Adieu Diego

Ce mercredi 25 novembre, le monde du football a perdu l’un de ses génies. Il était environ 16h, heure française, lorsqu’on a appris le décès de Diego Armando Maradona, foudroyé par une crise cardiaque. Une onde de choc qui électrisa le monde entier. Celui que l’on surnommait « El pibe de oro » (Le gamin en or) nous a quitté à 60 ans, laissant derrière lui tout un tas de souvenirs. Retour sur la carrière d’un footballeur hors normes, et sur la vie mouvementée d’un homme dont les déboires ont aussi contribué à l’écriture de sa légende.

Les premiers pas du phénomène

Issu d’une modeste famille argentine, Diego Armando Maradona passe son enfance dans les bidonvilles de Villa Fiorito, un quartier insalubre de Buenos Aires. Le football va être un moyen de distraction, une échappatoire lui permettant de fuir un environnement morose. Il s’avère rapidement que lui et le ballon rond ne font qu’un. A l’âge de 10 ans il est repéré par un recruteur et intègre l’équipe junior du club d’Argentinos Juniors. C’est alors la première marche de l’ascension du petit Diego. Il n’a même pas 16 ans qu’il débute avec l’équipe professionnelle de son club et marque de suite les esprits. Des performances qui lui permettront d’atteindre la sélection nationale dès ses 16 ans. Il gravit les échelons à une vitesse éclair, aussi rapide que celle avec laquelle il élimine ses adversaires balle au pied. Il remporte la Coupe du Monde des moins de 20 ans avec son pays en 1979 et remporte cette même année le Ballon d’or argentin. Sa progression se poursuit en 1981 lorsqu’il est recruté par le club de Boca Juniors, un des deux clubs mythiques d’Argentine. Il marque encore les esprits lors de sa seule saison au club. Ses grandes performances lui ouvrent alors les portes de l’Europe.
En 1982, il débarque en Espagne au FC Barcelone ou un important challenge l’attend. Il doit confirmer ses qualités à un niveau plus élevé. Mais son aventure en terre catalane sera bien en-dessous des attentes des supporters et des observateurs. Le joueur argentin est confronté à des problèmes disciplinaires. Son coup de sang lors de la Coupe du monde 1982 en est le symbole. Il assène un coup de pied dans le ventre du joueur brésilien Batista lors du match de poule entre les deux équipes sud-américaines.
Il se heurte aussi au scepticisme des supporters barcelonais qui n’apprécient pas le personnage Maradona, lequel s’autorise régulièrement des sorties nocturnes et commence à consommer de la cocaïne. Sur le terrain les adversaires ne lui font aucun cadeau. Une grave blessure à la cheville lors d’un match face à l’Athletic Bilbao l’éloignera des terrains durant de longs mois. Enfin comme un symbole, son aventure espagnole se terminera par une bagarre générale dont il fut à l’origine, lors de ses retrouvailles avec Bilbao.
Celui à qui on promettait une carrière exceptionnelle, que beaucoup annonçait même comme le nouveau Pelé, est en train peu à peu de se noyer. Sa signature à Naples à l’été 1984 lui permettra de sortir la tête de l’eau.

