À Bordeaux, ils sont venus nombreux dire « non à la guerre en Ukraine »

À Bordeaux, ils sont venus nombreux dire « non à la guerre en Ukraine »

Ukrainiens ou Français, les manifestants sont venus nombreux samedi 26 février exprimer leur refus de la guerre en Ukraine, place de La Victoire à Bordeaux.

Des dizaines de drapeaux bleus – pour le ciel, et jaunes – pour les champs de blé, flottaient au-dessus de la foule réunie place de la Victoire. 300 personnes, selon l’AFP, ont fait le déplacement en ce samedi ensoleillé pour exprimer leur soutien et demander l’arrêt de l’invasion russe en Ukraine. Ukrainiens, Français ou même Russes ; chaque personne présente exécrait le président Vladimir Poutine.

Les manifestants sont impressionnés par le dessin de Vira Prokhvatylo.

Jeudi 24 février, Vira Prokhvatylo s’est réveillée avec des dizaines de messages de sa famille restée en Ukraine. « Il y a des bombardements, mais on va bien », se rappelle-t-elle. Après les avoir appelés, sa première réaction est de « réfléchir » à ce qu’elle doit faire. La jeune femme de 27 ans, arrivée en France il y a trois ans pour suivre un master à l’École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage (ENSAP), souhaite alors « envoyer de l’argent » à ses proches restés sur place. Le même jour, elle « commence à expliquer la situation aux Français ». L’information est, à ses yeux, primordiale en temps de guerre.

« Ma mère pleure tous les jours. »

Le bébé et la femme de Vitali manifestent à ses côtés.

Vitali (il n’a pas souhaité communiquer son nom de famille), habite en France depuis 2005. Ce samedi, il est venu avec sa femme, ses deux enfants et son bébé. Toute sa famille réside dans la banlieue de Kiev. Derrière son masque, il confie : « Ils n’ont pas la possibilité de partir, il n’y a plus d’essence dans les stations-service. » En effet, les pompes à essence ont été très vite prises d’assaut par les centaines de milliers d’Ukrainiens voulant fuir le pays. Ce lundi, ils étaient déjà « plus de 500 000 » à avoir quitté l’Ukraine, selon un tweet du Haut-Commissaire de l’ONU aux réfugiés, Filippo Grandi.

La tante et les cousins de Maxime Kolesnitchenko font partie des milliers d’Ukrainiens réfugiés dans les stations de métro de la capitale. Le jeune homme de 24 ans est enragé contre le président de la Fédération de Russie. En 2014, il a déjà vu son destin bouleversé par les affrontements entre pro-ukrainiens et pro-russes dans sa ville natale d’Odessa, au sud-ouest du pays. « Mon père était haut placé à la mairie » il se souvient, « on a pas eu d’autres choix que de partir. » Des rives de la mer Noire, il arrive à Bordeaux avec ses parents. Mais l’invasion russe est venue troubler le calme qu’ils avaient trouvé en France. « Ma mère pleure tous les jours », déplore-t-il. À Odessa, dans la maison de la grand-mère de Maxime Kolesnitchenko, « il n’y a pas de cave », regrette-t-il.

Non loin de Kiev se trouve aussi la famille de Vira Prokhvatylo. « Ils restent chez eux, cachés dans le cellier », explique-t-elle. Face à la guerre, la solidarité est de mise dans le pays : « Ils abritent des amis, raconte-t-elle, car ils n’ont pas de cave dans leur HLM. » À Bordeaux, l’étudiante ukrainienne, va accueillir sa sœur et sa nièce de 3 ans dès qu’elles seront parvenues à fuir les bombes.

 

« Poutine n’en a rien à secouer de tout ça »

Les sanctions internationales contre la Russie tombent en cascade depuis plusieurs jours. Annulation de la certification du gazoduc Nord Stream 2, gel de milliards de dollars d’avoir de Vladimir Poutine, de son ministre des Affaires étrangères et des oligarques russes, fermeture des espaces aériens de l’Union européenne, et bientôt l’exclusion de certaines banques russes du système financier Swift… La Fédération est isolée de la scène internationale et son économie est grandement mise à mal. Cette série de décisions amène Vira Prokhvatylo à penser que l’aide de la communauté internationale « est déjà très importante ». Cependant, ce n’est pas entièrement suffisant pour la jeune femme qui veut « leur dire : continuez à nous aider s’il vous plaît. »

Vitali, caché derrière ses lunettes de soleil en marge du rassemblement, n’est pas totalement du même avis. Il dénonce la « demi-mesure » dont feraient preuve les dirigeants étrangers. « Les sanctions ne sont pas assez fortes, proteste-t-il. Poutine en a rien à secouer de tout ça. » Le père de famille de 35 ans est loin d’être convaincu par les sanctions économiques prises contre la Russie. D’après lui, les puissances étrangères devraient envoyer des troupes en Ukraine. « Poutine n’a pas peur, il ne compte pas les vies des gens, dénonce-t-il. Si l’Europe ne fait rien, il ne va pas s’arrêter là. » Dans la foule, une pancarte brandie en l’air semble appuyer le sous-entendu de Vitali. Il y est inscrit : « Aujourd’hui Kiev, demain Paris ».

