Inde : La liberté de la presse en crise

Inde : La liberté de la presse en crise

Depuis quelques années maintenant, « la plus grande démocratie du monde » fait face à une crise de la liberté de la presse. 

Contexte politique

À la tête de l’Inde, le Premier ministre Narendra Modi, exerce ses fonctions depuis 2014. Figure centrale du Bharatiya Janata Party et incarnation de la droite nationaliste hindoue, il est critiqué pour ses tentatives d’entrave à la liberté de la presse. 

Il qualifie les journalistes de « corps intermédiaires », qui polluent la relation directe que le Premier ministre tente d’entretenir avec ses sympathisants.

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement de Narendra Modi est accusé de contrôler de près le contenu des médias. En janvier 2023, le gouvernement hindou bloque la diffusion d’un documentaire réalisé par la BBC, qui affirmait que le Premier ministre avait laissé libre cours aux violentes émeutes de 2002 au Gujarat. Le gouvernement s’était justifié en qualifiant le documentaire de « propagande », estimant qu’il reflétait un « état d’esprit colonial persistant ».

À ce jour, dix journalistes sont détenus en Inde, dont une journaliste française, selon RSF (Reporteurs Sans Frontières). Souvent la cible de harcèlement et de campagnes d’attaques, les journalistes qui ne soutiennent pas le gouvernement sont vu comme « anti-nationaux ». L’Inde est devenue un des pays les plus dangereux, pour les personnes exerçant dans le domaine de l’information, avec trois à quatre journalistes tués par an.

Paysage médiatique 

La diversité de la société indienne se traduit dans le paysage médiatique du pays. Cependant, de grandes disparités sont à relever. La plus grande majorité est composée d’hommes hindous, issus de la caste supérieure, les femmes restant en minorité. Le paysage médiatique est aussi riche de contre-exemples, comme le média Khabar Lahariya, composé uniquement de journalistes femmes issues de zones rurales et de minorités ethniques ou religieuses.

On compte plus de 100 000 journaux d’information et 380 chaînes télévisées d’actualité. La grande concentration par les principaux groupes remet en cause le modèle indien d’une presse pluraliste. Le rapprochement du parti du Premier ministre avec les grandes familles qui règnent sur les médias accentue l’instabilité de la liberté de la presse.

L’exemple le plus saillant est sans doute celui du groupe Reliance Industries, du magnat Mukesh Ambani, ami personnel du Premier ministre et propriétaire de plus de 70 médias suivis par au moins 800 millions d’Indiens. De même, le rachat, fin 2022, de la chaîne NDTV par le magnat Gautam Adani, qui affiche lui aussi sa grande proximité avec Narendra Modi, a sonné la fin du pluralisme dans les médias grand public. 

Les principaux journaux basent leurs financements sur des contrats publicitaires passés avec les gouvernements locaux et régionaux. Un système dont le gouvernement central tire avantage, avec un total de 20.4 millions d’euros dépensés par an, dans des annonces dans la presse écrite et en ligne. Ce système renforce le problème d’indépendance et de neutralité de la presse indienne.

Une solution alternative

En réponse à cette crise de la liberté de la presse et au déclin du pluralisme, certains journalistes ont trouvé une solution alternative : les réseaux sociaux.

Un des journalistes les plus connus en Inde, Ravish Kumar, a exercé pendant plus de trente ans pour la chaîne d’informations en continu, New Delhi TV. Il a été la cible de nombreuses menaces de mort émanant des partisans du gouvernement hindou. Il annonce sa démission fin 2022, en réponse à la vente de New Delhi TV, à un groupe proche du gouvernement. “Elle allait devenir juste un autre groupe médiatique chantant les louanges de Modi”, a déclaré le journaliste à Rest of World.

Plusieurs journalistes, tout comme Ravish Kumar, investissent YouTube afin de relater de l’actualité de la façon la plus détachée possible de la répression du gouvernement.

Ces moyens de communication n’offrent pas la même protection aux journalistes que les médias traditionnels. Ils ne bénéficient pas de sécurité financière, de protection juridique ou même physique.

Alors à quel prix les journalistes vont-ils devoir défendre la liberté de presse en Inde ?

Romane Lapouble-Ducassé

 

Crédits photo : Shivam Kumar  – Pixabay

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