Guerre civile yéménite : vers un conflit mondial inévitable ?

Guerre civile yéménite : vers un conflit mondial inévitable ?

Théâtre d’une guerre civile depuis plus d’une décennie, opposant rébellion religieuse et coalition mondiale, le Yémen est-il en passe de devenir le point de départ d’une troisième guerre mondiale ?

8 Juillet 2014, alors que la population européenne a les yeux rivés sur le mondial de football au Brésil, le Yémen est à l’aube d’un nouveau tournant historique. Tandis que le monde découvre avec légèreté et stupéfaction l’humiliation 7-1 que la Mannschaft a infligée à la Seleçao sur son territoire, un petit pays du Moyen-Orient s’apprête à plonger un peu plus dans l’horreur et le désespoir. Le 9 juillet 2014, la guerre du Saada prend fin 10 ans après son commencement. Mais cette fin n’est que le début d’un conflit encore plus grand…

Le 22 mai 1990, la République Arabe du Yémen (Yémen du nord) et la République démocratique populaire du Yémen (Yémen du sud) s’unissent pour ne former qu’un seul territoire. Pays le plus pauvre du Moyen-Orient, il représente une nation instable, en proie aux conflits.

Un pays qui n’a jamais connu la paix

En 1994, le chef religieux Hussein Badreddine Al Houthi fonde, avec ses frères, l’organisation des Houthis (ou Houthistes). Ce groupe armé, politique et théologique zaïdites (courant de l’Islam chiite), est au centre des conflits yéménites depuis 20 ans. En 2004, le groupe entame la guerre du Saada. En 2011, sous l’impulsion du printemps arabe, la révolution yéménite renverse le président Ali Abdallah Saleh. L’année d’après, Abdrabbo Mansour Hadi, ancien vice-président, devient le dirigeant du pays. Le 9 juillet 2014, les houthis lancent une offensive pour se rapprocher du sud et conquérir des territoires. 

En septembre de la même année, l’organisation prend le contrôle de la capitale Sanaa. Le président Hadi est alors obligé de fuir son pays. Il se rend à Riyad en mars 2015. L’Arabie Saoudite rentre aussitôt en guerre contre les rebelles houthis. Neuf pays arabes (A.S. / Égypte / Soudan / Jordanie / Koweït / Bahreïn / Qatar / E.A.U / Maroc) forment une coalition armée et déclenchent l’opération “Tempête décisive”. Le gouvernement saoudien prétend éloigner les dangers houthistes de sa frontière sud. En réalité, il entre en guerre pour affaiblir l’Iran, son ennemi de toujours. Ce dernier est accusé de soutenir la rébellion en fournissant des armes aux houthis. C’est le début d’un énième conflit dans une région toujours plus instable.

“Les barbares houthis seront complètements anéantis”

Depuis ce jour, la guerre continue. Faisant plus de 377 000 morts, 49 000 blessés et 4 millions de déplacés internes, cette guerre a réduit le pays en cendres. Ceux qui ne sont pas tués lors des affrontements meurent de famine, de malnutrition ou de maladie. Le conflit semble être passé sous silence par les médias depuis plusieurs années. Mais depuis quelques semaines, les combats reprennent de plus belle. Au cœur de la guerre, les États-Unis. « Chaque nouveau tir des Houthis sera désormais considéré comme ayant été tiré par les armes de l’Iran. L’Iran sera tenu pour responsable et en subira les conséquences qui seront sévères ». Ces propos, tenus par Donald Trump, renforcent l’incertitude chronique vis-à-vis du conflit.

Lors de son premier mandat, il avait déjà ciblé les Houthis, les classifiant comme organisation terroriste. Un statut annulé sous l’administration Biden-Harris. Depuis le 23 janvier 2025 et la seconde présidence Trump, ils sont de nouveau considérés comme groupe islamiste terroriste. Cette classification favorise l’usage de la force létale par la coalition, au détriment des dommages et victimes collatéraux. Mi-mars, des frappes de missiles américains visant les houthistes, avaient relancé les tensions au Yémen. Le président américain avait par la suite déclaré que “les Houthis seraient complètement anéantis.” Une menace visant indirectement l’Iran. Ces affrontements ne sont plus uniquement entre deux groupes issus d’un même pays, mais bel et bien entre plusieurs nations cherchant à asseoir un peu plus leur domination et leur influence sur une région si importante d’un point de vue géopolitique.

Une guerre par procuration ?

Malgré son nom, la guerre civile yéménite est un conflit multinational. Il s’agit d’une véritable guerre par procuration entre deux blocs armés. Le régime présidentiel actuel est soutenu par une coalition menée par l’Arabie Saoudite, elle-même influencée par les décisions états-uniennes. Côté houthis, les quelque 700 000 membres de l’organisation sont armés par Téhéran. Pays à majorité chiite, l’Iran cherche à étendre son influence dans la région.

Ce n’est pas la première fois que les États-Unis et l’Iran se livrent à des affrontements directs et indirects. Les récents conflits entre Israël (soutenu par Washington) et le Liban (par le biais du Hezbollah, organisation islamiste chiite, soutenue par l’Iran), étaient déjà le cadre d’un affrontement par procuration. En 2020, Donald Trump avait failli déclencher une guerre ouverte entre les deux pays, en ordonnant l’assassinant de Qassem Soleimani, général iranien et commandant de la Force Al-Qods (organisation paramilitaire iranienne). Avec les récentes attaques américaines contre les Houthistes, et une escalade de la violence toujours plus forte, une guerre entre Washington et Téhéran semble devenir de plus en plus inévitable.

Une troisième guerre mondiale ? 

En cas de conflits entre ces deux puissances, il ne faudra pas attendre longtemps avant que les événements prennent une dimension mondiale. Les Iraniens ont de nombreux alliés. Les plus importants sont la Russie et la Chine, principaux alliés,  militaire pour l’un, économique pour l’autre. La récente chute du régime de Bachar Al-Assad en Syrie a privé l’Iran d’un soutien de taille au Moyen-Orient. Malgré cette perte, Téhéran peut toujours compter sur le Hezbollah et sur les milices chiites irakiennes

Washington peut s’appuyer sur Israël et la coalition des neuf, ses alliés principaux dans la région. Cependant, avec les récentes menaces de Donald Trump évoquant un départ des états-Unis de l’Otan, il ne serait pas étonnant de voir ces derniers refuser d’intervenir dans le conflit. Une possibilité faisant écho au refus français d’intervenir en Irak, lors de la seconde guerre du Golfe en 2003. 

L’Iran souhaite donc renforcer son influence au sein des BRICS+ et au sein de l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï). Pour ce faire Téhéran est prêt à tout pour étendre son emprise sur le Moyen-Orient. De son côté, les États-Unis ne peuvent pas risquer de laisser le contrôle de cette région si stratégique à ses ennemis. Ce qui ne semblait être qu’une guerre civile pourrait en réalité être les prémices d’une guerre totale entre les grandes puissances mondiales.

 

Lucas Oudot — Vermande

 

Crédit : Pexel

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