A nouveau lors d’une compétition sportive, en l’occurrence la coupe du monde qui a lieu actuellement au Qatar, les sportifs se sont emparés de sujets politiques et sociaux. Pour autant, la politisation du sport existe depuis déjà bien longtemps …
Qatar 2022 : entre affaires sociales et géopolitiques
Ce Mondial au Qatar s’inscrit d’ores et déjà comme un exemple de compétition aux contours à la fois politiques, géopolitiques et sociétaux. Vous l’aurez sans doute deviné, la liste des polémiques qui entourent cette coupe du Monde est très longue : libertés individuelles piétinées, travailleurs étrangers maltraités, ignorance des impacts écologiques. Juste avant de débuter la compétition, la sélection australienne a publiquement diffusé un message accusant ouvertement le Qatar de ne pas respecter les droits humains. De son côté, la sélection danoise a annoncé son intention d’être la moins visible possible lors du tournoi par l’intermédiaire de son équipementier Hummel, qui a dévoilé les nouveaux maillots spécialement conçus pour la Coupe du monde avec comme particularité d’atténuer chaque détail.
C’est donc dans cette lignée que la contestation s’est invitée sur les terrains. Dans un pays où être homosexuel est considéré comme un délit et condamnable par les lois du Qatar, plusieurs sélections ont envisagé à ce que leur capitaine porte un brassard « one love » aux couleurs arc-en-ciel, en soutien à la communauté LGBTQ +. La FIFA n’a pas tardé à réagir et refuse catégoriquement que des joueurs portent le brassard. Si la décision n’est pas respectée, elle n’hésitera pas à prendre des sanctions contre les joueurs et les fédérations. Dans la foulée, réponse de la sélection allemande qui a protesté avec une photo la main devant la bouche avant leur match contre le Japon, pour indiquer qu’ils n’étaient pas libres de s’exprimer. Manque de courage de la part des autres équipes qui ont décidé de ne pas aller dans le sens contraire de la décision prise par la FIFA.
Dans un contexte géopolitique tendu, l’équipe iranienne de football a exprimé son mécontentement vis-à-vis de la politique répressive actuelle de son pays. Avant d’affronter l’Angleterre, les joueurs iraniens ont gardé le silence pendant leur hymne national. Depuis le début du soulèvement en Iran, causé par la mort le 16 septembre de la jeune Mahsa Amini arrêtée par la police des mœurs à Téhéran pour ne pas avoir respecté le code vestimentaire strict imposé par le régime, le refus de chanter l’hymne de la République islamique est devenu l’un des leviers utilisés par les sportifs iraniens. Le 27 septembre dernier, l’équipe nationale avait déjà refusé de chanter l’hymne avant un match amical de préparation à la Coupe du monde.
Le sport : un monde politisé
La politisation du sport ne date pas d’aujourd’hui. En effet, il faut remonter au début du sport moderne. Pierre de Coubertin, alors président du Comité International Olympique, décide en 1899 de créer les Jeux Olympiques modernes avec deux objectifs stratégiques. Le premier est de contribuer à une pacification des relations internationales, tandis que le second est de préparer la jeunesse française aux exercices physiques pour se mesurer à la jeunesse germanique, considérée comme supérieure.
A une époque où le XXe siècle est défini comme une période de violences extrêmes, le sport est un parfait outil politique d’affrontements pacifiques. En effet, durant la Guerre Froide, les Etats-Unis et l’URSS s’affrontent à distance et utilisent le sport pour faire la compétition. Après chaque olympiade, les deux états font le décompte des médailles d’or afin de savoir qui du système capitaliste ou socialiste est le plus efficace.
Pour autant, sport et politique inquiètent certaines instances sportives. Revenons un instant sur le Comité International Olympique qui a toujours soutenu l’idée qu’il ne faut pas les mélanger. Pour cela, le CIO a créé la règle 50 qui vise principalement à interdire toutes démonstrations lors des jeux, car la diffusion d’un message à caractère politique volerait la vedette au vainqueur et ferait oublier les performances des sportifs. Hypocrite de leur part quand on sait qu’ils ont été un acteur majeur de la politisation du sport ? D’autres instances du sport et notamment du football tels que l’UEFA et la FIFA soulignent le fait que les questions extra-sportives ne peuvent pas s’inviter dans les stades. Pourtant, respectivement ces deux instances mènent des luttes contre tous types de discriminations qu’elles soient raciales, sexistes ou encore genrées, de par des slogans et des messages publicitaires.
Des combats menés par les sportifs
Le sport se révèle comme un moyen pour les sportifs de dénoncer des causes politiques et sociales qui leur tiennent à cœur. Pourtant, nombreux et nombreuses se demandent si les sportifs ont réellement leur mot à dire sur des sujets de société. Doivent-ils uniquement se contenter de faire ce pour quoi ils sont payés ? D’un côté, les défenseurs de la neutralité soulignent le fait que le sportif n’est pas indépendant et qu’il dépend d’une équipe, d’une ville et d’un pays, donc par conséquent c’est l’image de ces derniers qu’il représente. De l’autre, les sportifs sont eux aussi des citoyens avec des avis, des valeurs et des principes, avec une médiatisation importante qui permettrait à leur propos d’avoir bien plus d’influence.
Qu’on le veuille ou non, le sport a une grande importance dans de nombreux combats sociétaux. Aux Etats-Unis, le combat le plus connu de tous est celui de la lutte contre le racisme. De la fin du 19e siècle jusqu’aux années 1970, la société était organisée sur la base d’un racisme systémique qui a privilégié les blancs. Considérés comme trop faibles physiquement et moralement pour pratiquer la compétition sportive, les noirs américains utilisent le sport comme un moyen de lutte politique dans le but de combattre les préjugés raciaux et de briser les stéréotypes. On peut ici donner pour exemple le sprinteur Afro-Américain Jesse Owens, qui a offert un démenti cinglant aux préjugés racistes lors des Jeux Olympiques de Berlin en 1936 en gagnant 4 médailles d’or devant Hitler. Toutes les générations connaissent son nom et pourtant nombreux s’en souviennent uniquement pour ses performances. Pourtant, le célèbre boxeur américain Mohamed Ali est l’un des premiers sportifs à avoir pris publiquement position contre le racisme et la ségrégation des noirs aux Etats-Unis. Il a ainsi ouvert la voie à une nouvelle génération de sportifs qui affichent leur engagement.
Avec le temps, de nombreux sportifs se sont mobilisés pour d’autres causes. L’une des plus explicites à l’heure actuelle est celle de la mobilisation contre l’homophobie où l’on peut faire référence notamment aux joueurs de Ligue 1 qui ont abordé des maillots floqués aux couleurs LGBT lors de la journée contre l’homophobie. Nous pouvons également citer la mobilisation contre le pouvoir où de nombreux sportifs, vainqueurs de grandes compétitions, ont refusé de se rendre à la Maison Blanche pour se faire honorer par Donald Trump, en raison d’un désaccord avec sa politique.
Le sport et la politique sont donc rattachés depuis bien longtemps. Cependant, l’expression est variée. Il faut distinguer le fait de soutenir un régime ou un parti politique et le fait de défendre des sujets fondamentaux de notre société.
Pierre-Yves Sellin
Crédit photo : Pexels
Tout comme Thierry Roland ou encore Christian Jeanpierre, je souhaite exercer plus tard mon rêve d’enfance : devenir journaliste sportif. Étudiant en L1 Histoire, je vous partage ma plume à travers mes articles qui j’espère vous plairons. Alors, bonne lecture !
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