Le trafic « uber shit » : La drogue au pied des portes

Le trafic « uber shit » : La drogue au pied des portes

Le “Uber shit” ou “Uber coke”, autrement dit la livraison à domicile de drogue, est une nouvelle manière de fonctionner permettant au consommateur et au vendeur de limiter les risques de contrôle de police. Le phénomène prenant de l’ampleur, Gérald Darmanin a annoncé qu’il s’agissait d’un des axes prioritaires de lutte contre le trafic, et compte bien mettre les moyens nécessaires.

Commander de la drogue comme on commande une pizza sur Uber Eat, c’est une pratique en hausse dans les grandes villes françaises.

Il suffit de préciser le type et la quantité souhaitée, sur les messageries cryptées de Whatsapp, Telegram ou encore Snapchat. Les responsables sont organisés et discrets, utilisant des noms de codes pour définir les produits.

En moins d’une heure, la marchandise arrive à l’adresse du client, acheminée par un livreur en scooter ou en vélo. Il est courant qu’une partie du trafic passe directement par les livreurs Deliveroo ou Uber Eat, dans ce cas la drogue se trouve cachée dans la nourriture.

Pour le consommateur, il s’agit bien évidemment d’un gain de temps et d’énergie mais surtout d’une prise de risque amoindrie : plus besoin d’aller se déplacer dans les quartiers. Avec ce système, de nouveaux profils de clients ont tendance à faire leur apparition, la facilité d’approvisionnement décomplexant ces derniers.

Un réseau qui prend de l’ampleur

Depuis le confinement, le phénomène ne cesse d’accélérer. Selon une source policière, ce sont en réalité les règlements de compte qui ont fait prendre de l’importance à la livraison de drogue, et non la police, comme le dit Gérald Darmanin.  Les altercations devenant trop violentes, les guetteurs ne veulent plus prendre le risque de mourir pour 200 euros la journée.

A Marseille, la cité La Paternelle rapportait entre 50 000 à 70 000 euros quotidiennement, aujourd’hui le trafic continue en optant pour la nouvelle méthode de livraison. Le chiffre d’affaires reste encore moins important que le deal, mais le marché est amené à doubler voire tripler dans les années à venir.

Du côté des coursiers, beaucoup d’entre eux étaient de simples livreurs de repas à domicile mais qui souffraient du manque d’argent dans le métier. Payés à la journée, livrer de la drogue leur offre des revenus plus confortables. Ils ne servent cependant que d’intermédiaire entre le vendeur et le client, peu importe le nombre de livraisons. Bien que les grandes villes soient largement réputées pour leur trafic de drogue, la livraison s’opère aussi dans les zones rurales.

Un petit village, le May sur Evre, situé en Maine et Loire a été marqué au printemps 2024 par l’affaire du “Zanzi Shop”, un trafic via internet d’ampleur “internationale”, selon les gendarmes. Sous les yeux ébahis des 3800 habitants, 14 hommes et femmes âgés de 19 à 58 ans ont été interpellés.

Ce mode de fonctionnement n’a rien de nouveau dans certains états des États-Unis : l’application EAZE, lancée depuis 2014 en Californie, met en relation chauffeurs, clients et cultivateurs. Si la pratique demeure illégale en France, à San Francisco le cannabis thérapeutique est tout à fait reconnu. La marijuana, tout de même envoyée sous prescription médicale, arrive en quelques minutes à domicile.

Une lutte d’autant plus acharnée pour la police

La police rencontre des difficultés pour faire tomber les réseaux, n’ayant pas accès aux messages cryptés. La loi Perben 2 en serait la cause. Plusieurs policiers estiment que cette loi est “obsolète” et doit être revue s’ils souhaitent être efficaces pour comprendre le mode opératoire des trafics : “Les moyens sont limités, on n’a pas accès aux messageries cryptées, on est limités qu’aux écoutes téléphoniques”.

Lors de son déplacement à Marseille, Le ministre de l’intérieur a promis de renforcer “la police d’internet” face aux systèmes de livraison utilisant des messageries cryptées. Il souhaite aussi “systématiser les contrôles de ceux qui livrent comme cela a été fait en banlieue parisienne”.

La difficulté est également d’arriver à distinguer le “faux livreur” du vrai. Les coursiers de drogue savent bien imiter les grandes plateformes de livraison de repas à domicile et les véhicules qui y participent. Autre problème : Le livreur n’appartient pas à une certaine catégorie de profil, certains décident en effet de livrer en tant qu’auto-entrepreneur, sans pour autant avoir un quelconque rapport avec la délinquance.

Crédits photo  : Matthieu ZELLWEGER/HAYTHAM-REA

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