1984-1990 : l’aventure napolitaine de Maradona

Il a quitté l’Espagne par la petite porte, il est arrivé en Italie triomphant, accueilli en héros par le peuple napolitain lors de sa présentation au Stade San Paolo. Il faut dire que l’arrivée du numéro 10 argentin est un cadeau du ciel pour le petit club du Napoli, habitué à jouer le bas de tableau dans son championnat. Sportivement le cadre n’est donc pas idéal, pas plus que socialement. La capitale de la Campanie est une ville assez pauvre, ou le chômage est très important et ou la mafia exerce une grande influence. On pense alors que Maradona s’est engagé dans une drôle de galère. Mais rien n’effraie le joueur argentin qui se lance le défi d’amener le club de Naples en haut de tableau. Après une saison de rodage où le Napoli va terminer en milieu de tableau, la machine va se lancer à partir de la saison 1985-1986. Une 3e place au championnat  marque le début des espérances. Elle sera suivie par l’aboutissement du rêve de tous les tifosi : le 1er titre de champion d’Italie en 1987. Un deuxième titre sera obtenu trois ans plus tard. Ajoutez à cela des beaux parcours en Coupe d’Europe avec notamment une victoire en coupe de l’UEFA en 1989 et le Napoli devient un grand d’Italie, un grand d’Europe même. Une prouesse que les supporters doivent en grande partie à leur génie argentin. Diego est désormais plus qu’un héros à leurs yeux, c’est un demi-dieu qu’ils admirent et qu’ils vénèrent. Hélas les histoires d’amour finissent souvent mal. Celle entre le meneur de jeu argentin et le Napoli ne dérogera pas à la règle. Le divorce commence à être consommé à l’été 1989, lorsque l’argentin clame son envie de départ. Il est même proche de signer un contrat…avec l’Olympique de Marseille. Mais le Président de Naples a mis son droit de veto sur ce transfert. Le génie argentin restera donc en Italie mais ses derniers mois au club seront désastreux. Sa carrière napolitaine se terminera par un contrôle positif à la cocaïne en avril 1991 qui lui vaudront 15 mois de suspension. Il sera même condamné à 14 mois de prison avec sursis pour trafic de stupéfiants. Une image ternie certes mais qui ne fera pas oublier aux supporters napolitains que Maradona est avant tout un génie du football.  Aujourd’hui encore, le club lui est particulièrement reconnaissant puisque le stade San Paolo sera rebaptisé stade Diego Armando Maradona.
Après ses déboires avec la justice, l’argentin ne retrouvera plus jamais son niveau.. Après un court passage au FC Séville, il retournera au pays pour finir sa carrière à Boca Juniors, où il raccrochera les crampons en 1997. S’en suivra une carrière d’entraîneur sans réel relief, même si il a été sélectionneur de l’équipe nationale entre 2009 et 2010. Qu’importe, l’histoire ne retiendra pas ce chapitre mais bien celui qu’il a écrit en tant que joueur, en club comme déjà évoqué mais aussi avec son équipe nationale.

La Coupe du Monde 1986 : le chef d’œuvre de Maradona

A côté de ses exploits napolitains, c’est avec la sélection argentine qu’il frappe les esprits. Sa Coupe du monde 1986 restera à tout jamais dans les esprits. Au début de la compétition, beaucoup jugent l’équipe argentine extrêmement faible et pensent que le seul Maradona ne pourra pas les amener loin dans la compétition. C’est pourtant ce qui va passer. Capitaine de sa sélection, le numéro 10, alors âgé de 25 ans, va réaliser sa compétition la plus aboutie sur le plan personnel.
5 buts, 6 passes décisives et le trophée de meilleur joueur du tournoi. Des prestations majuscules qui permettront au Pibe et aux siens de remporter la Coupe du Monde, suite à une victoire 3-2 face à l’Allemagne de l’Ouest. Mais les images qui restent en mémoire ne sont pas celles de la finale. Il faut remonter quelques jours plus tôt pour assister au match qui fera la légende de Diego Maradona.
22 juin 1986, quart de finale entre l’Argentine et l’Angleterre. Il y a certes un enjeu sportif de taille mais il y a surtout un contexte extra-sportif qui rend ce match spécial. Quatre ans auparavant ces deux pays se sont livrés une guerre aux Îles Malouines pour l’obtention de ce territoire. Plus de 900 morts et un conflit qui s’est soldé par une victoire britannique. Une humiliation pour les argentins qui comptent bien prendre leur revanche, une revanche non pas sur le terrain militaire mais sur le rectangle vert. C’est une question d’honneur qui dépasse le cadre du foot. C’est un match sous tension, où tous les coups sont permis, les acteurs n’hésitant pas à enfreindre les règles du jeu. Score de parité à la mi-temps mais au retour des vestiaires, un homme va sortir de sa réserve et marquer le premier but du match. Cet homme ne pouvait être que Diego. Il surgit devant le gardien anglais pour propulser le ballon au fond des filets. Mais les anglais sont fous de rages car ils ont vu que le but de l’argentin n’est pas valable. Pourquoi ? Tout simplement car Maradona n’a pas marqué de la tête mais de la main. Une main que le joueur lui même baptisera « Main de Dieu » car c’est le Tout-Puissant qui l’a conduit à réaliser ce geste instinctif. Un geste pleinement assumé par l’argentin. Cette année à l’occasion d’une interview pour France Football il a d’ailleurs déclaré « Je rêve de pouvoir marquer un autre but aux anglais, avec la main droite ».
Son match ne s’arrêtera pas là. Trois minutes plus tard il marquera un but que l’on qualifiera « de but du siècle ». Une action de folie qui permettra à l’argentin d’entrer définitivement dans la légende de son sport : le football. Une action qui se savoure avec les commentaires originaux.

