Espagne sous les eaux : des inondations historiques ravagent le pays

Espagne sous les eaux : des inondations historiques ravagent le pays

Des pluies torrentielles ont causé des crues soudaines, paralysant les infrastructures et mettant à l’épreuve les équipes de secours. Les autorités locales, débordées, appellent à une mobilisation d’urgence alors que le pays lutte pour contenir les conséquences de cette catastrophe climatique.

« Dans la boue, l’urgence et la peine » : tels sont les mots qui ressortent de cet événement historique. L’agence météorologique nationale Aemet a lancé une alerte rouge dans la région de Valence et a déclaré le deuxième niveau d’alerte le plus élevé dans certaines parties de l’Andalousie. Plusieurs routes ont été coupées dans les deux régions.

La côte méditerranéenne espagnole subit régulièrement, en automne, le phénomène météorologique de la gota fria (la « goutte froide »), une dépression isolée en haute altitude qui provoque une masse d’air dite « instable » et qui génère des orages et des vents en quantité importante ainsi que des pluies soudaines et extrêmement violentes, qui durent parfois plusieurs jours. Cette goutte froide est restée stationnaire au-dessus de la région de Valence, des millions de tonnes d’eau sont retombés sous forme de précipitations en l’espace de quelques heures.

Des villes submergées, un bilan humain et naturel lourd

Le centre de la ville a été épargné par les inondations, contrairement aux villes et communes alentour. Leïna, étudiante en Erasmus à Valence, offre son témoignage : « On voyait des lieux et des vies détruites alors que nous dans le centre on n’a pas été touché. On pouvait sortir dehors et se promener, alors qu’à deux kilomètres de là c’était l’apocalypse ». Chiva est traversée par le ruisseau Barranco del gallo, habituellement invisible, qui s’est transformé en vague gigantesque lorsque les pluies diluviennes sont tombées sur la ville. En amont de la vieille ville, la zone industrielle a pris la vague de plein fouet. Certains routiers, coincés par les eaux, ont été contraints de monter sur le toit des camions en attendant les secours. Des milliers de personnes se trouvent encore privées d’électricité et les dizaines de routes bloquées, jonchées de carcasses de voitures, ainsi que les ponts effondrés, rendent la communication avec certaines zones très complexes. Les autorités s’inquiètent de la situation dans de nombreux parkings souterrains, totalement inondés, qui n’ont pas encore été inspectés. Les unités de sécurité et militaires se mobilisent avec l’installation de pompes.

La recherche des disparus se poursuit difficilement, compte tenu de l’ampleur des dégâts. À partir de signalements des familles, le Tribunal supérieur de justice a fourni le nombre de 89 disparus. Le bilan humain est lourd, plus de 219 victimes selon le gouvernement espagnol. Les unités d’urgence de l’armée vérifient les voitures empilées à la recherche de corps, avec la fouille des décombres entreprise par les pompiers avec des chiens.  Juan Martin, employé cinquantenaire dans un entrepôt inondé, affirme « sentir l’odeur des cadavres ».

« De nombreuses personnes ont perdu la vie parce qu’elles ne savaient pas ce qu’il se passait. C’est très dur de voir que les maisons de proches et d’amis ont disparu, mais bien sûr, le pire, ce sont les familles qui ont perdu des êtres humains. C’est un sentiment que je ne souhaite à personne. Se mettre au lit en espérant qu’au réveil, tout cela n’était qu’un rêve. On ne pense jamais qu’une chose pareille puisse nous arriver jusqu’à ce que cela arrive »

– Guille, jeune étudiant habitant dans la région

Une solidarité impressionnante et réconfortante 

Face à l’ampleur de la catastrophe, les habitants sont soutenus par des aides apportées par les citoyens espagnols, qui forment une certaine cohésion et solidarité. Des bénévoles organisent des points de distribution, où sont fournis des sacs de nourritures et des boissons. D’autres font des dons de sang et participent pour aider les blessés sur place. Des camions partent régulièrement depuis le stade Mestalla pour amener les provisions. La population, notamment jeune, s’efforce d’évacuer la boue dans la rue. Des milliers d’habitants de Valence se mobilisent pour nettoyer et déblayer les décombres dans les zones sinistrées.

« Nous étions là toute la journée pour nous approcher des affaires des voisins, enlever la boue et la boue, frotter, sortir les poubelles dans les rues, leur donner de la nourriture, des bottes d’eau, des masques et d’autres choses dont ils avaient besoin. Tout le monde faisait quelque chose ou aidait, les gens venaient de toutes les parties de l’Espagne. Le nombre de victimes physiques et matérielles est incalculable, les gens ont tout perdu »

– Lucia, étudiante à Madrid qui a répondu à l’appel de volontaires, voyageant de nuit avec ses amis pour Aldava, l’un des villages les plus touchés

« « El pueblo salva el pueblo » (« seul le peuple peut sauver le peuple »). Je pense que c’est un vrai exemple d’entraide, tout le monde se joint aux recherches. Une vraie preuve de solidarité dans le malheur »

Leïna

Le gouvernement critiqué pour sa réaction tardive 

Les habitants n’ont reçu un message d’alerte que le soir à 20h, à la suite des violentes précipitations du 30 octobre. Cette réaction tardive de prévention a été vivement critiquée. Beaucoup d’entre eux considèrent la gestion du gouvernement en matière de risque inefficace. D’après Leïna : « La situation après la tempête a été très mal gérée, c’est une catastrophe. Il y a des endroits où les gens n’ont été secourus que trois jours plus tard ». À Chiva, des centaines de terrains de construction en zone inondable sont encore en vente malgré les aléas. Ce n’est seulement que le mardi 5 novembre que le gouvernement annonce un plan d’urgence de 10,5 milliards d’euros pour venir en aide aux habitants et aux entreprises affectées avec des séries d’aides pour les sinistrés et les collectivités locales. Ces derniers se posent la question de « l’après ».

« Elles n’ont pas su comment agir. Elles ont préféré être fières et ne pas donner le nombre réel de morts et de disparus, qui, je vous l’assure, est bien plus élevé que ce que disent les médias. Elles sont trop fières pour demander de l’aide au gouvernement national et ont répondu horriblement mal et tardivement au problème. »

– Guille, donnant son opinion sur les actions des autorités locales

 

Le premier ministre Pedro Sanchez annonce le double de soldats et de policiers déployés sur le terrain alors que les opérations de recherche et de nettoyage se poursuivent dans les zones sinistrées. Mais le nombre conséquent de victimes est une raison pour les citoyens de critiquer ouvertement les décisions imprudentes de l’État, qui n’a pas pris de précautions suffisantes Le peu de moyen mis à disposition laisse à la population un goût amer et un sentiment d’impuissance. Il faut « comprendre la colère et la frustration » des sinistrés, affirme le roi Felipe VI, visé par des projectiles lors de son apparition dans la région quelques jours après la catastrophe.

Les scientifiques avertissent que les phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les vagues de chaleur et les tempêtes, sont de plus en plus intenses en raison du changement climatique. D’ici à 2050, le risque d’inondations pourrait doubler dans la région de Valence.

Le Secours populaire lance un appel aux dons financiers pour venir en aide aux victimes. Si vous souhaitez faire un don, vous le pouvez en cliquant sur ce lien :

https://don.secourspopulaire.fr/espagne/~mon-don

 

Avec les précieux témoignages de Guille, Lucia et Leïna

 

Crédits photo : AP, Charles Clay pour 01actu

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