L’écrivain franco-algérien a été arrêté à Alger le 16 novembre. Connu pour ses opinions critiques face au gouvernement algérien, il est accusé d’«atteinte à la sûreté de l’État».
Samedi 16 novembre, de retour de France, Boualem Sansal est arrêté par les forces de l’ordre algériennes à son arrivée à l’aéroport. Il a depuis été auditionné par le parquet antiterroriste d’Alger, selon son avocat, François Zimeray. Son arrestation découle de plusieurs prises de position controversées concernant le gouvernement algérien, les religions, l’islamisme et la gestion du pays depuis son indépendance, en 1962. Une arrestation qui a fait et fera encore couler beaucoup d’encre.
Qui est Boualem Sansal ?
Né en 1949 en Algérie Française, Boualem Sansal grandit dans une « famille athée », se considérant « français », a-t-il déclaré sur le média Frontières. Il travaille en tant qu’ingénieur, docteur en économie industrielle, et même en tant que haut fonctionnaire dans l’administration algérienne, au sein du ministère de l’industrie. En 2024, il obtient la nationalité française.
A l’âge de 50 ans, il sort son premier ouvrage Le Serment des Barbares. Dans ce roman, il y fait une chronique de la « décennie noire », durant la guerre civile d’Algérie, de 1992 à 2002. C’est un récit engagé qui rencontre un grand succès, remportant des prix littéraires. Cependant, Boualem Sansal attire très vite l’attention. Dès son premier roman, il représente une voix majeure de la critique envers le pouvoir algérien et la gestion du pays. Il traite de thématiques comme la corruption, les violences ethniques ou les inégalités sociales. À la sortie de son livre, Boualem Sansal est rapidement démis de ses fonctions au ministère.
Il continue par la suite de publier des romans, nouvelles et essais. Il persiste dans sa critique vive de la situation politique sociale et économique de son pays, en y mêlant d’autres thèmes comme l’identité ou la mémoire. À plusieurs reprises, Sansal est censuré et menacé par l’Algérie, compte tenu de ses déclarations. Il reste malgré tout fidèle à ses idées et continue de vivre en Algérie, jusqu’à son arrestation le 16 novembre.
Motifs d’arrestation
Le 2 octobre 2024, Boualem Sansal est invité dans le média d’extrême-droite Frontières, dont il est lui-même membre du comité éditorial. Durant cet entretien de plus d’une heure, il exprime ses opinions quant à l’Algérie. « Quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu’à Mascara. […] Quand la France colonise l’Algérie, elle s’installe comme protectorat au Maroc et décide comme ça, arbitrairement, de rattacher tout l’est du Maroc à l’Algérie, en traçant une frontière. », déclare-t-il, ce qui lui a valu d’être arrêté pour « atteinte à l’intégrité du territoire ».
D’autre part, les relations diplomatiques entre l’Algérie et la France sont un sujet sensible, marquées par une histoire et une mémoire complexes. Les deux présidents, Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, se dirigeaient ces dernières années vers une meilleure entente. Mais en juillet 2024, Emmanuel Macron déclare que la France reconnaît la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, zone sous tension entre le Maroc et l’Algérie. Cette déclaration a marqué un changement notable dans la position française. Elle a aussi déclenché la colère de l’Algérie et a augmenté les tensions diplomatiques. La double nationalité de Boualem Sansal aurait pu jouer dans son arrestation, le gouvernement algérien s’attaquant directement à la France.
Aujourd’hui, Boualem Sansal est emprisonné dans la prison de Koléa, dans l’attente d’être jugé. Il risque, selon l’Agence France Presse, la peine de mort. Cependant, un moratoire est prévu en Algérie concernant cette peine. Il risque donc la peine de réclusion criminelle à perpétuité.
Liberté d’expression
Depuis 25 ans, Boualem Sansal tenait des propos controversés et sensibles concernant l’Algérie, nourrissant la méfiance et la colère de son gouvernement. Mais son arrestation remet en question un droit fondamental, assuré par l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, dont l’Algérie est signataire. Au-delà des clivages idéologiques ou politiques, l’arrestation de Boualem Sansal représente un outrage à la liberté d’expression.
Les réactions dans le monde littéraire sont nombreuses. Kamel Douad, prix Goncourt 2024, a lancé une tribune visant à supporter Sansal sur le site de l’hebdomadaire Le Point. Des prix Nobel de la littérature en sont signataires, comme Annie Ernaux ou Jean-Marie Le Clezio, l’écrivain turc Orhan Pamuk, ou l’écrivain nigérian Wole Soyinka.
Du côté du monde politique, les réactions sont très partagées. Les idées relayées par Boualem Sansal divisent l’échiquier politique et les mobilisations diffèrent. À droite et à l’extrême-droite, les appels à sa libération sont nombreux : Edouard Philippe (Horizons), Laurent Wauquiez (Les Républicains), Marine Le Pen (Rassemblement National), ou encore Eric Zemmour (Reconquête) et Marion Maréchal (Identité-Libertés). À gauche et à l’extrême gauche, les réactions se font plus rares, les politiques étant en désaccord face aux idées de Sansal. Cependant, certains ont réagi au nom de la liberté d’expression : François Hollande, Olivier Faure, Laurence Rossignol, Jérôme Guedj (Parti Socialiste), ou encore Alexis Corbière (groupe écologique et social). Le parti La France Insoumise a décidé de ne pas s’exprimer à ce sujet. Une décision qui fait réagir les autres partis politiques de tous bords, la liberté d’expression étant en jeu.
La date du procès de Boualem Sansal est à ce jour inconnue. Selon la procédure légale algérienne, la chambre d’accusation dispose de 21 jours pour examiner cet appel.
Alex BERGE
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Je suis étudiant en licence sciences de l’information-communication. Les sujets qui me passionnent sont la culture, et particulièrement la musique et la littérature. Associées à l’actu, ça fait toujours un très bon mélange. Bonne lecture !