Maradona le sulfureux

Mi-ange mi-démon, le joueur argentin était un joueur unique, autant reconnu pour ses talents de footballeur que pour ses frasques hors terrain. Sa carrière a été émaillée par bon nombre d’affaires extra-sportives. Son penchant pour la fête était manifeste. On savait que « El Diez » était un habitué des escapades nocturnes mais on passait outre tant qu’il était performant sur le terrain. On lui prêtait aussi des relations extra-conjugales, principalement lors de son passage napolitain. Un enfant naîtra d’une relation avec une coiffeuse de Naples. Cet enfant dont le footballeur niera être le père, est prénommé Diego Armando Maradona Junior.
Ses relations avec la Camorra, la mafia napolitaine qui l’a longtemps protégé, furent aussi exposées au grand jour, ce qui n’arrangea en rien sa réputation. Ses différents déboires lui mettront le public italien à dos, avec comme point d’orgue une incroyable scène durant la finale de la Coupe du Monde 1990 en Italie. Furieux d’avoir vu son équipe nationale éliminée par l’Argentine en demi-finale, le peuple italien s’est mis à siffler l’hymne argentin lors de la finale. Des sifflets surtout à destination de Maradona, désigné responsable de l’élimination des italiens, lui qui doit pourtant tant à ce pays. Ce dernier insultera alors les italiens pendant l’hymne lorsque la caméra se braquera sur lui. Celui que les supporters avaient érigé en Dieu deviendra alors un véritable paria, étant désormais comparé au diable en une de tous les journaux transalpins.
Sa dépendance à la drogue aura causé sa perte. Un premier contrôle positif à la cocaïne en 1991, puis un deuxième à l’éphédrine lors de la Coupe du monde 1994 terniront son image. Une dépendance qui lui causera surtout d’importants problèmes de santé. Un malaise cardiaque en 2004 le laissera à la limite de la mort. De nombreuses hospitalisations se succéderont, la dernière datant de début novembre. Un hématome au cerveau dont il sera finalement opéré avec succès. Un répit de courte durée avant le coup fatal, l’attaque de trop pour Diego.
S’il y a bien une drogue à laquelle il était plus accro que les autres c’était celle du football. Nous garderons ainsi de lui l’image d’un artiste ne faisant qu’un avec le ballon. L’image d’un homme incroyablement heureux d’être sur un terrain. L’image d’une superstar adulée par des supporters du monde entier. L’image d’un joueur élégant aux chevauchées exceptionnelles. L’image d’un buteur aux exploits rocambolesques. L’image d’un Dieu du football tout simplement.

Mathias Babin

Crédits photos : MAXPPP / Carlo Fumagalli AP

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