L’affaire Gisèle Pélicot juge un mari et d’autres hommes recrutés par ce dernier sur un site de rencontre. Tous ont violé sa femme âgée de 71 ans alors que cette dernière avait été droguée. Ce procès pose de nombreuses questions, notamment sur le rôle de la soumission chimique dans le viol, la vision que nous avons d’un violeur, et la culture du viol dans notre société.
51 accusés dont le mari de la victime défilent devant la barre pour être entendus. Gisèle Pélicot découvre, en même temps que le jugement se déroule, les différents actes perpétrés à son encontre. Elle n’a gardé aucun souvenir de ce qu’il se passait à cause de la drogue que son mari lui a fait ingérer. Même si la situation semble dure, elle a décidé de ne pas faire un procès à huis clos, une décision courageuse de sa part qu’elle justifie en expliquant vouloir médiatiser son affaire pour qu’on change la société.
Sur les vidéos qui constituent les preuves de ce procès, 51 hommes. Certains ne sont venus qu’une seule fois, d’autres plusieurs et ils ont tous un point commun : ils ont été recrutés sur un site de rencontre. Tous ceux qui ont contacté Dominique Pélicot par rapport à son annonce ne sont pas forcément venus, mais personne n’a signalé cette annonce douteuse. Une personne ayant décliné l’offre apporte son témoignage : Cyril explique que Dominique Pélicot lui avait écrit que sa femme prenait des cachets pour se détendre et qu’elle risquait d’être endormie, ce qu’il a trouvé étrange. Pour lui, il était clair que si la dame dormait, elle n’était alors pas consentante. Lorsqu’il a été questionné sur la raison pour laquelle il n’avait pas signalé cette demande étrange, il a alors répondu qu’il avait vu de nombreuses choses étranges sur ce site, et qu’il n’allait tout de même pas signaler à la police chaque chose étrange qu’il voyait dessus.
Qui sont les accusés ? Ils ont des professions, âges et modes de vie différents. Le constat effrayant que ces différentes personnes ont un profil varié a bousculé des idées préconçues. Beaucoup avaient encore cette image d’un homme inconnu qui s’en prend à des femmes la nuit dans des ruelles étroites. D’après la Lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes n°14 publiée en 2018, 9 victimes sur 10 connaissent l’agresseur. Beaucoup pensent aussi que les violeurs sont des reclus de la société, et qu’une personne qu’on voit tous les jours et qu’on pense saine d’esprit ne serait pas capable de commettre un tel crime. C’est d’ailleurs une réaction courante quand on prend des grands cas médiatisés, les proches disent qu’ils n’auraient jamais imaginé l’accusé pouvoir faire cela. Gisèle elle-même le dit, son mari était un homme aimant et attentionné envers elle, elle ne se serait jamais douté qu’il aurait pu lui faire cela.
La honte, ce n’est pas à nous de l’avoir, c’est à eux.
La question du consentement a également été abordée lors du début du procès. Ce n’est pas la vision de la victime sur son consentement qui est discutée puisque les vidéos montrent que Gisèle est endormie, avec parfois des ronflements qui démontrent le sommeil profond dans lequel elle était. C’est le point de vue des accusés sur le consentement de la victime qui pose question. Comment des hommes d’âge mature ont-ils pu penser qu’une personne endormie consentait à avoir un rapport sexuel avec eux ?
Même si Dominique Pélicot affirme avoir prévenu les co-accusés que sa femme était inconsciente, la plupart nient ce fait. Pour se défendre, certains diront qu’ils pensaient que c’était un jeu que le couple faisait, ils pensaient que madame Pélicot se réveillerait pendant l’acte. D’autres déclarent que c’est dû à leur addiction pour le sexe et la violence et qu’ils n’ont pas réussi à lutter face à la pulsion que représentait cette scène. Ils se défendent comme ils le peuvent, mais ce qui est certain, c’est qu’à aucun moment durant l’acte, ils n’ont eu le consentement de la victime. C’est-à-dire qu’ils se sont contentés de l’autorisation du mari de pouvoir disposer du corps de sa femme. Ce fait est révélant sur une façon de pensée : des personnes pensent que le corps de leur partenaire leur appartient et que par conséquent le viol conjugal n’existe pas.
