Étudiants : prenez des notes

Étudiants : prenez des notes

Entre annonces de reconfinement, ouverture des lycées, fermeture des commerces, il ne va pas sans dire que les étudiant.e.s du supérieur se sentent parfois délaissé.e.s. Dans ce contexte particulier où il faut valser entre tentatives d’adaptation et cours en visioconférence, le poulpe est parti à la rencontre d’une professeure et d’étudiant.e.s de la troisième année de la licence ISIC (Institut de Sciences de l’Information et de la Communication) de l’Université de Bordeaux Montaigne. Pour eux, pas de partiels en L3, mais des projets sur le semestre. Lumière sur leur cours de gestion de projet, projecteurs sur leur façon de passer des chaises de classe aux réseaux sociaux. 

Paroles de pro (-fessionnelle, -fesseure)

Dans la licence Information et Communication de Bordeaux Montaigne, les professeurs se suivent mais ne se ressemblent pas. Certains sont journalistes, d’autres graphistes, d’autres encore experts en sémiotique, storytelling… Et certain.e.s, comme Ségolène Faget, sont expert.e.s en gestion de projet. Professeure associée à l’ISIC en service temporaire (PAST), directrice de l’événementiel de la ville d’Arcachon, elle mène les cours de gestion de projet de huit groupes au sein de la troisième année de licence.

Du premier cours de Travaux Dirigés à la fin de l’évènement, elle est à leurs côtés pour mener à bien ces projets. 20 élèves, un but commun, quatre mois pour le finaliser et le mettre en place, c’est ce que Ségolène Faget réalise haut la main chaque année. Mais en 2020, avec la crise sanitaire que nous connaissons tous et toutes, elle a dû, comme tout le monde, s’adapter à la situation. Comment elle s’en est sortie, quels ont été ses moyens de rebondir et ce qu’elle a pensé des étudiant.e.s : nous l’avons rencontrée.

Nous lui avons dans un premier temps demandé des nouvelles de son activité. Professionnelle de l’évènement, professeure d’université, est-ce que la Covid-19 a perturbé son activité, ou a-t-elle dû simplement s’adapter ? Spoiler : comme tout le monde, ses affaires ont été chamboulées. Elle a ainsi dû « adapter l’ensemble des contenus », avec un focus particulier sur l’enseignement à la fac, son activité à Arcachon étant considérablement réduite. Une problématique s’est alors dessinée : comment imaginer tous les cours en distanciel, comment créer de l’engagement chez les étudiants sans pouvoir les rencontrer en vrai ? Elle a donc revu tous ses objectifs afin de créer malgré tout de réels projets et relever ce vrai défi de faire de l’évènementiel en distanciel.

 

“Passionnant, mais beaucoup plus difficile. Ce qui était intéressant, c’est qu’on était face à un nouveau défi.”

 

Focus maintenant sur la gestion de projet des étudiant.e.s de troisième année de licence. Ségolène Faget est PAST depuis 4 ans, et enseigne cette matière depuis autant d’années. Est-ce que mener cette matière, qui nécessite quand même une présence, une veille constante, dans ce contexte qui bride tous les regroupements, a été plus difficile que les autres années, ou seulement différent ? La réponse est immédiate : ça a été « passionnant, mais beaucoup plus difficile. Ce qui était intéressant, c’est qu’on était face à un nouveau défi ».

Cours par Zoom, discussions par Slack, Discord ou encore Trello, envois de SMS, de mails, elle a dû se rendre beaucoup plus disponible pour rester connectée aux étudiants. Les réponses sont certes moins personnelles et plus complexes, mais elle a beaucoup insisté auprès de ses étudiant.e.s sur son intégration aux réseaux sociaux utilisés. Pour elle, c’est une nécessité de « réussir à insister sur les questions de coordination et de communication, encore plus que d’habitude (…) de réussir à faire confiance au groupe, et en même temps rester connectée »

La différence avec les années précédentes est néanmoins, comme nous nous y attendions, majeure. Avant, les échanges se faisaient pendant les cours, c’est-à-dire une fois toutes les deux semaines ; ce semestre, ils ont été réalisés certes sur ces mêmes temps, mais également plus en dehors. Les étudiant.e.s ont « dû rebondir en cours de route, sur des délais extrêmement courts ». 

En dehors du ressenti d’une professeure, il faut prendre en compte les résultats. Est-ce que les étudiant.e.s s’en sont bien sorti.e.s ? Est-ce qu’ils ont tenu le coup, ou au contraire des projets ont été abandonnés ? Soyez rassuré.e.s, aucun. Ségolène Faget a été « fascinée par la capacité de rebond », estimant que les groupes s’en sont « extrêmement bien sortis dans des délais très très courts », saluant ensuite l’engagement collectif et individuel.

