En escale à Bordeaux le mercredi 20 novembre, le rappeur Nelick arrive au terme de la tournée de son premier album Mon cœur bat. De scène en scène, l’artiste conquit les cœurs d’un public friand de son rap aux tons pop et funk. Focus sur son évolution musicale, à travers son concert au Rocher de Palmer.
Il est 19h30, les portes de la salle s’ouvrent enfin. Le soleil se couche sur la commune de Cenon et laisse place à une fraîche nuit d’hiver. Cette chute des températures ne semble pas ébranler la ferveur des fans du jeune rappeur, reconnaissables à leurs habits. Pantalons à pinces, chemises, cravates, chaussures Salomon, pulls sans manches… À la simple vue de la foule, il est possible de comprendre que la musique proposée ne correspond pas à l’image classique du rap des deux dernières décennies.
Du millefeuille au fondant
Surnommé KiwiBunny, l’auteur de “2LATE”, “Cadillac” ou encore “OCEAN 2077”, cherche toujours à créer un univers bien à lui. Depuis la sortie du projet KiwiBunnyTape en 2018, Nelick poursuit un voyage musical témoin de la naissance de plusieurs personnages. Au fil des opus, un anti-héros ténébreux, un jeune adulte plutôt loufoque, pour aboutir sur une personnalité correspondant à l’homme qui l’est aujourd’hui.
Nelick se livre désormais à ses auditeurs sans filtre, par une recette à mi-chemin entre l’égotrip, l’autodérision et l’émotion. La chenille devient papillon et n’hésite plus à s’approprier des thématiques autour de l’amour avec un grand A. À bas l’image du rappeur insensible meilleur que la concurrence. Ce nouveau visage plein de douceur renforce son lien avec le public, prêt à le réceptionner sur “Patoketchup”, à pogoter sur “Mac Lesggy”, et à monter sur scène pour chanter le couplet de “Minuit sur la plage”. Au-delà des paroles, l’entrée dans ce monde cotonneux s’effectue grâce à une scénographie composée principalement de buissons, foyers d’un diffuseur d’une fumée artificielle souvent responsable de “waouh” d’émerveillement dans la salle.
Mélange efficace
Derrière ce cadre calme se retrouve une véritable bande de copains. En plein show, Kiwibunny présente, tour à tour, “Gouzou aux platines”, “Kofi Bae au synthé” et “Sébastien à la guitare”. Ensemble le quatuor porte chaque morceau avec une chaleur et un dynamisme à faire tomber les vestes des plus frileux. Venus seuls ou accompagnés, les Kiwibunnies profitent de cette atmosphère bon enfant qui permet même de masquer les problèmes de balances sonores, aussitôt balayés par des rires et des plaisanteries.
À la surprise des personnes présentes au concert, Nelick décide subitement de s’emparer de la guitare, du synthétiseur, et de la basse de son coéquipier, pour exposer ses talents de musiciens. Alors qu’il pince les cordes, il interpelle le public pour savoir s’il reconnaît l’air joué, puis finit par répondre à sa propre question : “C’est du Thundercat”, un as de la musique étasunien connu pour remettre la soul/rnb et la funk au goût du jour. Ce point touche donc, du bout des doigts, la clé du succès du style unique du chanteur parisien. Les instruments jouent un rôle crucial dans son développement, de l’aspect rétro du synthé, du groove des schémas rythmiques de basse, jusqu’aux effets de voix aiguës qui viennent refléter une pensée intérieure.
Régal pour les experts et les apprentis
Beaucoup de nouveaux arrivants se retrouvent dans ses dernières sonorités ensoleillées et vaporeuses sur lesquelles il paraît impossible de garder ses pieds et ses hanches immobiles. L’exigence sur la qualité des productions est de mise, comme le précise Sébastien : “(Kiwi) s’implique vraiment, ce n’est pas moi qui lui ai appris à jouer. Il a pris un coach spécifique pour ça, il suit des cours et j’observe ses progrès. Et même quand on fait des erreurs au studio, c’est pas grave, j’adore ça. On tente des choses, et c’est comme ça qu’on trouve les meilleures idées d’instrus.”
“Gimme Gimme”, dont le clip est sorti le 26 novembre, annonce de nouvelles péripéties au récit trépidant du rappeur romantique. Affaire à suivre…
Inès MBEMBA KABUIKU
Étudiante en Information communication / Anglais sensible aux arts, aux langues et à la géopolitique. Séduite par le journalisme, j’écris pour que chaque jour le monde nous révèle un peu plus ses secrets…