Destination inoubliable au dépaysement garanti

Pop-Up était à deux doigts d’ouvrir sa nouvelle rubrique Voyage. Hélas, les vocations aventurières ne se manifesteront probablement pas en masse au fil de cet article, cantonné donc à la rubrique International. Là-bas, paysages relaxants, culture universaliste, liberté de parole et de circulation, recherche perpétuelle de paix et pluralité d’opinion vous serez contraints de laisser à la frontière. Nous vous embarquons plutôt dans une utopie véhiculée notamment par l’emblématique Marti McFly dans Retour vers le futur : le voyage dans le temps, dans un temps que nous croyions justement bien naïvement révolu. Tout ce que les professeurs d’histoire ont toujours rêvé : un véritable cours d’histoire mais qui plus est, sur le terrain et d’actualité. Bienvenue dans une patrie péninsulaire, dont on ne sait plus si on doit rire ou pleurer, mondialement nommée Corée du Nord.

Allez viens, on est biens..

Mondialement seulement, car pour le régime lui-même la dénomination officielle est bien République Populaire Démocratique de Corée. Enfin donc, le temps de l’unification des deux Corée est venu ? Pas tout à fait. Ils ont juste oublié qu’une zone militarisée de quatre kilomètres de large et des plus importantes du monde coupait la péninsule en deux parties visiblement vouées à jamais à la mésentente. Sans compter le fait qu’officiellement, elles sont toujours en guerre, avec pour guise d’armistice un cessez-le-feu datant de 1953 et pour guise de frontière, le 38e parallèle.

Côté Nord, on le sait bien, peu de choses s’apparentent à ce que l’on connaît de la démocratie. Nombres de fantasmes circulent sur les agissements du régime, des enlèvements secrets aux tortures sauvages. Autant de faits difficiles à prouver, à cause du peu de sources fiables, bien que l’Agence France Presse ait ouvert un bureau dans la capitale en septembre 2017. Et si jamais vous voulez vérifier par vous-mêmes, vous le pouvez, car les touristes étrangers sont bien sur admis sur le sol nord-coréen, lorsqu’ils sont strictement guidés et encadrés, évidemment. Ce que l’on sait en tout cas, c’est que les grandes masses médiatiques sont contrôlées par le parti unique. A l’image par exemple de la célèbre présentatrice Ri Chun-Hee, première cheerleader de Kim Jong-un. Les voyages à l’extérieur du pays sont prohibés pour les nord-coréens, sans parler donc de la désertion de la péninsule, réprimandée par des mystérieuses disparitions inexpliquées. Que dire enfin d’Internet, placé au comble de l’hérésie et de la déviance par Pyongyang dans la forme que l’on connaît. Tout ce qui est autorisé, vise à vanter la gloire du régime. Bref, si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes juste contre nous.

J’ai un plus gros bouton que toi

Partant de là, la Corée du Nord se retrouve assez isolée, ne comptant comme allié que la Chine, dans une alliance qui justement s’effrite de plus en plus. L’empire du milieu voit en effet d’un mauvais œil le développement inarrêtable du programme nucléaire nord- coréen. Un domaine où elle était seule à régner sur la zone Asie- Pacifique. Car si on doit reconnaître la (triste) réussite du dernier régime communiste du monde, c’est dans sa batterie d’essais de missiles nucléaires. Des tests qui font l’actualité depuis bientôt dix ans et font trembler l’ONU. Un processus engagé dès 2003 lorsque le régime dirigé alors par Kim Jong-il, père de l’actuel leader (oui c’est une grande histoire de famille), décide de quitter le traité international de non-prolifération nucléaire. Et à partir de là, tout s’emballe. Ce seront pas moins de 6 essais nucléaires qui seront effectués et autant de pressions sur le bouton rouge. Un joujou aussi adulé par les gouvernants nord-coréens que le sont les pseudo-annonces environnementales du gouvernement Macron. Des essais nucléaires condamnés par le président français, notamment le dernier, en date du 3 septembre 2017. Certainement le plus marquant : 16 fois plus dévastateur que ne l’avait été la bombe H larguée sur Hiroshima. Quand eux s’en réjouissent, nous avons froid dans le dos. Nous ne sommes pas à une contradiction près.

