Yves Simone : « On m’appelle Monsieur Bordeaux » 

Yves Simone : « On m’appelle Monsieur Bordeaux » 

Pas étonnant de retrouver ce défenseur ardent du patrimoine local, à la fermeture du Musée de l’imprimerie où le guide bordelais peste : « La mairie est en train de les dégager, c’est une honte ! ». A 65 ans dont 44 passés à faire découvrir les monuments de Bordeaux, il en est devenu une figue incontournable.

Après être venu au chevet de ses camarades, le sexagénaire se rend au Café des Arts, l’emblématique brasserie du cours Victor Hugo. Sur son vélo reconnaissable entre mille, décoré d’une dizaine de klaxons farfelues à têtes d’animaux, le natif de Bègles pédale de son domicile de l’hypercentre, où il réside depuis une trentaine d’années, jusqu’à « [son] bureau ».

Tout juste entré, un serveur le reconnaît et lui sert « sa drogue habituelle », un grand verre d’eau chaude auquel il ajoute une poudre, mélange de caroube et de cacao, « le café et le thé [l’] excitent trop ». Parfait pour lui remonter le moral avant de raconter, avec passion, son parcours intimement lié à sa ville de cœur.

« Je me croyais seul au monde à admirer la ville » 

Avec son couvre-chef caractéristique, sa veste en velours du XIXe siècle, customisée à l’aide de ses propres galons et ses lunettes décorées des armoiries bordelaises, le « Bèglon » fait figure d’ovni dans le Bordeaux gentrifié de 2024. Déjà à l’époque, l’étudiant en histoire se démarquait de ses camarades. « Je me croyais un peu seul au monde à admirer la ville, à l’époque c’était noir, sale, tous mes copains se désintéressaient de Bordeaux, ils ne pensaient qu’à New York ». Yves Simone su saisir le potentiel de « la belle endormie » avant son élection de « meilleure destination européenne en 2015 ». L’histoire d’amour débute à la fin des années 1970. Au cours d’un voyage d’un an en stop en Amérique du Nord, le déclic intervient. Son pays natal lui manque. Au point de ne plus quitter la capitale girondine les trente années suivantes ! Trente années de promotion du patrimoine local illustrées par un nombre incalculable de visites données pour l’office du tourisme.

« [Être guide], c’est comme se rêver chirurgien et se réveiller aide-soignant »  

Pourtant, la destinée de l’enfant né le 20 septembre, journée du patrimoine, n’était pas tracée. Il  obtient le diplôme de guide en 1979. Mais, cet emploi est, au départ, synonyme d’échec car recalé aux examens de la faculté d’histoire. « Je me rêvais grand prof d’histoire, je l’ai très mal vécu au  début, c’est comme se rêver chirurgien et se réveiller aide-soignant. Au bout de dix ans je me suis  pris au jeu ».

Son style inimitable attire inévitablement le regard des passants lors de ses sorties. Mais il doit son surnom de « Monsieur Bordeaux » à ses dix-huit ans de service chez TV7 Bordeaux, achevés en 2020. Cinq-cent-quarante émissions (Suivez le guide) de présentation des trésors  architecturaux de la métropole. Légèrement fanfaron, l’expert revendique l’invention d’« une  nouvelle façon de parler d’architecture à la télé, en imposant aux gens le vocabulaire de  l’architecture », en osant se comparer aux monuments cathodiques Stéphane Bern et Lorànt  Deutsch.  

La chaîne locale est alors la septième disponible dans les foyers girondins. Ainsi, sa popularité décolle au point de rendre légitiment ses candidatures aux municipales 2014 et 2020.

« Bordeaux a besoin de moi »

Malgré des résultats en deçà des 5 %, Yves Simone reste persuadé d’être investi d’une mission. « Je reste par devoir, Bordeaux a besoin de moi ! J’en suis quelque part le dépositaire » affirme-t-il tout sourire en tapant du poing sur la table. Reste à savoir si les Bordelais seront du même avis aux prochaines élections municipales de 2026…

 

Crédits photo : Hippolyte Lefebvre

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