s’étendre autour d’elle, elle fonde la « Fundación Atenea« , pour venir en aide aux enfants des rues. C’est là que tout commence : le choc de l’injustice et la prise de conscience que le changement ne viendra pas d’en haut, mais de ceux qui décident de s’engager. De ce mélange d’éducation privilégiée et d’exposition brutale à la misère naît une conviction : celle de consacrer sa vie à la reconstruction morale et politique de son pays. Ainsi, avant même de participer directement à la politique, María Corina Machado s’était formée à l’observation des inégalités et à la mobilisation civique.

La voix de l’opposition

À partir du début des années 2000, Machado s’investit activement dans la sphère politique. Figure de l’opposition à la dictature socialiste fondée et dirigée par le président vénézuélien Hugo Chávez, puis par son successeur Nicolás Maduro, elle crée en 2002 le mouvement “Sumate”.

En 2010, elle est élue députée à l’Assemblée nationale du Venezuela avec un des scores les plus élevés, ce qui illustre immédiatement sa force de mobilisation.  Elle y prend rapidement position contre les pratiques de l’ex-président Hugo Chávez et – après sa mort – contre celles de Nicolás Maduro, devenant l’un des visages les plus visibles de l’opposition. Son franc-parler, sa rigueur et son refus des compromis avec le pouvoir lui valent autant d’admirateurs que d’ennemis

Pendant cette période, elle ne se contente pas du rôle parlementaire. Elle crée en 2012 le parti “Vente Venezuela”, centré sur les idées de marché libre, de participation citoyenne et d’État de droit. Son discours – privatisations envisagées, libéralisme économique, référendums – est le reflet d’une volonté de rupture avec le modèle chaviste, mais aussi d’une vision de la société où chaque citoyen doit être acteur. Quand les institutions se restreignent, elle répond par la mobilisation sociale : manifestations, campagnes, alliances internationales. En 2014, après s’être exprimée devant l’Organisation des Etats américain au nom du Vénézuela, mais dans la délégation du Panama, elle est destituée de son siège à l’Assemblée et connaît de la répression politique.

Un écho mondial

La trajectoire de María Corina Machado ne s’est pas limitée aux frontières vénézuéliennes : ses actions et son profil lui ont valu une reconnaissance internationale croissante. Elle a été incluse parmi les 100 femmes les plus influentes selon la BBC en 2018.  Plus récemment, elle a reçu le Sakharov Prize pour la liberté de pensée en 2024 et le Václav Havel Human Rights Prize la même année. 

En 2025, elle est lauréate du Prix Nobel de la Paix. Le Comité Nobel norvégien l’a saluée comme « l’un des exemples les plus extraordinaires de courage civil en Amérique latine ces derniers temps ». Maria Corina Machado symbolise bien plus qu’une opposante : elle incarne la résistance démocratique d’un pays épuisé. Alors cette reconnaissance fait d’elle non seulement un symbole national mais un repère international face à la fragilité démocratique dans le monde. 

Toutefois, cette portée globale s’accompagne de défis : son statut de figure internationale l’expose à des critiques quant à son positionnement politique, à ses alliances ou à ses stratégies. Menacée, et faisant l’objet de représailles de la part du gouvernement vénézuélien, elle vit dans une semi-clandestinité depuis 2024, habitant un lieu tenu secret tout en continuant ses tournées dans le pays pour propager son message contre le pouvoir.

©Instagram de María Corina Machado

Justine Morganx

Share