Grogne des agriculteurs : les raisons de la colère

Grogne des agriculteurs : les raisons de la colère

Répondant à l’appel des syndicats, de nombreux agriculteurs ont protesté toute la semaine du 18 novembre partout en France. Ces manifestations font écho aux avancées de l’accord de libre-échange Mercosur entre l’Union Européenne et plusieurs pays d’Amérique du Sud. Retour sur ces actions et explications.

Lundi 18, mardi 19 et mercredi 20 novembre ont défilé partout en France de nombreux agriculteurs protestant contre l’accord européen du Mercosur. Ces protestations ont pris la forme de défilés de tracteurs ou de dépôts de déchets agricoles, comme devant la mairie de Pessac. Hautement symbolique, cette action a succédé au retrait par les manifestants du drapeau européen de la façade du bâtiment institutionnel. D’abord seulement appelées par les Jeunes Agriculteurs et par la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), ces actions ont ensuite été soutenues par la Coordination Rurale, un des syndicats agricoles majeurs en France, accordant un poids supplémentaire aux revendications prônées par les manifestants. Mais revenons plus en détail sur les tenants et aboutissants de cet accord.

Le Mercosur, abréviation de “Marché commun du sud”, est un accord de libre-échange liant l’Union Européenne et plusieurs pays d’Amérique du Sud tels que l’Argentine, la Bolivie ou le Brésil. Il vise au libre-échange des marchandises en harmonisant les politiques des deux parties et notamment en supprimant la quasi-totalité des droits de douane entre l’UE et les pays d’Amérique du Sud membres de l’accord. Si l’agriculture n’est pas l’unique domaine concerné par cette alliance, elle en est tout de même une part non-négligeable. Suite à de longues et tortueuses négociations depuis le début des années 2000, le Mercosur semble en 2019 se frayer un chemin dans les politiques des deux côtés de l’Atlantique. Néanmoins, certains pays comme la France émettent des réserves, notamment quant aux probables conséquences écologiques d’un tel accord. Faute d’unanimité, l’accord en est depuis resté au stade des négociations.

Opportunité pour les uns, menace pour les autres

Ce projet d’accord divise, et pour cause. Il s’agit pour les pays participants d’Amérique du Sud d’une chance majeure de développement économique, talon d’Achille de cette région. En Europe, c’est le même argument qui est avancé par des pays comme l’Allemagne, qui y voit un espoir de relancer la croissance économique du Vieux Continent. Mais des voix s’élèvent du côté de l’opposition : augmenter les échanges de marchandises entre des régions si éloignées paraît à total contre-courant des préoccupations environnementales plus pressantes que jamais.

Pour les agriculteurs français, cette possible coopération représente avant tout un danger pour leur secteur déjà grandement fragilisé, notamment par le Covid. Les différents syndicats agricoles considèrent que malgré les possibilités d’exportation, la porte ouverte aux importations de produits agricoles d’Amérique du Sud constitue une concurrence déloyale. De plus, la crainte d’une inondation du marché européen de produits non-conformes aux normes européennes se fait sentir, menaçant ainsi le marché des producteurs français. À ces revendications viennent enfin s’ajouter des protestations contre les obligations administratives jugées excessives auxquelles les producteurs doivent se plier en temps normal, les amenant à réclamer une simplification de celles-ci ainsi que des aides plus importantes.

L’horizon flou d’un accord pas beaucoup plus clair

La France se pose aujourd’hui comme l’un des seuls pays à vouloir abandonner l’accord.  Cependant, il est nécessaire pour bloquer sa signature d’obtenir l’assentiment d’au moins 4 autres États, représentants plus de 35% de la population européenne. Les députés français ont ce mardi voté une large opposition au Mercosur en l’état. Par la suite, la ministre de l’agriculture Annie Genevard a déclaré que “dans les conditions actuelles”, le projet d’accord n’assure pas de conditions de concurrence loyales pour nos agriculteurs”. Le gouvernement polonais, quant à lui, a affirmé ce mercredi son accord avec la France par la voix de son premier ministre Donald Tusk.

Si certaines voix regrettent que cette opposition ne se limite pour l’instant qu’à l’actuel projet de Mercosur et pas à une quelconque forme de celui-ci, ces derniers rebondissements sont une avancée notable pour ses détracteurs. Il n’est cependant pas certain que cela suffise à satisfaire les réclamations des agriculteurs, qui protestent toujours pour une simplification des normes administratives auxquelles ils se plient.

 

Romain Vallat

 

©FNSEA

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