Thibaut Pinot, de la désillusion à la consécration

Il se savait attendu au tournant, il n’a pas cédé sous la pression… et il l’a fait ! Ce samedi, Thibaut Pinot a remporté le Tour de Lombardie. Au départ, à Bergame, le franc-comtois faisait office d’épouvantail. En effet, depuis mi-août et sa fantastique Vuelta, rien ne semble arrêter le leader de la Groupama-FDJ. Brillant vainqueur de Milan-Turin trois jours plus tôt, c’est en pleine confiance que notre Thibaut national s’est présenté au matin du dernier monument de la saison. Pourtant, tout n’a pas été si facile cette année pour le poulain de Marc Madiot. De la désillusion à la consécration, de l’abandon au succès, de l’échec à la lumière… retour sur la saison mouvementée de Thibaut Pinot.

Impitoyable Italie

L’Italie. Après la Belgique, la botte est certainement le pays qui respire le plus le vélo. De Coppi à Nibali en passant par Moser, Cipollini, Pantani ou autres Bettini, l’Italie a énormément donné à l’histoire du cyclisme. C’est en partie pour cette raison que Thibaut Pinot adore y courir. L’an dernier, il y avait trouvé refuge loin de la pression médiatique du Tour de France… et c’est ainsi que l’histoire d’amour entre le français et les tifosis a commencé. Extrêmement offensif, Pinot a littéralement conquis les fans italiens pour sa première participation au Giro. 4e du classement général et vainqueur d’une étape, il s’est promis de revenir avec l’ambition de remporter la course. Et c’est dans cet état d’esprit qu’il s’est présenté en mai au départ d’un Tour d’Italie délocalisé en Israël le temps de trois journées.

Auteur d’une course très juste jusqu’en fin de troisième semaine, le français pouvait encore espérer accrocher un podium au matin de la 19e étape. Ce jour là, entre Veneria Reale et Bardonnèche, Christopher Froome a choisi de faire le spectacle en partant à 80 kilomètres de l’arrivée. Derrière, impossible de suivre… mais à trois minutes du champion britannique quatre hommes ont limité les dégâts : Tom Dumoulin, Richard Carapaz, Miguel Angel Lopez… et Thibaut Pinot. Au terme de cette étape épique, le français monte sur la 3e marche d’un podium qui semblait lui tendre les bras. Oui mais seulement voilà… dans toutes histoires d’amour, il y a des hauts et des bas, et le lendemain fut terrible pour Pinot. Pour le plus grand malheur des tifosis italiens, le français craque complètement dans l’ascension du Col du Tsecore à 50 kilomètres du terme. Il perdra près de 40 minutes ce jour là et rétrogradera à la 16e place du général. Plus tard, dans la soirée, on apprendra son abandon suite à une pneumonie à la veille de l’arrivée à Rome… triste épilogue d’un Tour d’Italie qui avait pourtant si bien commencé…

La renaissance en Espagne

S’il y’a bien quelque chose qui a hanté le franc-comtois cette saison, c’est ce rendez-vous raté avec le podium du Giro. Dans la lignée de ses différents échecs sur le Tour de France, certains fans ont commencé à douter de Pinot, le qualifiant de coureur fragile malgré son talent indéniable. Le français a alors décidé de s’isoler le temps de soigner sa maladie pour revenir plus fort en fin de saison. Forfait pour la Grande Boucle, il est contraint de revoir ses objectifs en cochant la Vuelta, les championnats du Monde… et le mythique Il Lombardia. Après une reprise encourageante sur le Tour de Pologne, le français est apparu en forme en Espagne ! Encore un peu juste sur le plat pour viser le classement général (il finira 6e), Thibaut Pinot fait parler sa classe dans la montagne et remporte deux belles victoires d’étapes. Le français est ressuscité, et c’est en toute logique que Cyrille Guimard le sélectionne pour les mondiaux d’Innsbruck fin septembre. En Autriche, il se sacrifie pour le leader désigné de l’équipe de France : Julian Alaphilippe. Ce dernier est victime d’une défaillance qui l’empêchera de remporter le titre mondial, mais Thibaut Pinot a affiché un état de forme très encourageant en vue des classiques italiennes de fin de saison.

Le retour du roi

Une fois la parenthèse équipe de France passée, le leader de la FDJ n’a plus qu’une seule chose en tête : le Tour de Lombardie. Marqué dans son adolescence par les exploits de Paolo Bettini et Damiano Cunego, Thibaut Pinot s’est promis d’inscrire un jour son nom au palmarès du cinquième monument du cyclisme. 3e il y a deux ans puis 5e la saison dernière, le français n’est pas passé loin du succès sur cette épreuve. Pour les connaisseurs, le monument lombard est la course d’un jour la plus dure du calendrier. 241 kilomètres entre Bergame et Côme, le tout cabossé par de longues et difficiles ascensions… il faudra être très costaud pour lever les bras. Costaud, il l’est ! Thibaut Pinot part même avec l’étiquette de grand favori suite à son succès sur les routes de Milan Turin trois jours plus tôt. Et si le statut d’homme à battre ne lui a jamais vraiment convenu, cette année, le français n’a pas déçu.

A vrai dire, il a même surpris son monde en sautant dans la roue de Vincenzo Nibali lorsque celui-ci a accéléré à 50 kilomètres du terme. Au risque de tout perdre, Pinot s’est lancé dans une course folle aux côtés du virtuose italien, le même qui s’était joué de lui sur l’édition précédente (il l’avait lâché en descente en fin de course pour aller s’imposer). Un temps accompagnés par Egan Bernal et Primoz Roglic, les deux hommes se sont isolés dans la montée du Civiglio, avant dernière ascension du jour. C’est précisément dans cette montée que tout s’est joué. A coup de banderilles bien placées, Pinot a tenté de faire craquer l’italien. Légèrement en dessous, Nibali s’est accroché dans l’espoir de basculer avec le français et de le lâcher dans la descente, comme l’an dernier. Mais il n’en fut rien ! La dernière accélération de Thibaut fut fatale au requin de Messine, obligé d’abdiquer face à la force du leader de Groupama-FDJ. La suite ? Un raid solitaire de 15 kilomètres pour rallier l’arrivée à Côme. Thibaut Pinot remporte donc le premier monument de sa carrière, 21 ans après Laurent Jalabert, dernier français à avoir levé les bras en Lombardie. Mieux encore, il s’impose en ayant vaincu le maître de l’épreuve, vainqueur de deux des trois dernières éditions. Si les tifosis italiens rêvaient de voir Nibali franchir une nouvelle fois la ligne en vainqueur, ils n’ont pas caché leur joie au moment du triomphe de Pinot. Le français le sait, après le Requin de Messine, il est le coureur le plus encouragé sur les routes transalpines. En Italie, il aura connu les larmes en mai et la jubilation en octobre, le symbole d’une histoire d’amour mouvementée mais passionnée entre un pays et son chouchou étranger.

L’année prochaine, pas de Giro pour Thibaut. Sa saison sera axée sur le Tour de France, pour le plus grand bonheur de ses fans qui attendent avec hâte de le voir de nouveau briller sur la Grande boucle. S’il a terminé 3e et meilleur jeune en 2014 et remporté deux étapes en 2012 et 2016, Thibaut Pinot a surtout enchaîné les désillusions sur la grande messe de juillet. Il reviendra très certainement sur les routes italiennes… mais avant cela, il a une autre revanche à prendre.

Elliott Bureau

Crédits photo: Sirotti / L’équipe

Share

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *