Après un an et demi de négociations, Commission Européenne et Parlement Européen sont tombés d’accord : le texte du Digital Services Act a été validé le samedi 23 avril dernier. Cette nouvelle législation « historique » vise à responsabiliser les plateformes du numérique et, à terme, en faire des espaces mieux régulés.
Désinformation, contrefaçons et discours de haine
N’importe qui peut faire face à ces dérives d’Internet en surfant sur la toile. Si ces phénomènes existent d’abord dans la vie réelle, le monde numérique est propice à leur développement ; car c’est bien connu : derrière un écran, on se sent plus puissant. Les réseaux-sociaux en particulier abritent un nombre incalculable de contenus malsains, tels une véritable jungle du numérique. Mais sur le net, difficile de punir tout le monde. Chaque semaine, des milliers de publications sont déjà régulées par les plateformes comme Twitter, Facebook, ou Instagram, mais il ne s’agit là que d’une minorité des signalements opérés. En 2021, la Commission Européenne rendait un rapport affirmant que plus d’un tiers des contenus haineux signaléssur les principaux réseaux-sociaux n’étaient pas supprimés. Alors pour remettre de l’ordre sur la toile, l’Union Européenne s’est emparée de cette problématique jusqu’à l’adoption le samedi 23 avril dernier d’une nouvelle législation sur ces espaces numériques.
Le Digital Services Act (DSA) constitue une décision « historique » selon Ursula Van Der Leyen, Présidente de la Commission Européenne. L’objectif : mettre en application le principe indiquant que tout ce qui est illégal hors ligne et aussi illégal en ligne. Pour cela, le DSA agit sur plusieurs axes.
Responsabiliser les plateformes
Avec le DSA, les plus grands acteurs du numérique tels que Facebook, Google, et Twitter (entre autres) seront tenus de supprimer eux-mêmes les contenus illégaux prenant place sur leurs espaces. Désormais, si des signalements sont opérés par une autorité judiciaire ou administrative – la CNIL, par exemple – les plateformes seront obligées de supprimer les contenus visés. Mais cette obligation s’appliquera également à tout contenu illicite connu des plateformes. Légalement, ces entreprises se verront ainsi contraint d’appliquer leurs responsabilités plus fermement. De même, un utilisateur violant régulièrement la loi sur un réseau-social devra être suspendu par celui-ci. Des mesures qui semblent élémentaires, mais qui n’étaient jusqu’à maintenant pas suffisamment appliquées. Avec cette réforme, ce sont tous les discours de haine, de désinformation, et autres contenus illicites que les plateformes seront contraintes de mieux contrôler.
Lutter contre la contrefaçon et les pratiques frauduleuses
Dans cette continuité, le DSA tend aussi à réguler les pratiques de vente en ligne illicites. Parmi elles figurent notamment la contrefaçon et la vente de produits défectueux. Les plateformes seront en effet obligées de contrôler davantage l’identité des fournisseurs afin de s’assurer que les ventes opérées sur leurs espaces ne soient pas frauduleuses. Ce point concerne particulièrement les grands distributeurs en ligne comme Amazon, Cdiscount, ou Rakuten, et vient en complément du Digital Markets Act, qui se focalise sur les pratiques anticoncurrentielles. Outre le contrôle renforcé des ventes en ligne, lesdark pattern, ces interfaces trompeuses seront également proscrites. Il s’agit de pop up, des éléments pouvant apparaître sur l’écran des utilisateurs, qui sont construits de sorte à piéger ces derniers. En les utilisant, certains sites manipulent les navigateurs jusqu’à les faire souscrire à des abonnements involontairement. En luttant contre ces pratiques, l’expérience utilisateur sera plus sûre et sécurisée.
Imposer davantage de transparence
Parmi les éléments ciblés par le Digital Services Act, on trouve aussi les algorithmes utilisés par les plateformes comme les réseaux-sociaux, pas toujours clairs aux yeux des utilisateurs. Avec cette nouvelle législation, les géants du numériques devront être davantage transparents quant au fonctionnement de leur algorithmes de recommandation, c’est-à-dire la manière dont sont utilisées les données des utilisateurs pour les rediriger vers un contenu. De même, certains éléments comme la sexualité ou les opinions politiques ne seront désormais plus utilisables pour parvenir à des fins de ciblages publicitaire. Les plateformes concernées par cette mesure sont notamment celles comprenant plus de 45 millions d’utilisateurs, telles que les géants numériques des GAFAM. Pour vérifier leur bonne application de cette réforme, elles devront publier des rapports réguliers sur la modération de leur contenu et feront l’objet d’un audit une fois par an. Les plateformes seront également placées sous la surveillance de la Commission Européenne, qui aura la possibilité de leur infliger une amende s’élevant jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires annuel. En parallèle, l’UE institue la création de « Coordinateur des services numériques » au sein de chaque état membre, chargés de veiller au respect de cette réglementation.
Le Digital Services Act contient de véritables leviers pour mieux contrôler les espaces numériques, néanmoins il faudra attendre 2024 pour le voir en application. Reste à voir si les dirigeants des plateformes concernées respecteront leurs engagements. Elon Musk, patron de Twitter depuis peu, ne semble en effet pas sur la même longueur d’onde : en rachetant le réseau à l’oiseau bleu, le multimilliardaire souhaite en effet lui redonner davantage de liberté, en opposition donc avec l’accroissement de contrôle voulu par l’Europe. Quoiqu’il en soit, le texte du DSA est validé et s’annonce déjà comme un engagement vers des espaces numériques plus sains au sein de l’Union Européenne.
Etudiante en licence information-communication/anglais, je m’intéresse un peu à tout : dessin, peinture, musique, astronomie, langues étrangères… J’aime garder un œil sur le monde qui nous entoure et écrire sur des sujets qui m’accrochent.