Après la récente rétractation d’une quinzaine d’établissements scolaires du plan d’expérimentation de l’uniforme à l’école, le célèbre marronnier fait son retour dans l’actualité. L’occasion d’analyser, en profondeur, les problèmes et questions sous-jacentes que pose cette réforme. L’uniforme constituerait-il la nouvelle poudre aux yeux du gouvernement ?
Ce jeudi 15 février, une quinzaine d’établissements scolaires en listes pour tester l’uniforme à l’école à la rentrée 2024 auraient fait marche arrière. Ces déclarations feraient suite à des avis défavorables d’élèves ainsi que de parents d’élèves concernant le sujet. Une actualité qui met à nouveau l’uniforme et sa potentielle utilité au cœur de tous les débats. L’expérimentation avait été annoncée en octobre dernier par Gabriel Attal, à ce moment-là ministre de l’éducation, et confirmée par le Président lui-même le 20 janvier 2024. Une centaine d’établissements scolaires étaient concernés. Durant cette période d’essai, M. Attal a déclaré qu’un suivi scientifique serait assidûment mené auprès des élèves afin d’évaluer l’impact de l’uniforme sur le climat scolaire. Cette décision n’est pas au goût de tous, notamment de l’opposition, qui dénonce une expérimentation inutile.
Sur le papier, l’uniforme permet aux enfants de gommer les différences, comme le scandent ses partisans. L’uniforme aurait tout de même des vertus, plutôt superficielles. Plusieurs chercheurs s’accordent à dire que la tenue unique permettrait de lutter contre la jalousie vestimentaire (marque, état des vêtements, nouveauté…) ainsi que la compétitivité entre élèves pour être le mieux habillé. Mais est-ce réellement le cœur du problème ? Les arguments du gouvernement sont clairs, avec l’uniforme, ils espèrent une baisse de violence et de harcèlement entre élèves et moins de discrimination pour les enfants issus de milieux défavorisés. Pourtant, les sociologues s’accordent tous sur un point, aucune étude ne va en ce sens. Une étude réalisée en 2022 par l’Université d’Etat de l’Ohio assure même que l’uniforme n’aurait pas d’influence sur la violence intra élèves.
Concernant les inégalités sociales, là aussi, l’uniforme n’apparaît pas comme une réelle solution. Le président lui-même avait déclaré en septembre 2023 «Je ne pense pas que l’uniforme ou la tenue scolaire unique soient la solution magique qui permette de régler tous les problèmes de harcèlement, de laïcité, d’inégalités sociales». On observe d’ailleurs que dans beaucoup de pays ayant adopté l’uniforme, les élèves se distinguent par leurs accessoires, sacs ou téléphones. Michel Tondellier, sociologue et chercheur à l’université des Antilles, avait expliqué en ce sens « Votre être social est défini par votre éducation, votre origine, votre manière de parler […] En deux minutes, les élèves savent de quel milieu vient l’enfant qu’ils ont en face d’eux. ». Il semble donc assez illusoire de régler le problème de la précarité infantile par un vêtement. Certains soulèvent même le fait qu’un uniforme national soulignerait les différences entre écoles publiques et privées. Cela pourrait encourager les familles les plus aisées à préférer le privé en délaissant le secteur public, déjà en crise.
Un développement atrophié
L’uniforme pose également un autre problème ; l’expression de la personnalité des élèves. L’enfant ou l’adolescent cherche à se différencier ou à rentrer dans un groupe distinct pour s’imposer en tant que personne. Cela passe par l’expression vestimentaire et physique de l’individu, lors des premiers axes de sa construction. Si l’enfant ne possède plus cette liberté, cela pourrait biaiser son parcours de socialisation secondaire et déboucher sur un manque de repères. Selon l’étude de 2022, il se pourrait aussi que cette uniformisation éloigne les élèves entre eux. D’après l’auteure principale de cette étude, Arya Ansari « La mode est une façon pour les élèves de s’exprimer, et cela peut constituer une partie importante de l’expérience scolaire. Lorsque les étudiants ne peuvent pas montrer leur individualité, ils peuvent ne pas se sentir autant à leur place ». La construction des élèves serait alors mise à mal par l’introduction de l’uniforme obligatoire.
Les questions d’expression de genre ont elles aussi été questionnées. Les modèles d’uniforme ont été révélés par Le Figaro en janvier dernier ; jean et polos pour tous·tes. Cette annonce fait ainsi clore le débat des jupes et des pantalons qui poserait problème dans un temps où les genres binaires sont remis en question. Cette solution est tout de même à nuancer puisque l’égalité des tenues ne pourra peut-être pas constituer une réelle solution quant au malaise des personnes transgenre ou non-binaire dans leur expression de genre.
Un coût au cœur des préoccupations
L’opposition dénonce aussi une opération coûteuse en pleine crise du secteur public. D’après France Info, un kit complet a été évalué à hauteur de 200 euros par élève (contenant plusieurs polos, pulls et pantalons). Tout sera pris en charge à moitié par les collectivités et par l’Etat. Une bonne nouvelle pour les familles, qui peine à réjouir les membres du secteur public. D’après l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales, un enfant scolarisé dans le secteur public primaire coûterait aux alentours de 1000 euros à l’Etat. Selon certains syndicats enseignants, 200 euros supplémentaires par élève seraient scandaleux dans cette période où baisse de consommation et restrictions font partie du quotidien du personnel. Le syndicaliste Thierry Grignon, interrogé par Mediapart, émet aussi des doutes quant au projet de financement sur la durée « L’État participe… au début et puis il quitte la table, c’est assez classique […] Or les collectivités ne pourront jamais l’assumer seules. ». L’uniforme est donc encore loin de faire consensus.
Après les récentes déclarations du gouvernement sur les tenues dites républicaine ou encore l’abaya, cette expérimentation pose une question. L’uniforme ne serait-il pas, sous réserve de “valeurs républicaines”, un moyen pour le gouvernement d’exercer un contrôle plus drastique sur l’expression individuelle des futur·es citoyen·nes ?
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Étudiante en L2 Information et communication, j’aime tout ce qui touche de près ou de loin à l’art et à la politique. J’écris ici pour entraîner mon écriture et mon esprit critique. Bonne lecture !
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