Lettre à la musique

Lettre à la musique

Musique, que serions-nous sans toi ? Tes accords, tes paroles, tes dièses, tes bémols… Toi qui, par les hauts et bas de ta mélodie, suit les hauts et bas de la vie de chacun qui t’écoute. Toi qui, par trois accords, sais faire ressortir les émotions enfouies au plus profond de nous. Quand j’entends tes notes, ma mémoire ravive les instants durant lesquels j’ai écouté chacun de tes morceaux. Comme si le simple fait d’entendre ta mélodie rembobinait la cassette d’enregistrement d’une vie. Tes airs les plus doux comme tes plus énergiques me transportent dans un autre temps, dans un autre lieu… N’importe qui peut se reconnaître dans tes paroles. Et je me demande si, finalement, tu ne pourrais pas tenir les rênes de notre monde ?

 

Henri Salvador et sa Chanson Douce me replongent dans l’enfance. Je me vois encore, petite, tourner la manivelle de ma boîte à musique pour en faire sortir les notes. Cette boîte, je l’enverrais volontiers dans d’autres pays. Car, Musique, peut-être cet air devrait-il être écouté plus souvent, dans un monde où le doux laisse souvent place à de dures réalités. Là où, comme le fait The Police pour envoyer ses SOS, les peuples sont à deux doigts de lancer à l’eau des Message In the Bottle. Au Mali, où la guerre sévit depuis 2012, peut être que les notes exotiques de The Girl From Ipanema calmeraient les choses. Musique, tant de tes morceaux pourraient apaiser les tensions de ce monde. Quand j’écoute Just the two of us, de Bill Withers et Grover Washington, Jr., les airs de saxophone résonnent comme une berceuse dans mes tympans. Si ce morceau parvenait aux oreilles d’Israël, se résignerait-il à dire à Palestine « just the two of us, we can make it if we try… » ?

            Musique, lesquels de tes morceaux écouteraient les pays, s’ils le pouvaient ? La Chine aurait probablement les airs de Ben E.King aux oreilles, et c’est en pensant à Taïwan qu’elle chanterait Stand by me. Malheureusement plusieurs États incarnent aujourd’hui un air de Queen. Musique, je suis obligée de penser à la Syrie, où l’État Islamique tue toujours… Chaque jour là-bas, Another one bites the dust. Des musiques si brutes et chargées d’évènements, j’espère que peu d’artistes sentiront de nouveau le devoir d’en composer. Je souhaite que la frontière Irlandaise ne soit plus source de discordes. Car même si la chanson est iconique, des Sunday Bloody Sunday, je n’en veux plus. Et au fond tu peux même incarner les tensions les moins chaotiques. Are we still friends ?, cette musique de Tyler the Creator, pourrait être écoutée par tant d’États. Par la France peut-être, en apprenant l’accord de l’Australie, des Etats-Unis et de l’Angleterre au sujet des sous-marins. Tes paroles, tes titres, laissent tellement de place à l’interprétation, Musique.

Et les chefs d’État, que penses-tu qu’ils ont dans leur playlist ? Le maître du déni, Bolsonaro, a probablement les rythmes de Shaggy : « It wasn’t me ». Je m’interroge aussi sur ce qui pourrait bien résonner de l’autre côté du planisphère. Au pays du soleil levant par exemple, là où une résolution historique a déclaré Xi Jinping comme une des « grandes réussites » du pays. Son culte de la personnalité n’est pas près de s’arrêter, et c’est à coup sûr qu’il écoute en boucle All eyez on me.  Il a peut-être aussi écouté les Beatles lors de son échange avec Joe Biden, et prononcé « Let it be » en parlant de Taïwan à son homologue américain. Qu’en penses-tu musique ?

