The Fabelmans, mise en abyme trop personnelle ?

The Fabelmans, mise en abyme trop personnelle ?

Steven Spielberg fait son grand retour avec The Fabelmans, sorti le 22 février dernier. Sous sa casquette de réalisateur-scénariste, il délivre une œuvre fortement inspirée de son enfance et de la naissance de son amour pour le cinéma. Son film nous permet-il réellement d’embrasser sa passion ?

 

Famille glorieuse ?

Dès les premières scènes, la caméra dépeint le portrait d’une famille : les Fabelman. Pour impliquer le spectateur dans leurs péripéties, Spielberg opte pour un processus empathique complet. De la mise en place des personnages, à la variation des plans moyens aux gros plans, émane une chaleur communicative. Impossible de rester indifférent aux interactions des membres de cette famille, sans avoir l’impression de siéger à leur table. L’intensité des rapports qu’ils entretiennent est bien souvent perceptible par le spectre chromatique choisi, oscillant parfois du rose chair à un bleu ciel.

Au centre du récit initiatique se trouve le protagoniste : Sammy Fabelman. Garçon sensible, créatif et énergique qui, un soir, tombe fou amoureux du septième art. Issu d’une famille de confession juive, le jeune cinéphile évolue dans une société qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, n’est pas toujours clémente avec lui. Cette atmosphère des Trente Glorieuses se manifeste également à l’échelle du sexisme subi par les femmes à cette époque. À travers le regard expressif de la mère incarnée par Michelle Williams, le spectateur voit un plafond de verre, une émancipation freinée par des normes sociales. C’est un contexte historique sur lequel le film insiste avec pertinence et intelligence.

Niveau réalisme, l’équipe de tournage ne fait pas les choses à moitié ! Au fil des années, les modèles de voitures gagnent quelques centimètres, et les décors qui épousent progressivement le style mid-century moderne, transpirent le passage des années 1950 aux années 1970

 

Drogue douce

« L’art est notre drogue », déclare un des personnages du film. Par cette simple phrase, le réalisateur de Jurassic Park exprime le fond de sa pensée. Pensée qui de la situation initiale au dénouement semble faire l’apologie du domaine artistique et du cinéma en particulier. L’audience se retrouve, à de nombreuses reprises, plongée dans l’âme esthète du jeune Fabelman. De multiples techniques cinématographiques sont utilisées à cet effet ! Des mouvements panoramiques de 360° font écho aux caméras, et aux pensées hypnotiques du cinéaste en herbe. Le scénariste de soixante-seize ans ne tarit pas d’éloges sur sa pratique. Notamment lorsqu’il établit un focus sur les effets que produisent la ciné-expérience en danger dans nos sociétés actuelles. Avec minutie, il crée un véritable univers visuel et sonore censé rattacher l’auditoire à sa cause, à son addiction. Aucune âme de cinéphile ne peut rester de marbre face aux cliquetis du Bolex (caméra argentique) de Sam ou à la figure emblématique d’un appareil tel qu’un Arriflex. Sa vocation, maintes fois répétée comme n’étant qu’un simple « hobby », triomphe dans son œuvre.

 

Ce rêve bleu

S’il existe bel et bien un aspect qui ne fait pas l’unanimité lors du visionnage du long-métrage, ce doit être le genre. Plusieurs se croisent, se superposent et se contredisent. Quelquefois, dans un laps de temps relativement court, un ton grave devient plus léger et inversement. Parler de drame paraît au premier abord suffisant, mais ce serait délaisser des procédés plus absurdes, des actions plus saugrenues. Sans tomber dans la commedia dell’arte, la frivolité de certaines scènes ponctue une quête d’identité sérieuse n’en déplaise à certains. Tous ces styles sous-jacents convergent vers un seul et même type de registre : le film onirique. Oui, The Fabelmans a tout d’un rêve, a tout d’un conte. C’est une variable non négligeable qui prend forme sous la direction du compositeur John Williams. L’homme qui travaille main dans la main avec Steven Spielberg depuis près de cinquante ans déclare dans une interview que son métier consiste à « façonner et à améliorer le processus de narration ». Même si la bande sonore originale n’égale pas le statut culte d’un Indiana Jones ou d’un Star Wars, son rôle reste accompli. Le duo incite les spectateurs à visiter leur Pays des Merveilles, et l’imaginaire de Sammy Fabelman.

The Fabelmans est donc une histoire personnelle qui compte une morale universelle. C’est celle de la poursuite de sa « légende personnelle ». Déjà récompensé lors de la 80e cérémonie des Golden Globes, le chef d’œuvre mérite d’être regardé. Malheureusement, l’avis des critiques n’est pas toujours en accord avec l’enthousiasme du grand public. La passion du cinéma est certes transmise, mais le côté intimiste du récit peut vous jouer des tours. Alors, allez le voir avec un œil averti et un esprit ouvert !

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