L’importance du refus d’avoir un procès à huis clos prend son importance ici aussi. Gisèle Pélicot est exposée à travers les vidéos des actes qui sont diffusés, pourtant elle affirme que “la honte, ce n’est pas à nous (les victimes) de l’avoir, c’est à eux”. Elle expose à la société française un état d’esprit lié à la question du consentement et de l’appartenance du corps de la femme à son mari qui est toujours présent. Dans ce geste courageux, elle encourage d’autres qui ont vécu la même chose ou quelque chose de similaire à parler. Elle projette sur le devant de la scène une thématique encore trop peu abordée par les politiques. Des questions se sont posées sur si la définition du viol devait être changé, et face à cela plusieurs figures politiques ont montré leur désapprobation en affirmant que mettre la notion de consentement dans la définition du viol reviendrait à mettre en question la victime alors que seul l’auteur devrait être questionné.
Le test de dépistage de soumission chimique est payant (et cher)
D’autres personnes ont été remises en question : le corps médical qui entourait Gisèle et Dominique Pélicot. Mme Pélicot a eu de nombreux rendez-vous avec des médecins et autres soignants puisqu’elle se rendait compte qu’elle avait des trous de mémoire. La première chose suspectée a été la maladie d’Alzheimer. On sait maintenant que ces trous de mémoire étaient causés par l’ingestion inconsciente de drogue que subissait Gisèle. Des médecins ont alors abordé le sujet en expliquant qu’il est compliqué de détecter la soumission chimique chez des patients lors de simples rendez-vous.
Pour rappel, le test de dépistage de soumission chimique est payant, et le montant peut s’élever jusqu’à 1 000 euros si cela est fait hors plainte. Le procès Mazan a déclenché des réactions. L’Ordre national des médecins (CNOM) appelle à une meilleure prise en charge des victimes, notamment en permettant le remboursement du test de dépistage. Il déplore aussi que la seule façon d’avoir un test gratuit est de déposer une plainte. Or, dans certains cas, la victime n’est pas sûre, alors si elle doit déposer plainte, cela ajoute une pression qui les poussera à abandonner le test et la plainte.
Quelques chiffres clefs tirés d’une étude faite entre 2023 et 2024 sur 67.000 étudiants et élèves de grandes écoles. Les sondés déclarent avoir consommé de l’alcool dans 47,5 % des tentatives d’agression sexuelle, 44 % des agressions sexuelles, 35 % des tentatives de viol et 37 % des viols. La question de la soumission chimique et de ce qu’on appelle la vulnérabilité chimique est donc importante à aborder. Des associations mettent en place des cellules d’écoutes, aide pour les démarches, notamment l’association M’endors pas, qui luttent contre le “viol d’opportunité” lors de soumission chimique, il y a aussi des numéros qu’il est possible d’appeler comme le numéro gratuit d’aide aux victimes : 116 006. Pour les étudiants à Bordeaux Montaigne, une cellule de signalement visant à aider, écouter, soutenir, accompagner et protéger les étudiants a été mise en place. Vous pouvez les contacter à travers leur adresse e-mail : cellule-signalements@u-bordeaux-montaigne.fr. Vous pouvez aussi aller à l’infirmerie qui pourra vous prendre en charge ou vous diriger vers des personnes qui seront en mesure de vous aider.
Crédits photos : Rawpixel (« Weighting on table ») / Ministère de l’Intérieur

L1 Histoire de l’art, mais veut faire du journalisme, pourquoi pas on dirait 🙂 Je suis fan de comédie musicale, y a moyen que je fasse un sujet là-dessus. Bref, je pense que vous avez compris, j’écrirai plutôt des sujets culturels (ironique parce que mon premier article est un article de sport, chose qu’à la base je ne suis ABSOLUMENT PAS). Donc bienvenue dans mon antre, j’espère que mon univers vous plaira :))