Le nouveau long métrage du réalisateur québécois, sorti aujourd’hui en salle après une semaine d’avant premières à travers la France, signe un retour intimiste du cinéaste après son précédent film Hollywoodien, The Life and Death of J.F Donovan. Sincère et percutant, Xavier Dolan nous emmène dans son pays natal auprès de ses amis les plus proches.
Un retour aux sources
Après un film tourné aux côtés des très prestigieux Kit Harrington (Game Of Thrones, Memories of Youth) et Nathalie Portman (avons nous réellement besoin de la présenter ?), Dolan nous ramène dans un film beaucoup plus intime, personnel, comme il nous y avait habitué au court de sa jeune et pourtant déjà impressionnante carrière.
« Deux amis d’enfance ont pour mission de s’embrasser pour les besoins d’un court métrage amateur. Ce baiser fera lever le voile sur des sentiments jusqu’alors insoupçonnés par ces derniers. »
De retour au Canada, ce long métrage témoigne de sentiments universels : amitié, amour, doute, haine. Un film très contemporain, où chacun peut se retrouver. Dolan a d’ailleurs indiqué sa volonté de vouloir mélanger différentes classes sociales, également d’explorer des personnages qui ne sont pas nécessairement gay.
On retrouve cette idée d’histoires entremêlées avec celle souvent qualifiée comme étant « sa mère à l’écran », l’actrice Anne Dorval. Mais loin d’une mère courageuse et aimante comme Diane dans Mommy, nous trouvons ici Manon. Mère de Maxime (interprété par Dolan lui-même, qui plus est), souffrant de dépression et de différentes addictions, offrant aux spectateurs la vision d’une relation très conflictuelle où la figure maternelle ne semble pas plus agréable qu’une balle dans le crâne. Au sein du film, cette relation fonctionne, au lieu d’exister. L’excellente Dorval signe une fois de plus une belle performance.
Néanmoins, pas de grande innovation, le sujet étant assez récurrent dans les films du réalisateur.
Une recherche de soi
Pas de grande innovation non plus dans la thématique profonde du film, celui-ci nous plongeant dans le microcosme d’une relation homosexuelle inavouée. Tout au long des deux heures proposées, nous suivons en parallèle la vie des deux protagonistes, suite à ce fameux baiser, faisant face à leurs problèmes et à leurs doutes.
Sans être innovant, Dolan réalise néanmoins une belle introspection à travers le personnage de Matthias, interprété par Gabriel d’Almeida Freitas, un acteur, humoriste, scénariste et surtout très bon ami du réalisateur. Et c’est là la force de ce film : les personnages sont joués par ses amis, sont les gens avec qui il a grandit et cette complicité se retrouve à l’écran. Plongé au milieu de leur groupe social, les tensions provoquées à la suite de ce baiser se ressentent facilement. Le développement est axé sur nos deux personnages éponymes (jusque là, rien d’étonnant) mais ne laisse pas en reste les autres personnages qui, bien que peu voire pas développés, ont leur place et leur importance.
Au delà d’un film sur l’amour et l’amitié, nous retrouvons une véritable quête de soi, au sein d’un groupe où chacun s’est déjà accepté. La cicatrice du personnage de Maxime cristallise cette idée : tout au long du film, aucun de ses amis ne lui fait remarquer ou ne lui pose de question. Cette tâche rouge recouvrant la moitié de son visage est comme invisible aux yeux de ceux-ci, car il est accepté tel qu’il est.
Jouer la comédie ou faire son cinéma ?
Le réalisateur ne s’est pas limité aux cinémas parisiens pour les avants premières et s’est rendu dans la capitale Girondine vendredi dernier afin d’échanger autour du film devant quelques salles bordelaises. Lors de cet échange, Dolan s’est confié sur ses débuts, sur ses projets et autres anecdotes autour de son cinéma. On débrief en plusieurs points.
- Matt et Max : Ça, c’est le titre qu’aurait dû avoir son film. Pas de chance, l’équipe fut contactée par un salon de coiffure du même nom, demandant de le changer, par peur de confusion entre les deux. Si vous le dites.
- Anne Dorval, sa mère à l’écran : Et bien, non. Le réalisateur a exprimé ne pas aimer ce terme puisqu’il ne le ressent pas comme ça. Il la qualifie plutôt comme étant sa soeur. On prend note.
- J’ai tué ma mère et les débuts : Il y a 10 ans de ça, sortait le premier long métrage de celui qui sera qualifié de prodige du cinéma. À tout juste 20 ans, Xavier Dolan sera invité à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes où son tout premier film recevra 3 prix sur 4. Pas mal. Toutefois, ce dernier s’est confié sur la difficulté à s’intégrer qu’il a rencontré aux premiers diners huppés, entourés d’autres cinéastes : il fut tout simplement ignoré, à la limite de la méprise. Il lui aura fallu attendre Mommy en 2014 (5 ans, c’est long) pour que les autres viennent lui parler : « J’étais surpris, je m’étais vraiment fait à l’idée que c’était normal de ne pas ce parler dans ce milieu ». Dur dur, le cinéma.
- Le 9ème film, il est pour bientôt ? : Ça, c’est la question qui a le mérite d’être posée. Dolan s’est prononcé sur le fait de vouloir jouer plus, ce qu’il a du mal à faire dans ses propres films. Notre québécois préféré explique ne pas réussir à quitter la peau du réalisateur lorsqu’il joue dans ses propres scènes, analysant les moindres détails aux alentours, n’ayant nul autre à satisfaire sur le plateau que lui-même. « J’ai fait de mon mieux », indique-t-il tout de même aux spectateurs. Se donner au max pour un prochain rôle, sous la tutelle d’un ou d’une autre réalisatrice, serait donc prioritaire dans ses objectifs proches, lui qui aimerait freiner la cadence sur la réalisation pour ne sortir des films que tous les deux ou trois ans. Une chose est sûre, nous avons hâte de le retrouver à l’écran.
Jade Seneca
Crédits photo : Les films Séville / Diaphana
Étudiante en information communication et amoureuse du 7ème art. J’écris parfois, j’observe souvent. Jamais sans café et passion.
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