Travailler avec des groupes aussi engagés et motivés l’a passionnée. Cet engagement, les groupes la tiennent principalement du fait que pour la troisième année de gestion de projet, le projet est censé être réel, se tenir en présentiel, que ce soit à la fac, au cours d’une conférence, ou encore pendant une exposition temporaire. Cette année encore, il y avait donc de vrais enjeux, les groupes étant conscients que leurs projets sont concrets et qu’ils vont parfois aider les gens.

 

“Il y a la liberté de construire des choses nouvelles, {…} vous pouvez apporter des choses à la société.”

 

Au début pourtant, un moment de flottement. L’annonce du reconfinement, redouté souvent, a eu un effet décourageant, donnant l’impression que mener à bien ces projets allait être insurmontable. Mais chaque groupe a réussi à se relever, à grand renfort de motivation. Pour Ségolène Faget, c’est une « chance dans votre vie de pouvoir construire des choses réelles et de travailler sur des choses qui vous intéressent, que vous avez choisies. Il y a la liberté de construire des choses nouvelles, adaptées à votre génération et au contexte actuel, vous pouvez apporter des choses à la société ». 

Chaque étudiant.e, en cette période de crise sanitaire, aura au moins une fois le doute qui viendra lui rendre visite, n’ayant que faire du confinement. Continuer ses études, faire ses partiels, ou tout lâcher, quitter Zoom et se rendormir ? Pour la professeure, ne pas abandonner en si bon chemin. Elle nous, et vous, donne quelques conseils en terminant cette interview :

« Vous êtes les professionnels de demain. Surtout, continuez à observer ce qu’il se passe autour de vous, comment les outils de communication et d’information évoluent. Prenez du recul sur l’utilisation de ces outils. Profitez absolument des enseignements théoriques qui vous sont apportés à la fac, ces enseignements sont précieux, peut-être plus tard quand vous serez en activité, vous aurez moins d’apports théoriques. Vous serez dans la pratique, et tout l’apport théorique que vous avez aujourd’hui vous accompagnera, vous permettra de conceptualiser les choses, de prendre du recul, de la hauteur, c’est ce qui fait la différence entre vous et les autres. Vous avez autour de vous des professionnels de l’activité et c’est très intéressant, ils ont un énorme apport théorique, vous vous rendrez compte plus tard de l’importance que ça a, du recul que ça vous apporte. (…) Avec du recul je me souviens de nombreux cours sur l’anthropologie, la sociologie, et ce sont des choses qui me nourrissent aujourd’hui (elle était dans cette même licence avant son parcours professionnel).

Continuez à innover, observer, réfléchir. Je n’ai pas de doute sur le dynamisme et la bonne utilisation des outils d’aujourd’hui mais soyez méthodiques, la rapidité ne doit pas se faire au détriment de la méthode. Réfléchissez à l’image que vous renvoyez, et n’oubliez jamais de signer ce que vous faites. »

Zoom sur les L3 de l’ISIC  

Pourquoi nous intéresser si particulièrement à cette filière, à cette promo, à ces étudiant.e.s ? En fait, au cours des trois années d’Information et de Communication de l’ISIC, les étudiant.e.s suivent un cours, ou plutôt construisent un cours de Gestion de Projet. Vous l’aurez compris au fil de votre lecture. 

Après avoir donné la parole à Ségolène Faget, nous nous sommes intéressées aux étudiant.e.s de L3, à ceux qui ont dû porter leurs projets, les mener à travers cet horizon brumeux, les réaliser malgré la Covid. Nous avons pu récolter les témoignages des membres des projets Maintenez le Lien, de l’exposition Publivore, de Poser pour Panser, de Y’a quoi après la L3 ? et enfin de Dans l’œil de la Caméra 

Semaine « coup de poing » solidaire, exposition numérique sur la publicité ou sur la thérapie par l’image, conseils pour le futur et sur les choix de master, spécialement ceux de l’ISIC ou visio-conférence sur l’intimité filmée, les projets des isicien.ne.s sont très différents mais ont tous un point commun : ils ont été menés par des étudiant.e.s motivé.e.s, qui n’ont pas eu le choix que de s’adapter et d’adapter leurs projets au fil de ces presque deux mois de confinement. 

 

L’adaptation a donc été le mot d’ordre. Mais également concession car pour ces cinq équipes, les projets étaient imaginés et conçus pour avoir lieu en vrai, en physique. Pour Margaux (Maintenez le Lien) et son groupe, l’incertitude a précédé, un petit moment, l’adaptation à l’annonce du reconfinement : « Alors on y avait réfléchi mais on était surtout dans le doute ; on ne savait pas ce qu’il allait être attendu de nous maintenant qu’on ne pouvait plus créer un projet en présentiel comme c’était prévu. ». Pourtant, cette semaine, pendant 5 jours, ils ont réussi à diffuser une vidéo par jour qui présente des associations et bénévoles qui viennent en aide aux personnes sans-abris. « C’est à la fois un projet de sensibilisation et un projet de motivation ! ». Délocalisé entièrement sur les réseaux, leur projet leur a quand même permis de donner la parole à ceux qui aident au quotidien les bordelai.se.s précaires et les sans-domicile-fixe, pour qui la situation empire avec la crise sanitaire.

