Priscilla : biopic intime et douloureux sur la femme d’une légende

Priscilla : biopic intime et douloureux sur la femme d’une légende

Dernière œuvre de Sofia Coppola, le film Priscilla nous narre les jeunes années de cette femme devenue icône, projetée dans un monde adulte et sans pitié alors qu’elle n’est encore qu’une adolescente. Nous sommes alors plongés dans l’intimité et la violence de sa relation avec l’homme dans l’ombre duquel elle évolue, celui que l’on nomme le “King” : Elvis Presley.

Couple mythique, image même du glamour et du rêve américain, Elvis Presley et Priscilla Beaulieu nous sont dévoilés à l’écran dans l’intimité de leur vie commune sous les traits de Jacob Elordi et Cailee Spaeny. On pourrait croire que la jeune Priscilla a tout pour vivre épanouie et heureuse. Ce film nous plonge pourtant dans une routine de vie morne et sinistre, teintée d’ennui, et rythmée par les envies, les sautes d’humeur et la volonté inflexible d’Elvis, dont la présence auprès de sa bien-aimée se fait en réalité rare, en raisons de ces obligations. Ces moments passés ensembles sont pour la femme synonymes d’une joie intense, presque enfantine, mais également d’une violence et d’une désillusion vis à vis de cet homme avec qui elle partage sa vie

 

Elvis Presley, la désacralisation d’une icône

L’un des aspects intéressants du long-métrage est la représentation que fait ce film de l’ex-conjoint de Priscilla, le grand Elvis Presley. Bien loin de l’idolatrer pour sa musique, sa prestance ou son génie, on nous présente ici un homme violent, manipulateur, ayant une emprise terrible et malsaine sur la jeune fille, qui ne peut le quitter, se persuadant d’avoir été choisie par cette légende vivante dont elle fait la connaissance en Allemagne, lorsqu’elle n’est âgée que de 14 ans, une adolescente dont les yeux pétillent dès que le nom de son idole est prononcé. Idole qui, rappelons-le, avait alors 24 ans.

Priscilla se persuade ainsi que c’est elle qu’il aime, d’un amour sincère et pur, et qu’elle se doit d’être là pour lui, que c’est là son rôle. Il y a certainement effectivement une forme d’amour dans cette relation, mais un amour abusif et malsain, et ce au-delà de l’aspect problématique de leur différence d’âge. On découvre une tout autre facette de cet homme, basée sur les récits personnels de Priscilla, délaissée, n’existant qu’au travers sa volonté, n’étant qu’un objet de satisfaction parmi tant d’autres. Un objet façonné pour plaire à Elvis, et uniquement pour cela, sans aucune liberté, et dont la volonté est bafouée. Une femme pensant être unique dans le coeur de l’homme, mais qui se rend vite compte des nombreuses liaisons qu’Elvis entretient lorsqu’il n’est pas chez lui.

 

Une femme brisée, désillusionnée

Ce que nous raconte ce film, c’est la réalité qui se cache derrière le mariage et la vie commune de ce couple mythique, aux protagonistes idéaux, dont l’existence semble parfaite. Priscilla, pour Elvis, a abandonné tout ce qui constituait sa vie. Elle a abandonné ses parents, son éducation, pour se trouver enfermée dans ce qu’elle croyait être une existence de rêve, qu’elle finira par abandonner, après des années de violences morales et physiques, ne pouvant supporter davantage cette oppression et cette emprise qu’exerçait Elvis sur elle, mais également motivée par le sentiment de délaissement vis à vis de leur fille Lisa Marie Presley, dont il ne s’occupe pas.

Cette forme d’emprise totale et nocive se traduit à l’écran, notamment à travers l’image de la maison, lieu principal de ce film, dans laquelle la majorité des scènes sont tournées. Une image d’enfermement, de véritable prison dorée, dont Priscilla ne peut s’échapper. Elle se doit d’être là pour Elvis, de lui répondre lorsqu’il veut lui parler, le divertir lorsqu’il veut être diverti, elle se doit d’être à l’image de lui-même, à l’image qu’il lui a forgée, car elle est à lui à présent.

Cette relation abusive de domination transparaît avant tout à travers les acteurs choisis, qui interprètent à merveille leurs rôles, en plus d’y correspondre parfaitement physiquement. Leur différence de taille est particulièrement frappante, l’un étant grand, imposant, il possède le pouvoir et l’emprise sur l’autre, qui est quant à elle petite, très fragile, semblant sur le point de se briser au moindre pas, une statuette sculptée dans le moule qu’Elvis a lui-même choisi, enchaînée à ce dernier et figure même de sa grandeur.

Priscilla est un film intime, touchant, quelque peu troublant par notre position de spectateur au plus proche des interactions fusionnelles, intenses et malsaines entre les deux personnages, dépeint par une mise en scène simple, mais très travaillée, belle et esthétique, au service du propos du film, porté à merveille par les acteurs et la bande son.

Pierre Ayel

Crédits photo : Allociné

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