Le 7 novembre dernier, le gouvernement a engagé la responsabilité de son gouvernement en déclenchant l’article 49.3. Il s’agit du 16ème depuis l’entrée en poste de Mme Borne et le 5ème depuis la rentrée gouvernementale de septembre. Suite à la période de la réforme des retraites, ses utilisations sont de plus en plus décriées invoquant la brutalité démocratique de la Macronie. Mais qu’en est-il réellement ?
C’est une fin d’année qui s’annonce tumultueuse pour Renaissance. Depuis septembre, des centaines d’articles ont fait couler l’encre sur un sujet commun : l’article 49.3. Cet article permettant le passage d’une loi sans vote à l’assemblée est érigé en spécialité du gouvernement d’Elisabeth Borne par ses opposants. Si ladite loi est tout de même examinée par la suite au Sénat, celle-ci ne constitue pas de frein pour le parti Renaissance. Depuis les dernières élections du 24 septembre 2023, la majorité au sein du Sénat se situe à droite, tout comme la politique suivie par le gouvernement. Les lois sont donc quasiment systématiquement adoptées suite au déclenchement de l’article.
Des obstacles superficiels
Un seul moyen pour contrer ce passage en force : les motions de censure. Celles-ci doivent être votées par la majorité de l’Assemblée nationale pour permettre d’obliger la démission de la première ministre et de son gouvernement, donnant lieu à de nouvelles élections. Cette solution paraît inenvisageable au vu de la profonde fragmentation des différents partis élus. La réforme des retraites a d’ailleurs été la preuve de l’échec des partis à se rallier pour une même cause. Face à une macronie se clamant centriste bien que profondément ancrée à droite, les différents partis élus sont de plus en plus soucieux de s’affirmer. C’est pourquoi les compromis entre partis situés à différentes places de l’échiquier politique sont impossibles. Les motions de censure n’étant pas destinées à devenir l’arme de l’opposition, l’utilisation du 49.3 ne rencontre plus d’obstacle si ce n’est son nombre d’utilisations limitées.
Depuis 2008, le déclenchement de l’article est limité à un usage par texte sur une session parlementaire (d’octobre à juin). Il est facile de se rendre compte du dépassement de ce quota par le gouvernement. Comment l’expliquer ? Il s’agit d’exceptions. Concernant les projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, le nombre d’utilisation des 49.3 est illimité.
Votes du budget, la grande excuse ?
L’accumulation de son utilisation, en particulier ces dernières semaines, s’explique par la période en cours : le vote du Budget 2024. Dans l’agenda parlementaire, la fin d’année est consacrée aux votes des lois de financement pour l’année suivante. C’est une période charnière pour le gouvernement élu puisque l’élaboration du budget donné aux différents ministères trace la ligne politique d’un parti, traduisant l’importance qu’il consacre à chaque domaine. C’est également un défi pour l’Assemblée nationale puisque l’échéance de cette période se situe le 31 décembre au plus tard. Si les députés ne parviennent pas à trouver un accord sur le budget, l’Etat ne pourra ni relever d’impôts ni payer ses fonctionnaires. Ce fonctionnement est dû au fait que ces taxes et salaires doivent être justifiés par l’Etat, puisqu’il s’agit de l’argent des citoyens. Sans justifications, la dépense de celui-ci est impossible. Tous ces éléments amènent donc à une hausse du recours à l’article lors de cette période, et ce, sous toutes les présidences de la Ve République.
Mais la cause principale de cette utilisation massive de l’article 49.3 reste l’absence de majorité présidentielle à l’Assemblée nationale depuis les dernières élections législatives. Durant le second quinquennat d’Emmanuel Macron, le gouvernement présidentiel peine à réunir ne serait-ce qu’une majorité relative. Par peur de voir leur proposition de loi contrée par un non-majoritaire, le gouvernement d’Elisabeth Borne préfère le passage en force.
Dans le contexte du Budget 2024 et notamment du 7 novembre, Elisabeth Borne invoque la lenteur de la procédure « Nous ne pouvons pas priver la France de budget ». Cette défense est critiquée par certains opposants et notamment au nom de l’article 47.1. Celui-ci impose un temps limité de discussion concernant les votes de loi budgétaire afin d’éviter un blocage des fonds de l’Etat passé le 31 décembre. On compte 20 jours de discussion à l’Assemblée nationale par projet de loi, et 15 jours d’étude de la loi au Sénat, l’ensemble ne doit pas excéder 50 jours maximum. Le gouvernement annonce donc une ligne de conduite claire ; les compromis ne se feront pas sur le budget.
Une spécialité macronienne ?
La cause du ras-le-bol général n’est pas tant le recours au 49.3, mais plutôt son utilisation par le gouvernement Borne. Un telle utilisation a déjà été observée chez le gouvernement de Michel Rocard, sous Mitterrand, sous le regard quasiment indifférent de la population française. La grande différence entre les deux situations se situe à l’intérieur de l’hémicycle. Lors du second quinquennat de Mitterrand, son gouvernement bénéficiait d’une majorité relative stable. Autrement dit, l’absence de majorité absolue n’entraîne pas de crise démocratique puisque le gouvernement arrivait souvent à parvenir à une majorité relative en ralliant plusieurs députés. Le cas échéant, l’écart entre le pour et le contre ne se limitait qu’à quelques voix près. Le 49.3 était, dans ces cas-là, utilisé comme procédure administrative facilitée, ne servant qu’à accélérer un processus.
En 2023, il n’est plus question de majorité relative. Dans l’intention de gagner des votes de part et d’autre des bancs de l’assemblée, le gouvernement aurait mené à sa propre perte. Trop à droite pour la gauche et trop à gauche pour la droite, la stratégie du gouvernement s’essouffle. L’utilisation de l’article, vitale pour un gouvernement souhaitant imposer ses idées coûte que coûte, est à présent perçue comme la violence d’un mouvement, méprisant l’avis des élus.
L’utilisation du 49.3, de plus en plus régulière, serait-il le premier mal d’une démocratie en souffrance ?
Crédits photo : Parti Socialiste -Flickr
Étudiante en L2 Information et communication, j’aime tout ce qui touche de près ou de loin à l’art et à la politique. J’écris ici pour entraîner mon écriture et mon esprit critique. Bonne lecture !
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