Fin des grèves à Hollywood : revenus et IA sous les projecteurs 

Fin des grèves à Hollywood : revenus et IA sous les projecteurs 

Ce jeudi 9 novembre marque la fin des mouvements de contestation qui bousculent l’industrie cinématographique aux États-Unis. Les studios, sous la pression des scénaristes et des acteurs, sont prêts à trouver un terrain d’entente. Pour le futur des professions du cinéma, les accords signés sont décisifs. Flashback sur les étapes de cette période dramatique pour le cinéma américain.

Clap de fin !

Du 2 mai au 27 septembre 2023, la guilde des scénaristes étasuniens (WGA, Writers Guild of America) est en grève et perturbe l’écriture de futurs long-métrages hollywoodiens. Plus tard, du 14 juillet au 9 novembre, la SAG-AFTRA (Screen Actors Guild ‐ American Federation of Television and Radio Artists) qui représente 160 000 acteurs, cascadeurs et danseurs en grève, paralyse la production des films des grands studios.

Les deux syndicats dénoncent des avancées technologiques spécifiques : le streaming et l’intelligence artificielle. Ces secteurs bouleversent leurs conditions et leurs contrats de travail. Ils ne se sentent pas écoutés. Ainsi, pour faire remonter leurs revendications à une plus grande échelle, ils cessent de travailler et s’en vont manifester devant les studios à Los Angeles et Burbank en Californie.

Les interruptions syndicales dans l’industrie du cinéma impliquent un arrêt de la production et de la promotion de films. Aucun tournage, aucune interview, aucune publicité de la part des acteurs et scénaristes. Le cinéma américain se retrouve donc en eaux troubles pendant 6 mois. Parmi les projets immobilisés se trouvent Blade, Spider-Man 4, Mission : Impossible, Dune : Deuxième Partie, Stranger Things, et Emily in Paris. Les campagnes marketing d’Oppenheimer et Barbie sont également chamboulées. Pour accompagner leur mouvement d’idées, les acteurs demandent sur les réseaux sociaux de ne pas se déguiser en un personnage ou concept d’Hollywood. Interdiction de reléguer les grands studios au premier plan et de leur faire de la publicité.

Pour lire plus d’informations : Grève à Hollywood : pour Halloween, le syndicat des acteurs interdit certains costumes

À l’ère du streaming et de l’IA (intelligence artificielle), des revendications autour des revenus et de la propriété intellectuelle résonnent :

 » Nous estimons que nos salaires, notre art, notre liberté de création et le pouvoir de notre syndicat ont tous été minés au cours de la dernière décennie « 

Les membres du syndicat SAG-AFTRA

 

Longue lutte des scénaristes : ça paye 

Sur le devant de la scène se manifestent tout d’abord les scénaristes. Ce n’est pas la première fois que les décisions de l’AMPTP (Alliance of Motion Picture and Television Producers), sont contestées par les auteurs des productions cinématographiques.

Les derniers piquets de grève aussi conséquents datent de 2007 et de 2008. À cette époque, les manifestations durent 100 jours et coûtent 2 milliards de dollars au secteur du film. Leur combat se rapporte aux droits de diffusion autour d’Internet, produit encore en pleine émergence.

En début de 2023, la WGA comme la SAG-AFTRA ne touche rien quant à la rediffusion de leurs films sur les plateformes de streaming. Les écrivains comme les interprètes souhaitent être payés en fonction de la popularité des programmes sur les plateformes telles que Netflix, Amazon Prime, Disney +, Apple Video et Warner Bros Discovery. Or, ce n’est pas le cas et ils touchent seulement le forfait défini en amont.

Coup de théâtre le 24 septembre : un accord de principe est signé entre les scénaristes et les grandes plateformes. Une revalorisation de leur rémunération est programmée.

Transition sur la proposition ultime des grands studios du 9 novembre : donner une prime de rediffusion revue à la hausse pour les acteurs participant aux blockbusters hollywoodiens. Le Hollywood Reporter explique que ce versement de résiduels s’appliquerait à une seule condition : que 20 % des abonnés de l’audience « domestique » (américaine) visionnent la production « dans les 90 premiers jours après sa sortie » sur les plateformes de streaming. Une prime supplémentaire de 50 % est attribuée aux films et aux séries spécifiquement réalisés à destination du streaming.

En contre-champ, la question de la transparence sur les chiffres n’est pas abordée dans ces deux accords. Les grands studios continuent à refuser de communiquer toute donnée publiquement. Seuls les membres du syndicat y ont accès de façon concise.

IA et propriété intellectuelle 

Malgré un net apaisement des tensions, il est encore possible de déceler des points de désaccord. C’est le cas du rapide développement de l’intelligence artificielle. Aimé des uns, haït des autres, son usage qui vient se greffer à plusieurs facettes de la production d’un film fait débat. Reproduire le visage d’une personnalité à l’aide d’une simple base de données s’avère être pratique pour certains réalisateurs. Le cas Indiana Jones avec Harrison Ford qui joue une version de lui-même à 45 ans dans le corps d’un homme de 80 ans illustre ce propos.

Quant au point de vue des comédiens, il diverge et perçoit ces nouvelles techniques comme un danger. Leur propriété intellectuelle et leur statut de professionnel risque selon eux d’être dévalorisé. En ressort donc une nécessité d’instaurer un cadre éthique et juridique capable d’empêcher la suppression de leur emploi. Si la substitution d’acteurs grâce à l’IA continue de se propager, ils ne seront plus aussi indispensables sur les plateaux de tournage. Obligation de traiter le sujet de ces méthodes avec le consentement des concernés et d’assurer une compensation si nécessaire, et ce pour un artiste vivant ou non.

Nombreuses sont les célébrités qui expriment leur soutien pour ces revendications. Meryl Streep, Ben Stiller, Jennifer Lawrence, Colin Farrell… Autant d’actrices et d’acteurs de renommée internationale qui défendent l’authenticité de leur métier dans des lettres ouvertes ou en descendant dans les rues pancartes à la main. Grâce à ses protestations, des négociations aboutissent sur une clause qui stipule que «l’exploitation du matériel des scénaristes pour former l’IA est interdite».

Les doubleurs aussi craignent de se faire doubler ! Des logiciels et applications toujours plus performants tels que Revoicer réduisent peu à peu l’écart entre l’homme et la machine.  Capables de reproduire des voix et de les modifier, ces innovations apparaissent comme une aubaine aux yeux des réalisateurs en quête de liberté totale sur l’aspect sonore de leurs œuvres. Ici, la Création de United Voices Organisation (UVO), sert de rempart. L’association milite sous le slogan « Ne volez pas nos voix » pour un équilibre, une harmonie entre l’IA et la création humaine.

Cette séquence critique tend la perche aux enjeux auxquels doivent maintenant faire face tous les arts. Entre les peintures NFT (numériques) et la musique avec une chanson des Beatles chantée par le défunt John Lennon, il y a de quoi se poser des questions…

 

 Crédits photo : ©Nicholas Mageras

 

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