Les peuples, tu as su les bercer par tes sonorités différentes et inhérentes à chacune de leurs cultures. Malgré tout, je ne peux m’empêcher de leur associer les compositions qui volent à mes oreilles. C’est peut-être sur l’air de Got to be real, que les migrants Irakiens ont tenté de se rendre en Europe. Les pauvres pensaient y avoir un accès facilité. Mais si Luidji avait été là, il leur aurait probablement dit : Mauvais Réflexe. Car en réalité, à la frontière entre Biélorussie et Pologne, on est bien loin de la chanson de Cheryl Lynn… Plus près d’ici, à Paris, penses-tu que les toxicomanes sont comme Eagles, à la recherche d’un Hotel California ? Si seulement ils pouvaient en entendre les notes de guitare, plutôt que de se réfugier dans le Suga Suga de Baby Bash, se demandant comment cela les rend « so flyyyy ».

Tes morceaux représentent tellement de vies, Musique. I need a dollar, cet air entraînant d’Aloe Blacc, si joyeux et triste à la fois. Penses-tu qu’il est présent dans les oreilles des habitants des favelas ? Dans celles des Intouchables en Inde ? Et dans l’autre univers Musique, celui où les portefeuilles sont pleins, Elon Musk écoute-t-il Power, la prouesse de Young Thug ? First you get the money then you get the power, c’est ainsi que le milliardaire pourrait sauver des millions de vies d’après l’ONU. Si lui peut avoir tant d’impact sur notre monde, j’aime croire que toi aussi, Musique, tu puisses être le vecteur de vies meilleures.

Partage au monde entier tes plus beaux morceaux, les plus authentiques. La voix de Nina Simone et son I put a spell on you. Celle de Childish Gambino sur Redbone. Les Fugees et leur iconique Killing me softly with his song. Les cuivres « very superstitioooous » de Stevie Wonder. Propage tous tes airs Musique. Les plus agréables, les plus touchants. Les plus acceptables, les plus impactants. Même tes airs les plus tristes doivent être écoutés. Des Mistrals Gagnants à River flows in you, de la voix de Renaud au piano de Yiruma. Et puis tous les autres, aussi. Du rap de Lil Wayne au reggae de Bob Marley. Du ukulélé de Seal à la guitare de Dire Straits. J’ai encore tant de tes morceaux en tête, Musique, et tu en as encore tant à dévoiler. Même si, comme Craig David, je prenais 7 days pour apprendre à tous les découvrir, cela ne suffirait pas.

Malheureusement Musique, des gens profitent de toi. Tu as bien dû t’en rendre compte. Tu es détournée pour faire de l’argent. Des individus se proclament interprètes par pur appât du gain, sans comprendre que tu es déjà une richesse. Je me demande souvent pour qui se prennent ces Eva Queen, ces Lartiste, ces Naza ? Et puis, après tout, si leurs morceaux peuvent plaire à certains… Il me suffit de laisser ces exceptions de côté, et de retourner écouter la mosaïque d’œuvres qui te composent, les artistes de tous temps qui ont su bercer les oreilles de milliers d’entre-nous. Les Edith Piaf, les Elvis, les Mozart, les Maria Carey. Tous ceux qui, par leurs capacités instrumentales ou vocales, ont procuré au monde des intervalles de bonheur. Mucho love, Musique, c’est un titre d’Hamza, mais c’est aussi ce que tu nous apportes à tous : beaucoup d’amour. Beaucoup de bonheur aussi. Quand Bruno Mars et Anderson Paak’ fredonnent à mes oreilles « Put on a smile », le simple fait d’entendre leur morceau transforme leurs paroles en réalité.

Alors Musique, je ne peux m’empêcher de penser que, si tu me procures tant de choses, tu peux aussi procurer ce bien-être à la terre entière. Car il est bien de temps à autres, à la manière de John Lennon, d’imaginer un monde meilleur. Néanmoins en y réfléchissant, nos sociétés sont, tout comme toi, rythmées de notes positives. On parle beaucoup des notes graves, mais il est temps de passer à un autre couplet, et d’évoquer des mélodies plus heureuses. Des sons entraînants qui décuplent nos sens. Avoir l’oreille accrochée aux paroles des Destiny’s Child. Danser sur l’ex duo Ariana Grande/Mac Miller et leur My Way. Réaliser son playback sur les notes d’Alicia Keys. Celles de Rihanna. Mais aussi se prêter à l’écoute d’harmonies créées par des interprètes plus récents.

