5 ans après les tueries de Mohamed Merah, la cours d’assise spéciale de Paris a tranché. Le frère de Mohamed, Abdelkader, soupçonné de complicité d’assassinat et d’association de malfaiteur terroriste, a été acquitté du premier chef d’accusation. Il a cependant été condamné pour le second à 20 ans de réclusion criminelle.
Les mots Me. Dupond-Morreti, avocat d’Abdelkader Merah, le frère de Mohamed l’assassin au scooter, ont pour le moins provoqué la polémique. Après trois heures d’interrogatoire de la mère Merah à la troisième semaine du procès du même nom, l’avocat de la défense prononce ces mots : “C’est la mère d’un accusé… et d’un mort”.
La salle bruisse et dans les murmures éclate la voix de Naoufal Ibn Ziaten, le frère d’Iban, victime du terrorisme : “Vous êtes méchant”. Naoufal quitte la salle d’audience en pleurant.
A plusieurs reprises durant ces 5 semaines de procès la tension et l’émotion ont inondé les bancs de la cour d’assises spécial de Paris. Comment aurait-il pu en être autrement ? Les victimes des 15 et 19 Mars 2012 attendaient ce procès depuis plus de 5 ans, un procès Merah sans Mohamed. Les audiences, surmédiatisées, se sont ouvertes comme elles se sont clôturées, marquées par les prises à partis, les larmes et les insultes. La pression de l’opinion publique, “cette prostitué qui tire le juge par la manche”, était omniprésente. Elle concernait les juges aussi bien que les avocats, et en particulier le ténor du barreau, l’avocat médiatique, Eric Dupond-Morreti. Tout juste 4 jours après l’ouverture du jugement, celui-ci déclarait que lui et sa famille faisaient l’objet de menace de mort.
Un verdict serein
Dans un tel contexte, la justice pouvait-elle prononcer un autre verdict que la perpétuité, peine requise par le ministère publique ? Pourtant, Jeudi 2 novembre, le verdict est tombé, Abdelkader est acquitté pour complicité d’assassinat et condamné à 20 ans de réclusion criminelle, la peine maximale pour l’association de malfaiteurs terroriste criminelle.
Les réactions n’ont pas tardé, pour beaucoup et en particulier pour les familles des victimes c’est une preuve de laxisme de “naïveté” comme le dira Latifa Ibn Ziaten la mère d’Imad, le premier militaire assassiné à Toulouse. Pour d’autres c’est le signe d’une justice sereine, qui n’a pas cédé à la pression de l’opinion publique, les avocats d’Abdelkader Merah s’en félicitent.
Sifflé à la sortie de la salle d’audience, Eric Dupond-Moretti commente le verdict :
Le Crif (conseil représentatif des institutions juives de France) a fait savoir quelques heures après le verdict qu’elle redoutait que les “terroristes islamiques” voient dans la décision de la cour “un signe de faiblesse”. Mais le rôle de la justice était-il d’envoyer un message aux terroristes ? L’enjeu était-il d’apaiser l’opinion ? De condamner un coupable “qui aurait été fabriqué pour étancher la soif de justice des victimes” selon les mots de Me Dupond-Morreti ? Assurément pas.
Le rôle de la justice était ici de juger de la culpabilité d’Abdelkader Merah. Si celui-ci n’a pas été condamné à la perpétuité ce n’est pas parce que la justice a été “laxiste” comme le dénonce le FN, la mémoire des victimes n’a pas été “bafouée” comme l’affirme Marine Le Pen sur son compte Twitter.
En réalité, M. Merah a été acquitté car l’accusation n’a pas été capable de fournir suffisamment d’éléments probants pour évacuer les doutes des juges concernant la complicité. Si ces politiques qui s’indignent “d’une condamnation à minima” devait en tenir rigueur à quelqu’un ce serait aux avocats de l’accusation et non de la défense. Toujours est-il qu’ils ne le font pas, ou peut-être était-il impossible, étant donné les éléments du dossier, de prouver la culpabilité du plus âgé des deux frères Merah.
Dans cette affaire il était impossible de condamner Abdelkhader Merah à la perpétuité étant donné la fragilité des preuves mais celui-ci ne pouvait pas non pus être acquitté de l’intégralité des charges qui lui pesaient contre lui.
L’accusé, surnommé Ben Ben en référence à Oussama Ben Laden, s’est contenté de réponse évasive lorsqu’il a été interrogé sur sa pratique de l’Islam et sa vision du terrorisme. Celui-ci a d’ailleurs refusé de répondre aux questions qui lui ont été posés sur les morts du 11 septembre 2001 et sur sa soumission (ou non) aux lois de la république. D’autres éléments matériels, tels que les messages échangés avec son frère et les dix-sept fichiers audio correspondant à une série de formations destinées aux djihadistes, ont par ailleurs prouvé son adhésion aux thèses extrémistes et violentes, d’où sa condamnation à 20 ans de prison (la peine la plus lourde pour association de malfaiteurs terroristes criminels).
Cet homme qui ne reconnaît pas les valeurs de la république a pourtant été protégé par ces mêmes valeurs, c’est la force de l’Etat de droit. Face à la barbarie et à l’horreur, face au reniement de tout ce qui nous fédère les français ne doivent pas oublier qu’ils appartiennent au peuple qui a riposté “aux cataclysmes haineux par des billets, des fleurs, des bougies et des livres”.
Le parquet a fait appel de la décision du 2 novembre. L’enjeu de ce second procès Merah et des nombreux autres procès pour terrorisme qui pourraient avoir lieu sera de juger un homme (fut-il ou non un terroriste) et non pas de faire le procès “du terrorisme”.