16 septembre 2018 : deux athlètes au firmament

C’est dans l’Histoire de l’athlétisme que s’inscrira à jamais cette journée qui a vu deux hommes porter au plus haut la beauté de l’effort de leur sport. Le Kenyan Eliud Kipchoge bat ce dimanche matin le record du monde du marathon à Berlin. Il le bat ? Non, il le pulvérise. On pourrait dire la même chose du français Kévin Mayer et pourtant en le voyant accomplir ses dix travaux de décathlonien on a vu quelqu’un qui marchait sur l’eau, porté par un public bouillant. Retour sur deux performances hors normes d’une journée intense pour la planète athlé.

9h15 : début des palpitations pour 42km195

C’est le départ de la course hors stade la plus attendue de l’année par les puristes, les concurrents du marathon de Berlin s’élancent avec dans la tête et dans les jambes l’envie furieuse d’enterrer un record du monde minuté à 2h02min57s. Tout est réuni pour assister au spectacle : les meilleurs coureurs de grand fond, un parcours rapide et une météo parfaite. C’est déjà ce qui fut annoncé l’an dernier, alors cette fois les observateurs ne s’aventuraient guère en pronostics. Dès le début le ton est donné : seul un athlète parvient à suivre les lièvres, faiseurs de tempo, qui passent en 2min43 (22,5km/h) au premier kilomètre. Imaginez les 41 kilomètres restants. Malgré cela Eliud Kipchoge fort de ses 35 ans et d’une préparation titanesque sur les pistes cendrées kenyane parvient à tenir le tempo. Peu à peu, les lièvres s’égrainent et laissent seul Kipchoge au 25e kilomètre. Il sera donc seul pendant 17 kilomètres pour aller cueillir un record du monde établi en 2h01min39s, pour une moyenne de 21km/h. Le septième établi sur les terres berlinoises et 15 ans après le titre mondial du kényan sur 5000m. Une carrière figée désormais au panthéon de l’athlétisme.

La foule déchaînée de Talence

Petite ville chaleureuse de la banlieue bordelaise, Talence aura su une nouvelle fois tout mettre en œuvre pour réussir un 42e Décastar retentissant. Là aussi, les conditions étaient réunies pour offrir un spectacle merveilleux : public passionné, décathloniens talentueux et athlètes français invités pour l’occasion. L’événement a donc rassemblé les meilleurs décathloniens et heptathloniennes du monde durant deux jours (10 épreuves pour les hommes, 7 pour les femmes). Le plus grand espoir de cette édition fut sans nul doute Kevin Mayer, titré champion du monde à Londres l’an passé mais sans aucune compétition enregistrée cette année et dont la participation au Décastar fut annoncée suite à  l’abandon aux Championnats d’Europe. La journée d’hier avait déjà donné le tempo : 4563 points pour Kévin sur les 5 premières épreuves, en avance sur son propre record de France et pas bien loin du record du monde. Des records personnels au 100m et à la longueur notamment. Deuxième jour, son meilleur en théorie, celui le plus aboutit de sa carrière et qu’il démarre en trombe avec la victoire sur 110m haies et un record personnel pulvérisé au lancer du disque. Plus personne ne l’arrêtera désormais. Le saut à la perche le consacre encore un peu plus vers un record que personne ne souhaite ni trop imaginer ni mettre de côté. Les 12 000 personnes du stade font silence et le portent vers un ultime saut à 5m45. Le javelot sera le point d’orgue de sa journée, là où les craintes ont été au plus haut. Finalement, Kévin lance son javelot à son tout dernier essai à plus de 71m, record personnel éclaté, à nouveau. En rentrant au vestiaire avant la dernière épreuve il le sait : « J’ai le record même en courant tranquillement. » Un dernier 1500m conclut au bout de lui-même lui offre un record du monde à 9126 points, effaçant l’américain Asthon Eaton et ses 9045 points des tablettes. Moment de liesse sur le stade. Nous avons vécu le record du monde de Kévin Mayer.

Héroïques

Ces deux records sont prodigieux, le fait qu’ils aient lieu lors d’une même journée est inexplicable et l’histoire porté par ces deux athlètes ne trouve, elle, pas de mot pour être qualifiée. Kipchoge avait réalisé deux minutes de plus sur ce même marathon l’an dernier ; Kevin Mayer n’avait pas encore finit un décathlon en 2018. Une fois encore les limites sont repoussées et de quelle manière. L’expertise de la performance, le travail acharné fourni par ces deux figures et leur entourage paye aujourd’hui et sauraient bien donner l’envie à d’autres encore de repousser un peu plus les frontières du possible. C’était en tout cas un jour de grâce qu’on ne saurait trop expliqué pourquoi il est arrivé mais auquel on aura plaisir à repenser avec passion.

 

Maxime Giraudeau

maximegir17@gmail.com

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