J’aime Musique, profiter des rayons de soleil pour écouter SahBabii lors des Sunny Days. Entendre la voix de Jhené Aiko, qui représente à merveille les instants de joie de ce monde : Happiness Over Everything, voilà un titre puissant. En réalité, Musique, tu es intemporelle, et de tous temps tes morceaux sont sublimes. Quoi de mieux que d’être replongée en plein été par l’instrumentale d’Ice Cube et son It was a good day. Un son dont le titre peut finalement se prêter à tellement de dates différentes… Rien qu’hier, alors que le Sénat a voté la loi de lutte contre la maltraitance animale, et que nous apprenions la guérison naturelle d’une patiente séropositive. Mais aussi il y a un mois, lorsque le Bénin légalisait l’avortement. Ou en février dernier, quand Persévérance atterrissait sur la planète rouge.

Musique, tant de tes morceaux inspirent la joie. Quel plaisir de se ressourcer en écoutant le Sunday kind of love d’Etta James. De se motiver avec Rock With You de Michael Jackson. Simplement d’écouter Young Thug sur Safe, puis les douces Vibes de Nemir. Nebu Kiniza sur Gassed Up, et la voix atypique de Lala &ce sur Show me Love. Celle de Squidji sur Darkskin, puis Madeinparis et son Esprit Lucide. Les airs espagnols, de ceux de Bad Bunny à ceux de C.R.O. Les morceaux RnB de Summer Walker, ceux de Jacquees…

Musique, toi qui es si variée, si riche, toi qui es capable de me transporter aux 4 coins du monde. Comme Aznavour, mon souhait est de découvrir les moindres recoins de la Terre jusqu’au pays des merveilles. Grâce à toi, en quelque-sorte, c’est déjà chose faite. Tous tes genres me transportent à travers le monde. Les notes afro-américaines de ton jazz et de ton blues. Les mélodies latines de ta salsa. Les rythmes jamaïcains de ton reggae. Les guitares américaines de ton rock. Celles de ton flamenco. Les voix afro-américaines de ta soul, de ta funk. Tes compositions africaines, orientales, maghrébines… Tes rythmes de rap émergeant de toutes cultures. Grâce à tes morceaux, Musique, c’est dans un monde de merveilles que nous vivons.

Tu évolues avec ce monde, et il évolue avec toi. Alors je souhaite te dire merci Musique. Merci de nous rassembler, de nous représenter, et de nous faire vibrer au gré de tes mesures. Toi qui, à travers quelques accords, nous fait revenir à l’essentiel : le bonheur. Tu as un pouvoir incroyable Musique. Le pouvoir de nous emporter, en deux temps, dans une autre atmosphère. Une atmosphère orchestrée par tes notes si bien associées. Et finalement, chacun de tes univers se retrouve dans le monde réel. Si bien que je me demande : notre vie ne serait-elle pas un morceau de toi, Musique ? Rythmée de haut et de bas, d’accords et de désaccords ? De majeurs et de mineurs, de joie et de tristesse ? Quoiqu’il en soit, je peux l’affirmer avec certitude : nos vies ne seraient pas pareilles sans toi. Voilà, je t’ai tout dit Musique. Alors s’il-te-plait, continue d’exister, et reste authentique. En attendant tes prochains morceaux, je vais me replonger dans le volume de merveilles qui te composent déjà. Des mélodies qui me font songer aux meilleures des choses. A la terre entière. J’entends déjà Louis Armstrong me souffler à l’oreille : What a wonderful world

 

 

©Pexels

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