Autre registre mais toujours autant d’adaptation, l’exposition Publivore, une exposition sur les publicités qui ont marqué notre quotidien, devait se tenir dans les locaux de l’université ce 1er décembre. Les étudiant.e.s qui menaient ce projet avaient imaginé une exposition interactive avec des quiz, un photocall, et d’autres surprises. Encore une fois, il a fallu rebondir ! Tout est repensé pour devenir numérique. Selon Justine, le moteur de cette adaptation c’est bien l’équipe. « L’équipe était soudée par l’ambition de réaliser un projet utile et créatif. Car l’exposition Publivore c’est aussi 17 étudiant.e.s qui se sont battu.e.s pour que leur projet se réalise quoi qu’il en coûte ». Avec l’équipe, Justine cite leur professeure, Ségolène Faget, qui les « a énormément soutenu.e.s dans le projet, rappelant constamment d’être positif.ve.s ! » dans la création d’un site internet et la gestion quotidienne des réseaux

 

Même constat pour Mathilde et Noémie, interrogées au nom de l’équipe de Poser pour Panser. Très soutenue par leur professeure, leur galerie photo sur la thérapie par l’image a également adopté le tout numérique avec un site internet, qui leur « a permis de rédiger des articles, mais aussi de publier des vidéos, des podcasts liés aux diverses interviews ». Et si on vous dit calendrier de l’Avent sur Instagram, vous participez ? Ce dernier a été leur solution pour attirer un maximum d’internautes sur leur site en divulguant des contenus inédits.  

 

Concernant l’équipe de Y’a quoi après la L3, leur projet, sur les masters de l’ISIC, était déjà pensé à moitié à distance, sur Twitch (prévoyants). Confinement oblige, les intervenant.e.s ne pouvaient cependant pas se retrouver ensemble pour tourner les lives. Joaquim nous a ainsi expliqué que c’est vers une chaîne YouTube et une interaction via les réseaux sociaux que le groupe s’est tourné. « À la place du live, on a décidé de réaliser une série de vidéos YouTube, chacune sur un master de l’ISIC, avec des interventions d’étudiant.e.s et de professeur.e.s. En plus, on répond aux questions des étudiant.e.s sur les masters sur nos réseaux sociaux, et on poste des informations et des ressources concernant ces formations ». 

 

 

Dans l’œil de la Caméra mettra Zoom au centre de son événement puisque les étudiant.e.s ont monté une visioconférence sur l’intimité filmée. « Il va y avoir l’intervention d’un sociologue et d’un psychiatre spécialiste de l’adolescence ainsi que des deux actrices du documentaire Adolescentes de Sébastien Lifshitz, avec qui nous organiserons un petit débat à la fin » nous dit Astrid. Mettant l’accent sur l’essor de l’intimité comme concept vendeur, Dans l’œil de la Caméra nous offre la preuve que Zoom, au-delà d’être le nouveau support de cours, peut également permettre de donner naissance à des discussions multiples. 

 

 

Tous ces projets sont à suivre sur les réseaux sociaux pour découvrir toutes leurs actualités. Donc n’hésitez pas à vous abonner ! 

@maintenezlelien 

@lepublivore 

@poser.pour.panser

@yaquoiapreslal3

@dansloeildelacamera

Chez nous, tout va (presque) bien

L’association Pop-Up, c’est des rédacteur.ice.s, mais surtout des étudiant.e.s qui ont également dû trouver de nouveaux moyens pour continuer de faire vivre leur plume. L’expansion d’un pôle communication, le recrutement d’une vingtaine de nouveaux membres, la création d’un podcast, l’année avait pourtant bien commencée. Mais le reconfinement est tombé sans que les membres puissent se lier les uns aux autres.

Le poulpe ne s’est pas découragé. Les conférences de rédactions hebdomadaires qui organisent les articles quotidiens se sont mises en Zoom. Les retours des membres, si importants pour avancer, se font par messages groupés. Comme tout le monde, tout est désormais virtuel, mais comme tout le monde, nous nous sommes adapté.e.s, pour tenter de continuer de fournir de l’information quotidiennement, un bout de notre génération et de la bonne humeur, dans cette société, qui aujourd’hui, en manque cruellement.

Comme tout le monde, il nous tarde à tous de se re-rencontrer en vrai, de discuter, d’échanger nos idées, de s’amuser, de vivre notre association. En attendant d’un jour pouvoir enlever le masque, restons chez nous, et continuons d’organiser de si beaux projets.

 

Fanny Mousset et Camille Hurcy

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