France: entre instabilité et impuissance politique

France: entre instabilité et impuissance politique

Depuis les législatives de 2022, la Ve République est mise à l’épreuve. Un Parlement éclaté, des gouvernements fragiles et une opinion publique méfiante, compliquent la mise en œuvre des réformes et alimentent un sentiment de crise profonde dans le pays.  

Depuis mai 2022, le pays a connu 5 Premiers ministres, dont trois en seulement treize  mois: Michel Barnier, François Bayrou et Sebastien Lecornu. Avec 130 ministres nommés  et un premier gouvernement Lecornu qui n’a tenu que 836 minutes, le second mandat de  Macron repousse les limites des records politiques de la Ve République. Cette succession rapide et l’incapacité à constituer un gouvernement stable illustrent  la difficulté de l’exécutif à maintenir une ligne politique cohérente face à un Parlement fragmenté et une opinion publique méfiante. 

Cette instabilité se traduit concrètement dans la réforme des retraites. Annoncée en  2023, elle a été suspendue à plusieurs reprises en raison de l’absence de majorité à  l’Assemblée nationale. Le Premier ministre Sébastien Lecornu a annoncé le 14 octobre  2025 sa suspension jusqu’à la présidentielle de 2027, mais le président Macron a semé  le doute le 21 octobre, parlant seulement d’un «décalage». Lecornu a ensuite précisé  qu’une lettre officialisant la suspension avait été transmise au Conseil d’État et serait  intégrée au projet de loi de financement de la Sécurité sociale lors d’un conseil des ministres extraordinaire le 23 octobre. Le Conseil des ministres a confirmé cette  suspension via une lettre rectificative, intégrée au projet de loi de financement de la  Sécurité sociale pour 2026. Réclamée par l’opposition (LFI et RN), cette mesure gèle le  relèvement progressif de l’âge de départ à 62 ans et 9 mois et de la durée de cotisation à  170 trimestres. Une telle reculade, pour un projet phare, illustre la fragilité de l’exécutif face à la pression politique et la défiance croissante de la population.  

Les élections législatives de 2022 ont débouché sur un Parlement sans majorité absolue, transformant chaque projet de loi en véritable épreuve d’équilibriste. Pour faire  adopter ses textes, le gouvernement s’appuie régulièrement sur l’article 49.3, qui permet  de faire passer une loi sans vote. Une pratique légale mais controversée, souvent perçue  comme un passage en force par l’opinion publique. D’après plusieurs enquêtes, une  majorité de Français estime que le recours répété au 49.3 affaiblit la démocratie et  traduit une crise de confiance envers le gouvernement et les partis traditionnels. Cette  situation profite à la fois au Rassemblement national (RN) et à La France Insoumise (LFI),  principales forces d’opposition. 

Pour le projet de loi de finances 2026, Sébastien Lecornu a choisi de renoncer au 49.3,  laissant le dernier mot aux députés sur chaque article. Dans une Assemblée éclatée,  cette décision transforme l’examen du budget en véritable défi politique, où chaque  groupe doit voter le texte pour qu’il puisse entrer en vigueur. 

Un gouvernement sous tension 

La suspension des six ministres Les Républicains du gouvernement de Sébastien  Lecornu illustre cette instabilité. Le parti de droite refuse que ses membres continuent à  occuper des postes ministériels dans un gouvernement jugé trop proche du macronisme. Cette décision rappelle que Lecornu n’est pas à l’abri des frictions  politiques, même au sein de sa propre majorité, et que la formation de gouvernements stables reste un défi majeur dans le contexte parlementaire actuel. 

Cette instabilité parlementaire et sociale constitue un frein majeur à l’action gouvernementale. Même les projets consensuels se heurtent aux blocages, à la  mobilisation sociale et à la pression médiatique, ralentissant la mise en œuvre de  réformes économiques, sociales ou environnementales. Le sentiment d’un pouvoir  paralysé et déconnecté se renforce, fragilisant les institutions et accentuant la montée  de la défiance citoyenne. 

La crise politique française n’est pas un simple problème de personnes ou de partis, elle  révèle les limites d’un système institutionnel conçu pour un autre contexte. Entre  gouvernements fragiles, Parlement bloqué et défiance citoyenne, la France doit trouver  un nouvel équilibre pour garantir la stabilité et la légitimité de ses institutions. L’avenir  de la Ve République dépendra de sa capacité à s’adapter à un paysage politique en  mutation. 

Maëlys LACAMPAGNE

© Instagram : @assemblenationale

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