Crise catalane : qui pisse le plus loin ?

La crise en Catalogne a atteint son paroxysme suite à la déclaration unilatérale d’indépendance de Barcelone. Les deux camps, pressés par leurs bases, ne semblent pas enclins à l’apaisement. Cet entêtement est-il justifié ou est-il le symptôme d’un jusqu’au-boutisme obstiné ?  

 

Crise catalane, à qui la faute ?

La farce prend place quelque part en Europe, au sud des Pyrénées. C’est l’histoire de deux pompiers pyromanes, le premier se prénomme Carles, le second Mariano. Préférant préserver les apparences plutôt qu’éteindre un incendie, déjà trop dévastateur, ils soufflent sur les braises lorsque celui-ci semble se calmer.  

Le 1er octobre 2017, l’Europe et le monde assistent à la rupture  entre les deux camps. Carles Puigdemont, président de l’autonomie Catalane, décide d’organiser un referendum d’indépendance contre l’avis de la cour suprême espagnol qui l’avait jugé inconstitutionnel et donc illégal. La réaction madrilène est disproportionnée, les urnes et les bulletins de vote sont confisqués, arrachés, les bureaux de vote évacués de force. Nombreux sont les dirigeants de pays européens à condamner les violences et à regretter les centaines de blessés, pourtant dans leur immense majorité pacifique.  

 

 

Cette crise est une véritable aubaine pour M. Puigdemont, il sort non seulement vainqueur dans l’opinion catalane (dont certains anti-indépendances se disent prêt à voter OUI au referendum d’autodétermination afin de dénoncer les violences) mais aussi espagnole et européenne. L’ensemble de la catalogne apparaît soudainement indépendantiste et cette idée ne subit pas la moindre contestation dans les médias français.  

Il a fallu attendre une semaine et des centaines de milliers de personnes dans les rues de Barcelone pour prendre conscience que les Catalans ne sont pas à majorité indépendantistes et que ce referendum, digne d’une république bananière (d’après les résultats transmis par Barcelone, 90 % des Catalans se sont prononcés pour l’indépendance avec une abstention avoisinant les 60 %), ne peut pas être considéré comme une retranscription de la volonté du peuple.  

 

Une déclaration d’indépendance surprise

Dans ce contexte et contre toute attente, le 10 Octobre, le président de l’autonomie prend la parole devant le parlement régional et décide (en se basant sur le referendum du 1er Octobre) de déclarer l’indépendance de la Catalogne. Cette indépendance n’est certes que symbolique et est suspendue moins d’une minute après avoir été prononcée, mais aggrave les tensions avec le gouvernement national. Madrid ne peut accepter de déclaration d’indépendance unilatérale et menace d’appliquer l’article 155 de la constitution (qui permet de suspendre l’autonomie d’une région qui met en danger “l’intérêt général”) si M. Puigdemont ne renonce pas à l’indépendance.

Celui-ci disposait d’un premier délai qui a été dépassé le lundi 16 octobre.  

 

 

Au matin du jeudi 19 octobre, jour du second délai accordé à l’autonomie, le président de celle-ci ne s’est pas dit prêt à renoncer à la déclaration d’indépendance. Au lieu de répondre à la question qui était celle de Mariano Rajoy (à savoir : a-t-il déclaré oui ou non l’indépendance le 10 octobre ?) celui-ci s’est contenté d’un communiqué alambiqué dans lequel il estime que c’est “le peuple de Catalogne qui, le 1er octobre, a décidé l’indépendance”. M. Puigdemont a même menacé Madrid de “procéder au vote d’une déclaration formelle d’indépendance” si l’État “persiste à empêcher le dialogue et à continuer la répression”.  

Il est évident que monsieur Puigdemont ne pouvait pas renoncer publiquement à une indépendance qu’il s’était engagé à prononcer devant sa majorité en cas de victoire du OUI au referendum d’autodétermination.  

Toujours est-il que  le gouvernement espagnol ne pouvait pas non plus se contenter de menace vaine, car il est sous la pression de l’aile dure de sa formation, des conservateurs du Parti populaire et des centristes de Ciudadanos.

 

Fermeté légitime des deux côté ou folie jusqu’au-boutiste ?  

Les deux partis sont désormais dans une impasse. À l’issue de l’enclenchement du processus de suspension de l’autonomie, Carles Puigmont (après avoir longtemps hésité) a refusé de se rendre devant le sénat affirmant ne pas vouloir perdre son temps “avec ceux qui décident d’écraser l’autonomie de l’Espagne”. Ce dernier a fait le choix la rupture en déclarant unilatéralement l’indépendance de la Catalogne le vendredi 27 Octobre. Cependant, la moitié des catalans ne sont pas favorables à l’indépendance et aucun pays européen n’a à ce jour annoncé qu’il reconnaîtrait la région comme un État indépendant. Dans ce contexte, la Catalogne risque de se mettre à la marge du monde.

Les grands vainqueurs de cette ne sont ni les Espagnols ni les Catalans mais bel et biens les membres les plus radicaux du gouvernement de la Barcelone. En menant la catalogne droit dans le mur ceux-ci espère radicaliser le mouvement. Certains comme le ministre des affaires extérieurs Raül Romeva compte sur les manifestations de soutien de la société catalane et la désobéissance civile qui pourrait contrecarrer les plans de Madrid.  

 

La fuite en avant du gouvernement Catalan risque d’exacerber les tensions entre les deux camps, multipliant les risques de débordements. Après les incendies californiens et portugais, l’incendie Catalan, au foyer bien plus inaccessible, ne semble pas sur le point de se calmer et redouble au contraire en intensité…

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