Ces Bleus fabuleux

Ces Bleus fabuleux

Ils auront dû passer l’Italie, batailler contre l’Irlande, triompher à Édimbourg, ferrailler à Cardiff et venir à bout de l’Angleterre pour enfin remporter le Grand Chelem, attendu depuis douze ans par le rugby français. Ces Bleus nous ont fait passer par tous les états pendant ce Tournoi des 6 Nations 2022. Retour sur une édition qui rentrera dans l’histoire de l’ovalie française.

 

L’exploit mérité, que l’on sentait venir

Deux ans et demi que les saisons se ressemblaient pour ce jeune XV de France. Capables de jouer un très bon niveau sur tous leurs matchs, les Bleus échouaient souvent dans les dernières minutes des matchs cruciaux, souvent par manque d’expérience. On se souvient de ce drop de 50 mètres de Jonathan Sexton dans les dernières secondes de France-Irlande 2018, qui crucifie l’Équipe de France à la dernière seconde. Ou encore, ce quart de finale de Coupe du Monde face aux Gallois, symbole d’une équipe en manque de repères et de véritable cadre. Jacques Brunel, l’ancien sélectionneur ne trouvait pas de solution.

 

Après cette élimination en Coupe du Monde, un tout nouveau staff est arrivé à la tête du XV de France, pour entamer un chantier conséquent. Avec Fabien Galthié comme sélectionneur, Raphaël Ibanez manager général, Laurent Labit pour l’attaque, Shaun Edwards à la défense, Karim Ghezal et William Servat pour la conquête et les avants, tous étaient prêt à donner à cette équipe une nouvelle dimension. En misant sur la jeunesse avec des joueurs comme Antoine Dupont, Romain Ntamack ou Melvin Jaminet, sans oublier l’expérience avec Gaël Fickou, Uini Atonio ou Cyril Baille, la formule Galthié a très vite fonctionné.

 

Dès les premiers matchs, on sent une véritable alchimie au sein de l’effectif, et les résultats sont encourageants. Dès le tournoi des 6 Nations 2020, les joueurs de Fabien Galthié terminent deuxièmes, avec seulement une défaite en Écosse et de très belles victoires à Cardiff, ou encore contre l’Angleterre. On sentait que cette équipe avait du potentiel, et redonnait déjà le goût du rugby aux supporters français. Même rengaine lors de l’édition 2021, mais cette fois-ci avec deux défaites au compteur. A Twickenham, les Bleus s’étaient inclinés de trois petits points et l’Écosse nous avait de nouveau battue. On les pensait maudits, condamnés à toujours échouer à la deuxième place à cause détails. Mais cette jeune équipe étaient en construction et avait surtout besoin de temps pour construire un effectif solide, en attaque et en défense, sur et en dehors du terrain.

 

L’élément déclencheur qui a prouvé que notre jeune équipe pouvait surprendre n’importe qui, c’est la victoire historique contre les All Blacks le 20 novembre 2021. 40 à 25, c’est la victoire la plus large de l’histoire du XV de France face à la Nouvelle-Zélande. Emmenés par une charnière Dupont Ntamack fantastique, des avants surpuissants, les Blacks n’ont pas résisté à la fougue française. La jeune garde bleue signe donc lors de cette tournée d’automne un succès de référence, qui leur donnera une confiance aussi naïve que solide.

Des Bleus en patron 

Dans un Stade de France en ébullition, les joueurs de Fabien Galthié devaient terminer leur mission : battre l’Angleterre pour enfin gagner le tournoi des Six Nations. Une défaite était synonyme de deuxième place au classement final derrière l’Irlande. Cette nouvelle place de Second, la troisième de suite sous l’ère Galthié, serait une immense désillusion. Mais cette équipe de France a appris des précédentes déconvenues et semble dorénavant imperméable à la pression.

Les Anglais se lancent rapidement dans une stratégie de déstabilisation, accumulant les jeux au pied d’occupation et de pression pour mettre les Bleus en difficulté. Ces derniers répliquent et marquent même en premier. Une pénalité de Melvyn Jaminet, suivie par un essai de Gaël Fickou permettent à la France de prendre l’avantage 8-0 au quart d’heure de jeu.

