Alice Guy : pionnière du cinéma, tombée dans l’oubli

Alice… qui ? Alice Guy ! Vous ne la connaissez pas ? Et pourtant…cette française est la première réalisatrice de l’histoire du cinéma, c’est une des plus grandes figures du cinéma muet de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

Victor Bachy, auteur de sa biographie, parle d’Alice Guy : « Celle qui avait tant lutté pour défendre son titre de première femme cinéaste du monde s’éteignit sans plus savoir qu’elle avait fait du cinéma, avant la publication de ses mémoires, avant la redécouverte de ses films, avant que justice ne lui fût rendue. Sic transit gloria Mundi (ainsi passe la gloire du monde, ndlr)».

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les femmes ont toujours eu un rôle important dans le cinéma, cela dès 1896, année où débute le cinéma dans le monde.  Elles étaient les seules à incarner des rôles dans le cinéma et celles qui peignaient à la main les pellicules. Pour le montage, il était confié à des ouvrières de laboratoire, un métier minutieux qui devait être fait par des « petites mains ».

Alice Guy, première réalisatrice de cinéma, est une femme qui, après avoir réalisé plus de 200 films, est contrainte de vendre son studio Solax de Fort Lee aux Etats-Unis pour rembourser des dettes accumulées par son mari.  En rentrant en France, elle tente de se refaire une place seule dans le monde du cinéma, mais il est trop tard. On l’a oubliée.

Elle a commencé en tant que secrétaire de direction au comptoir général de la photographie. A 21 ans, elle est jeune, inexpérimentée et femme, mais elle réussit pourtant à franchir tous les obstacles: elle devient petit à petit réalisatrice, un métier qui n’existe pas encore. Au fur et a mesure, elle s’installe à la tête de toute la production cinématographique de la maison Gaumont. Qui l’eu cru ? Une femme à la tête de la production d’une grande maison comme Gaumont au XXe siècle.

C’est ainsi qu’Alice Guy réussit à elle seule à transformer Gaumont en une société résolument tournée vers le 7e art et lui permet de rivaliser avec Pathé, son principal concurrent. Elle joue aussi un rôle actif dans la diversification des fictions. Aventurière, elle touche à tous les genres en tant que productrice et réalisatrice : comique, aventure, drame, western, féérie, fantastique, opéra filmé, policier…

Alice Guy s’aventure vers les Etats-Unis avec son mari, Herbert Blaché et en 1910 elle monte sa propre société, la Solax Film Co, dont elle est présidente et directrice de production. Solax devient l’une des plus grandes maisons de production des États-Unis juste avant l’émergence d’Hollywood. Malheureusement, en nommant son mari président de Solax, c’était le début de la fin pour Alice dans le cinéma. Blaché ouvre ainsi sa propre société puis achète celle d’Alice, laissant celle-ci sans travail et sans mari. Alice n’arrivera plus jamais à retrouver sa place dans le cinéma mondial.

En effet, dès les années 1920, le cinéma et le montage se masculinisent et le salaire des hommes dépasse celui des femmes. De nos jours, une femme gagne 1068 euros contre 1145 pour un homme par semaine de montage.

A 80 ans, Alice Guy rédige ses mémoires mais sa contribution au cinéma a été oubliée et le crédit de beaucoup de ses films a été attribué à d’autres. Elle entreprend donc un dernier combat : récupérer ses films. Elle passera les dernières années de sa vie à la recherche de ses bobines. Elle, qui fut l’une des réalisatrices et productrices les plus prolifiques de son temps, n’en retrouvera que trois de son vivant.

Voici 2 extraits de sa filmographie :


Jackie Buet, autre biographe, donne son avis sur le sujet : « Je suis très suspicieuse du milieu cinématographique français à l’égard des femmes. Car comme on a oublié Alice Guy, on a oublié Germaine Dulac et beaucoup d’autres. Je pense qu’il y a aussi un vrai problème de machisme derrière cette cécité. »

Martin Scorsese, réalisateur, ajoute : « Elle a écrit, dirigé et produit plus de mille films. Et pourtant, elle a été oubliée par l’industrie qu’elle a contribué à créer.»

Crédits photos et vidéo : collection Solax

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