Un peuple déterminé

Tout au long du rassemblement, les manifestants ont pu entendre des chansons ukrainiennes très émouvantes. Les yeux larmoyants, une femme tient un écriteau : « Send NATO (OTAN) to Ukraine ! Close the sky », une demande bien loin des principes du Parti Ouvrier Indépendant (POI) parti politique d’extrême gauche. Jean-Pierre Gauthier, adhérent du POI distribue des manifestes « Non à la guerre en Ukraine ! » aux abords de la manifestation. Comme tous les partis politiques français, il réclame « l’arrêt immédiat de l’invasion et des bombardements et le retrait des troupes russes. » Cependant, il demande également le retrait immédiat de l’OTAN des pays frontaliers de l’Ukraine. Face à la deuxième armée la plus puissante du monde, l’adhérent de 65 ans invoque « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », de quoi déplaire à certains ukrainiens. Cependant, le retraité tente de tempérer : « La situation est très complexe. Même si l’OTAN est une bande de pourris, la Russie est l’agresseur. »

Devant la colonne de la Vigne et du Vin, une petite fille d’origine ukrainienne tient fièrement sa pancarte.

Envois de troupes en renfort ou non, pour les Ukrainiens, gagner la guerre est la seule éventualité envisagée. À la question « Pensez-vous que Kiev va tenir encore longtemps ? » Vira Prokhvatylo s’offusque : « Il n’y a aucune possibilité qu’ils ne tiennent pas, on est sûrs de nous. »

Pour s’assurer de la victoire de son pays, Maxime Kolesnitchenko lance avec un grand sourire : « Normalement, je pars demain en Ukraine. » En septembre, le jeune homme avait déjà senti le vent tourner. Il demande alors à l’ambassade ukrainienne une autorisation d’entrer sur le territoire avec une voiture européenne. Sa demande acceptée, il prépare depuis plusieurs jours son départ. « J’ai vendu tout ce qui n’était pas important pour avoir du liquide », explique-t-il. Le jeune ukrainien ne supporte pas de voir son pays sous les bombes. Dans sa bouche, des noms d’oiseaux fusent à l’égard de Vladimir Poutine. « On ne peut pas tolérer la mort de civils, d’enfants », affirme-t-il. Le courage, Maxime Kolesnitchenko, le porte physiquement. Dans sa voix, la détermination se fait entendre : « J’ai plus peur de perdre mon pays que de mourir », assure-t-il.

« C’est le meilleur président du monde ! »

300 personnes sont venues manifester contre la guerre en Ukraine.

Aux côtés des représentants de l’association Amitiés Ukraine à l’origine de la manifestation Bordelaise, le maire Pierre Hurmic était présent dans la foule. Son adjointe en charge du quartier Nansouty Saint Genès exprime la « solidarité totale avec le peuple ukrainien » de la mairie de Bordeaux ainsi que du parti Europe Écologie Les Verts. En charge de la petite enfance, Fannie Le Boulanger est venue en famille manifester. « La condamnation de la Russie, qui ne respecte pas le droit international, est très ferme », assure l’édile. Au regard des décisions économiques et politiques prises ou pas encore, elle insiste : « On ne peut pas être en demi-mesure par rapport aux importations de gaz. » Ce samedi, elle porte plusieurs casquettes. « En tant que citoyenne, femme, mère, je viens manifester contre la guerre, détaille-t-elle. En tant qu’élue, c’est ma responsabilité d’être là pour les peuples qui se battent pour la démocratie. »

Dans la guerre en Ukraine, un héros apparaît déjà, il porte le nom du Président Volodymyr Zelensky. Même si elle avait voté pour lui « pour ne pas faire passer Petro Porochenko »,Vira Prokhvatylo salue la manière dont il gère le conflit : « On est vraiment fier de lui. » Quant à Maxime Kolesnitchenko, il admire profondément l’ancien acteur. « Personne pensait qu’il allait tenir », admet-il. Effectivement, pendant que des centaines de manifestants s’étaient réuni à Bordeaux, le président ukrainien refusait, lui, l’offre d’exfiltration des États-Unis. Cela fait maintenant cinq jours que la capitale résiste aux tentatives russes de renverser le pouvoir élu démocratiquement en 2019. « C’est le meilleur président du monde », lance Maxime Kolesnitchenko avant d’éclater de rire : « Quand la guerre sera finie, je me ferais tatouer son visage ! » Toute personne attachée à la démocratie et à la liberté espère voir le souhait du jeune homme, partant défendre son pays, vite se réaliser.

 

 

© Lilia Fernandez

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