Le novembre de Pop-Up
« Lors d’un trajet en train, vous êtes assis(e) à côté de la directrice de Radio France. Vous avez du temps pour lui dire en toute franchise ce qu’elle devrait mettre en place pour que vous écoutiez davantage ses programmes. » C’est une des pistes de réflexion proposées dans la consultation nationale lancée par Radio France et France Télévisions, sous l’appellation : Ma Radio Demain / Ma Télé Demain. Auditeurs et téléspectateurs sont appelés à répondre aux questionnaires qu’ils souhaitent portant d’un côté sur les médias publics et de l’autre sur les thèmes abordés dans ces derniers. Il ne nous en fallait pas plus à nous les SciencesPop, pour répondre à l’appel et balancer nos quatre vérités à Sybile Veil, présidente de Radio France.
« Comprendre le service public, c’est comprendre qu’il est accessible, gratuit et territorial. Ce n’est pas centraliser, c’est déployer. Ce n’est pas l’audience maximale aléatoire, c’est le public local qui interagit. Il est facile d’entendre que les antennes de FIP Bordeaux, Nantes et Strasbourg doivent être fermées pour raisons économiques ; cela devient beaucoup plus difficile quand il s’agit de comprendre cette décision surtout quand on connaît le rôle qu’endosse et que joue une radio locale. La radio publique est séduisante car elle est plurielle, car elle se complète pour un auditeur cherchant grande information et identité géographique. L’on aime entendre une voix dès qu’on s’en trouve proche géographiquement, l’on aime à tomber sur des références que l’on croise tous les jours en allant travailler ou qu’on devrait justement aller découvrir. Le progrès dont vous vantez tant les mérites n’est pas radiophoniquement productiviste, il est radiophoniquement pluriel. Mais pourquoi bon dieu la radio brille t-elle par sa diversité ? Sous la douche, en voiture, à vélo – bien que gare à la circulation -, sur les quais de Garonne, en podcast, sur les ondes FM ou AM, sur le poste hérité des années 1950, en direct sur le smartphone et partout où tout autre média n’a pas réussi à faire son trou ni à se substituer à la facilité d’utilisation de la radio, c’est là qu’elle se trouve et c’est pour cela qu’elle se doit de répondre à toutes les attentes, si nombreuses et variées qu’elles soient, des auditeurs. Maintes fois on l’a annoncée en crise, et combien de fois parmi ça il ne s’agissait que d’un euphémisme tant on croyait qu’elle allait mourir ou pire encore, devenir réactionnaire. Il serait dommage qu’ayant traversé de si grandes révolutions l’ayant affectée directement ou non, notre entité radiophonique publique soit réduite, cloisonnée, uniformisée, standardisée. A vous de trouver les bons antonymes à ces termes, pour les conjuguer aux ondes publiques actuelles. Le service public est un domaine à part, que l’on veuille le convertir à la loi du marché serait un abandon définitif ; assumer sa différence, presque marginale, sans vergogne et sans fausse modestie sera la clé d’une pleine radiophonie publique et populaire. Faut-il encore prouver qu’elle puisse mériter pleinement cette attention ? Est-il encore nécessaire de montrer à quel point les radios font partie de notre héritage collectif, mais plus que tout de notre futur ? 130 ans qu’on écoute des émissions radios sur nos téléphones, et jamais quiconque n’eut pas envie de renouveler encore une fois l’expérience. »
C’est dit, à bon entendeur. On pose ça là. L’affaire AURAIT PU être conclue ainsi. Mais voilà les questions se bousculaient déjà dans nos têtes, comme des rappeurs à Orly. Cette consultation eut été l’élément déclencheur d’une réflexion irréversible qui allait marquer reporters et lecteurs pour un moment. Si les médias publics proposent une consultation, que se passe t-il derrière les écrans et les ondes ? La radio est aujourd’hui malmenée, mal aimée et on ne veut plus de sa forme actuelle ? L’on s’adresse directement au peuple parce qu’on n’est pas capable de prendre une décision ? (comme à un congrès du PS) Ou juste pour exercer un semblant de démocratie participative ? (comme à un congrès du PS) Les auditeurs ne s’attendaient peut être pas à cette consultation, et pourquoi pas alors tenter quelque chose au final ? L’occasion de s’exprimer directement est là. Allons y donc, modelons le futur. Ou le passé. Car la radio c’est aussi et surtout la nostalgie du monde sans image et de l’imaginaire. Mais l’aime t-on parce qu’elle vient du passé et a été l’un des premiers médias de masse ? La radio passe du passé au présent en quête de futur mais porteuse d’un héritage qui la condamne, ou la porte, à ne pas subir les grandes innovations technologiques de notre monde du présent, monde déjà projeté à demain. Où est donc la radio rêvée dans le continuum espace-temps. Va t-elle mourir ? Va t-elle renaître ? La voilà LA question ultime : faut-il une révolution pour concilier futur et radio ?
Prochain contenu : lundi 5 novembre.