L’adversaire est coriace mais impuissant face à la qualité de la défense tricolore. La bataille du jeu au sol est dominée par les Français, les plaquages sont aussi plus incisifs chez les Bleus. Des approximations offensiveset quelques fautes permettent néanmoins au XV de la Rose de rester au contact au score. Mais les hommes de Galthié vont appuyer sur l’accélérateur en fin de première mi-temps. Un essai de François Cros à l’issue d’une longue et belle séquence offensive vient concrétiser la domination tricolore. La France mène 18-6 à la pause, sa supériorité est manifeste.

Au retour des vestiaires, les Bleus semblent dans les cordes, bousculés par un adversaire revenu avec de meilleures intentions de jeu. Les Anglais marquent un essai à la 50e minute. L’écart se réduit, et la menace britannique se précise. Les Français parviennent à faire le dos rond grâce à une énorme solidarité défensive. Fickou, Villière, Alldritt, Willemse et l’ensemble de l’équipe multiplient les exploits pour contenir les attaques adverses. Les remplaçants entrent en jeu avec la même détermination et la même intensité, jusqu’au moment décisif du match.

Le sélectionneur anglais Eddie Jones avait dévoilé en avant-match le plan de son équipe pour gagner cette confrontation : réduire Antoine Dupont au silence. C’est finalement le numéro 9 et capitaine français qui va mettre les Anglais k-o à l’heure de jeu. Il est à la conclusion d’une action parfaitement menée par l’ensemble du collectif. Servi dans le bon tempo par Grégory Alldritt, Dupont efface plusieurs défenseurs pour marquer l’essai en terre promise. Le XV de France mène 25-13 à 20 minutes de la fin. Plus rien n’arrivera à cette équipe si conquérante. Le tableau d’affichage n’évoluera pas malgré les efforts de l’Angleterre. Le Stade de France est en transe, l’équipe de France tient sa récompense. Douze ans après, les Bleus remportent ce Grand Chelem tant attendu par le monde de l’ovalie français.

 

2023 à l’horizon 

Ce sacre vient récompenser la méthode Galthié et les efforts consentis par l’ensemble du rugby français. Il vient aussi couronner une génération talentueuse et décomplexée. Une équipe pleine d’humilité qui nourrit néanmoins de grandes ambitions. Le réservoir de talents est immense, la concurrence à certains postes est féroce. Si l’équipe de France n’a que très rarement modifié son effectif durant ce tournoi, n’utilisant que 26 joueurs sur les 5 matches, il est primordial de souligner que ce Grand Chelem est aussi celui d’un groupe large et étoffé d’une quarantaine de joueurs qui se sont réunis chaque semaine.

Certains joueurs de l’équipe sont tout simplement les meilleurs au monde à leurs postes actuellement. On peut ainsi citer les compères toulousains le pilier Cyril Baille et le talonneur Julien Marchand, et bien évidemment Antoine Dupont, élu meilleur joueur au monde l’année dernière. La plupart des joueurs de l’équipe ont encore leurs meilleures années devant eux, la moyenne d’âge de ce groupe n’étant que de 26 ans.

La mission que cette équipe s’est fixée ne fait finalement que commencer. Son ambition suprême est de devenir championne du monde l’an prochain, à domicile. Ce serait la première fois que le XV de France grimpe sur le toit du monde pour conquérir un trophée que seule l’Angleterre est parvenue à ramener en Europe.

Cet objectif complètement fou sur le papier n’a jamais semblé aussi réalisable tant cette équipe paraît solide, comme programmée pour atteindre son but. L’équipe de France est aujourd’hui la meilleure nation au monde. Elle a incontestablement les armes nécessaires pour le rester jusqu’à l’automne 2023. Il sera néanmoins primordial de confirmer ce nouveau statut durant les prochaines échéances. Sont au programme une tournée d’été au Japon, sûrement sans les meilleurs joueurs de l’équipe, et une alléchante confrontation face aux champions du monde en titre Sud-Africains au mois de novembre. On a déjà hâte d’y être.

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