Projet Cartel, quand l’unité fait face à l’impunité

Le 6 Décembre dernier, paraissait simultanément une série de 5 enquêtes dans 25 médias à travers le monde, regroupées sous le nom de « Projet Cartel ». Ces investigations reprennent le travail de Regina Martinez, une journaliste mexicaine assassinée au nom de la liberté de l’information. 

 

Qu’est-ce que le projet Cartel ? 

Le Projet Cartel est le nom d’une collaboration, impulsée par le réseau Forbidden Stories regroupant pas moins de 60 journalistes, originaires de 18 pays différents. Parmi les médias impliqués, on retrouve le journal Le Monde, la cellule investigation de Radio France, avec également des quotidiens comme The Washington Post ou encore El País. L’objectif de ce réseau d’enquêteurs est de poursuivre les recherches inachevées de reporters victimes de censure, de menaces ou même d’assassinat. Le collectif a entrepris de poursuivre les travaux de Regina Martinez, retrouvée morte à son domicile en 2012, alors qu’elle menait une enquête sur les liens mêlant la classe politique mexicaine et des narco-trafiquants. Regina écrivait pour le magazine d’investigation hebdomadaire Proceso. Après ce crime, elle est devenue le symbole d’un combat pour la liberté d’expression dans un pays meurtri par la violence des cartels. De plus, l’enquête menée pour tenter d’éclaircir les circonstances de ce meurtre reste floue et bâclée par les autorités locales qui cherchent à étouffer l’affaire.

 

Quel était l’objet des investigations de Regina Martinez ?

Originaire de l’état de Veracruz, Regina Martinez et des amis enquêteurs s’attaquaient à la corruption chez les élites, notamment sur des scandales impliquant Fidel Herrera et Javier Duarte, deux gouverneurs s’étant partagé la présidence de Veracruz. Il s’avère que le deuxième est condamné en 2018 à neuf ans de prison pour blanchiment d’argent et association de malfaiteurs. Sur une période de 10 mois, l’ensemble des 60 journalistes qui composent le collectif Forbidden Stories ont cherché à comprendre les relations entre les élites et les cartels, sur fond de corruption, blanchiment d’argent et vente de stupéfiants. Il s’avère que le Veracruz est un haut lieu du trafic de drogues, son port de pêche lui permet d’exporter la marchandise à l’international. L’assassinant de Regina Martinez est survenu alors qu’elle était en passe de révéler des informations concernant des scandales liés à de nombreuses disparitions, dont les circonstances demeurent floues, dans l’état de Veracruz, l’un des plus dangereux du pays. Au Mexique, la répression autour de la liberté d’information est extrêmement sévère. Des chiffres illustrent une certaine impunité des élites politiques vis-à-vis de la presse. En effet, rien qu’en 2020, ils sont 8 à avoir été tués portant à 119 le nombre total de journalistes assassinés depuis les années 2000.

 

Quel est le message du Projet Cartel ? 

Si le Projet Cartel a mobilisé autant de journalistes, c’est en grande partie dû au fait qu’il se veut défenseur des droits à l’information. L’objectif principal était de reprendre les enquêtes abandonnées par Regina suite à son décès. Mais aussi, en publiant la série des 5 enquêtes simultanément dans 25 médias à travers le monde, le collectif de Forbidden Stories souhaitait réaffirmer l’unité des journalistes et du monde de la presse face à ceux qui veulent sa mort. La publication simultanée des enquêtes fait écho aux pratiques de Regina et ses amis « indésirables » qui, pour éviter des représailles, publiaient en même temps les informations chaudes qu’ils détenaient. L’action de ce collectif peut être résumée par une phrase, celle de Laurent Richard, fondateur de Forbidden Stories, qui s’efforce de répéter : « Vous avez tué le messager mais vous ne tuerez pas le message ».

 

 

Léo Marchegay

 

Crédit photo : Alberto Morales / Agencia multigráfica 1992

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