Grenelle sur les violences conjugales: ce qui a vraiment été dit

Il y a deux jours, le collectif « Féminicides par compagnon ou ex », relayé par l’association Nous Toutes, communiquait le chiffre : 138 victimes de féminicides en France depuis le 1 janvier. Après de nombreuses assemblées générales et une longue campagne de collages visant à sensibiliser le public sur les violences faites aux femmes, les associations féministes françaises attendaient des réponses fermes du gouvernement. Ce lundi 25 novembre (journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes), se tenait à Matignon la clôture du grenelle sur les violences conjugales, qui a duré près de 3 mois, où Edouard Philippe et Marlène Schiappa présentaient les nouvelles mesures sensées être appliquées dès janvier 2020. Quelles sont ces mesures et que peut-on en conclure ? Retour sur les propos du Premier Ministre. 

Suite à la marche du 23 novembre, qui a rassemblé 150 000 femmes à travers la France et a été sacrée plus grande marche féministe de l’histoire de France, le gouvernement se devait de mettre un frein aux violences sexistes et sexuelles. Voici en quelques mots les différentes mesures proposées par le Premier Ministre lundi, qui a admis l’existence de « dysfonctionnements dont nous n’avons pas jusqu’à aujourd’hui voulu prendre conscience ». 

  • Une formation pour les enseignants dans le but de sensibiliser sur l’égalité fille-garçon. Edouard Philippe a insisté sur le rôle de l’éducation dans ces violences et a annoncé que se tiendrait tous les ans un conseil de vie collégienne/lycéenne sur l’égalité dans chaque établissement. Cette mesure est critiquée car la formation des enseignants à ce sujet est inscrite dans la loi depuis 2010. 
  • Des intervenants spéciaux dans les commissariats : 80 nouveaux postes seront crées d’ici 2021 en plus des 200 existants et une grille d’évaluation du danger est d’ores et déjà distribuée dans chaque commissariat et brigade. 
  • Inclusion dans la loi de la notion « d’emprise » : désormais, les « suicides forcés » par harcèlement et violence seront accompagnés de la mention « circonstances aggravantes » et la notion d’emprise sera inscrite dans le Code civil et le Code pénal. 
  • Des places d’hébergement d’ici janvier 2020 : alors que 50% des femmes qui contactent le 3919 (numéro d’urgence pour les violences conjugales) expriment leur besoin de quitter le domicile conjugal, 1000 nouvelles places d’hébergement seront ouvertes d’ici janvier. 
  • La possibilité de déroger au secret médical : Edouard Philippe a annoncé vouloir offrir aux médecins le droit de déroger au secret médical si, et seulement si, cela peut mener à sauver des vies. Un aménagement des règles du secret médical est prévu, permettant aux médecins de signaler les cas de renouvellement de violences. Cette mesure était déjà applicable en cas de danger de mort. 
  • Un projet de loi sur la suspension de l’autorité parentale sera déposé en janvier pour suspendre l’autorité parentale du père agresseur en cas d’homicide conjugal et renforcer les peines en cas de « suicide forcé ». Le devoir d’obligation alimentaire sera supprimé car jugé comme « une absurdité juridique » (il contraint les enfants à subvenir aux besoins de leurs parents même dans le cas d’un père violent envers la mère). 
  • Une prise en charge des auteurs de violence : Marlène Schiappa a annoncé que le gouvernement cofinancera de moitié deux centres de prise en charge des auteurs de violence par région avec l’objectif de réduire le taux de récidive. 
  • Le 3919 accessible 24h/24 : ce numéro gratuit et disponible pour les femmes en situation de violences conjugales sera désormais accessible à toute heure et 7 jours sur 7. Depuis le grenelle, le service reçoit 600 appels par jours, contre 150 auparavant. Le gouvernement a aussi mis en place le site arretonslesviolences.gouv.fr qui met en avant les moyens à dispositions des victimes et témoins pour être prises en charge. 

 

Le Premier Ministre a annoncé « Le Gouvernement consacrera plus d’un milliard d’euros en faveur de l’Egalité entre les hommes et les femmes dont 360 millions pour la lutte contre les violences faites aux femmes » répartis entre plusieurs ministères. 90 millions d’euros seront accordés au ministère du Logement ou encore 10 millions pour le ministère de la Justice. 

Même si le budget dépassant le milliard d’euros correspond aux demandes des manifestant-e-s, le communiqué du collectif Nous Toutes déplore le silence des ministres sur les dizaines les milliers de femmes et hommes descendus dans la rue ces derniers mois. Edouard Philippe a également « employé des mots forts [‘faillite collective’, ‘dysfonctionnements majeurs’] sans en tirer des conclusions », selon le collectif. Lorsque l’on sait qu’au moins 220 000 femmes majeures sont victimes de violence au sein du couple chaque année, les associations dénoncent le budget de 360 millions qui reste pratiquement le même qu’en 2018. Selon elles, ça n’est pas une simple grille – qui échelonne les risques de violences conjugales – distribuée aux policiers et gendarmes qui permettra aux centaines de femmes ayant porté plaintes d’être moins décrédibilisées. 

 

Pour beaucoup il est encore bien difficile d’écouter Edouard Philippe s’exprimer sur le rôle de la France dans la protection des femmes, alors que lui-même s’est exprimé sur sa volonté d’aller voir le film J’accuse de Roman Polanski accompagné de ses enfants, peu après le scandale provoqué par le pédocriminel en fuite. 

Mais comme il l’a rappelé lors de cette clôture, « c’est le regard de toute une société qui doit changer », et c’est pour cela que Nous Toutes a choisit de poursuivre ses actions militantes : « si le gouvernement ne veut pas changer de cap, nous le ferons à sa place », affirme leur communiqué sur Instagram. Leur but est de stopper la banalisation des violences et la remise en question de la véracité du témoignage des victimes. Cependant il faudra encore attendre plus d’un mois afin de certifier ou non de l’efficacité des mesures énoncées, au risque comme d’habitude, d’être déçu.

 

Crédit photo: Stéphane de Sarkutin pour AFP, page Instagram de Nous Toutes

Sources : Le Monde, France Info, Dossier de presse du Secrétariat d’Etat chargé de l’Egalité entre les Hommes et les Femmes.

 

Claire Lavigne  

 

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