Un programme nucléaire dirigé dès le début vers le grand rival resté l’ennemi numéro 1 depuis la Guerre froide, les États-Unis. Pyongyang se vante alors d’être en capacité d’atteindre le territoire étasunien dans son intégralité, de quoi prouver que la puissance du pays péninsulaire existe bel et bien. L’armement aurait donc porté ses fruits. Pour autant, difficile de penser que le leader nord-coréen engage réellement les hostilités. Nous ne sommes pas non plus à un rebondissement près. Voici l’arrivée de Donald Trump, flamboyant de désinvolture et de dérision formidablement inappropriée à l’égard du dossier Corée Boum Boum. Un président étasunien qui ne désespère pas de « manger un burger sereinement » avec son homologue, quoique peut-être un peu moins depuis qu’il prétend avoir un plus gros bouton rouge que celui qu’il a ironiquement surnommé Rocket Man. Des enfantillages qui pourraient coûter la stabilité toute relative, dans une conflictualité vestige de temps pas si lointains par les années, lointains par les idéologies.

Et on en arrive là

C’est en remontant aux tous débuts de la Guerre froide que les conflictualités millénaires sont amplifiées, quand l’empire du Japon, ex-occupant de toute la péninsule coréenne, capitule. Tu ouvres une bouteille au milieu de tes potes, et tout le monde se jette dessus. La bouteille Corée, elle, s’ouvre avec les prémices des affrontements entre États-Unis et URSS. De quoi attirer des convoitises, et voir les premiers s’installer au sud, les autres au Nord. La guerre de Corée est déclenchée en 1950 par le nord, sous prétexte d’incursions venues du sud. 3 ans d’affrontements sur fond de Guerre froide, se soldant par un quasi statu quo et trois millions de morts. Vous le savez, aucun armistice n’est signé. A partir de là, c’est un régime copié en tout point sur celui de Staline qui se dresse, porté par « papy Rocket man » pour parler en langage Trump, Kim il-Sung. Un modèle qui persiste, même après l’éclatement du bloc de l’est, et qui s’accélère même, avec l’engagement de l’ultra militarisation. Malgré une présence à l’ONU et des sanctions infligées par cette dernière, la poussée nucléaire semble peu contrôlable et l’apaisement des tensions avec les États-Unis, compromise. La preuve que ce type de régime, s’il faille encore fournir des preuves, n’est pas garant de stabilité. Difficile de penser qu’il puisse encore exister, et pire qu’il se soit développé dans le monde multipolaire qui émerge depuis les années 1950. C’est justement parce qu’il s’est développé en quasi-totale autarcie qu’il a pu acquérir ces caractéristiques si fortement effrayantes et perdurer en 2018.

Il faut qu’on parle

Ces caractéristiques font qu’on serait tentés de plonger volontiers dans l’appellation qui fait si peur et que l’on a pourtant si bien étudiée : celle du totalitarisme. Pour autant, l’expression ne se rapporte qu’à deux seuls régimes dans l’Histoire, le stalinisme et le nazisme, trois tout au plus avec le fascisme italien, quoique pas tout à fait totalitaire. Oui, le totalitarisme est affaire d’un autre temps, théorisé par la philosophe Hannah Arendt dont elle disait : « Son but n’a jamais été d’inculquer des valeurs, mais bien de détruire la capacité d’en former aucune. » Évocateur. Et pourtant, les points sont si ressemblants, tout y est ou presque : participation des masses, culte de la personnalité, embrigadement de la jeunesse et terreur. Non ce n’est pas un totalitarisme car la Corée du Nord s’insère dans l’époque actuelle, ce qui ne veut pas dire que cela soit moins inquiétant. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil à la célébration des 70 ans du parti unique en 2015, foudroyant. Que peut-on espérer alors ? Le rapprochement entre les deux Corée ? Le sommet d’octobre 2007 qui s’est tenu à Pyongyang laissait présager une pacification des rapports. Mais l’arrivée au pouvoir de la droite conservatrice en Corée du Sud à la fin de cette année là n’y a pas franchement aidé.
Depuis les tentatives sont peu nombreuses et inefficaces, à l’image des pourparlers de 2015 soldés par un quatrième essai nucléaire du Nord.. Des discussions ont eu lieu le 9 janvier 2018 entre les deux parties au sujet de la participation éventuelle de la Corée du Nord aux JO d’hiver chez son voisin du Sud. Mais à quand l’armistice qui donnera un pacifisme, certes de façade, et pourtant si nécessaire ?
M.G.

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