Serial killers : entre condamnation et fascination

Depuis l’avènement du streaming et des séries, les serial killers ne sont plus aussi énigmatiques. Considérés longtemps comme des monstres, les voilà maintenant humanisés, parfois même idéalisés à travers nos représentations modernes. La lumière est enfin mise sur ces Hommes de l’obscur.

 

Insaisissables, brillants, manipulateurs, méthodiques, les tueurs en série sont d’apparence banale, animés par le syndrome « du garçon d’à côté », véritables citoyens modèles.

90 % de ces personnages hors normes sont des hommes, généralement issus de la classe moyenne, entre 20 et 40 ans et de couleur blanche. 68 % ont subi un traumatisme ou des maltraitances dans l’enfance. Ce ne sont pas de « simples » meurtriers. Réitérant leurs actes en conscience, ils ne laissent rien au hasard.

Selon le Centre international de Sciences criminelles, les serial killers sont couramment répartis en deux catégories : « le tueur organisé/ psychopathe », génie, minutieux et méthodique, il aurait tendance à agir pour son désir profond de tuer et détruire, et le « psychotique/inorganisé », atteint de troubles psychologiques et précipité, il passerait à l’acte sous la dominance de ses pulsions, sans réelle motivation. Cette distinction est d’importance, notamment devant un tribunal où elle peut représenter des circonstances atténuantes, voire même, déresponsabiliser le tueur.

 

Les profils de tueurs en série

Source : Behavioural Scient Unit, Centre international de Sciences criminelles de Paris, National Center for the
Analysis of Violent Crime

 

Nouveau héros populaire au cinéma

Nous sommes nombreux à avoir été émerveillés devant l’immense génie du tueur en série de Seven, joué par un Kevin Spacey grandiose, à avoir reconnu le charisme de Ted Bundy dans Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile ou la manipulation de Ed Kemper dans la série Mindhunter. Toutes ces œuvres dites populaires qui dépeignent le portrait de serial killers, s’alimentent des techniques du 7ème art pour donner un air séducteur à leur personnage. Le public peut parfois oublier la frontière entre une fiction, une réalisation tirée de faits réels et la cinglante réalité. L’avènement de Netflix et plus globalement du cinéma américain, ficelé par des effets spéciaux novateurs et du sensationnel facilite l’intégration de ces tueurs dans notre paysage médiatique aujourd’hui. Sur les 50 films les plus populaires avec pour thème central les serial killers, plus de la moitié datent au minimum de 2016*. D’autres films à succès planétaire, plus antérieurs, ont été vivement salués par la critique et s’inscrivent comme des chefs d’œuvre incontournables : Usual Suspect (4 prix, 5 nominations), Seven (3 nominations), Le Silence des Agneaux (9 prix et 18 nominations) ou encore American Psycho, avec pour point commun, un tueur en série charismatique et réfléchit en tête d’affiche.

 

*(source : Senscritique et Allociné)

 

L’image du serial killer : rappel à l’ordre de Netflix

Le public semble s’approprier l’identité du tueur, pour l’idéaliser et rendre humain en lui ce qui ne l’est pas. Les réalisateurs avouent pourtant transformer leurs sujets sous la lumière des projecteurs pour les rendre plus haletants, plus conformes aux codes cinématographiques, étouffant une vérité bien plus choquante. D’autant plus que le type de tueur le plus représenté au cinéma est de loin le tueur organisé. Ses prouesses intellectuelles et ses actes inexpliqués de manière rationnelle font de lui un personnage intrigant. Le tueur en série devient un méchant idéal, aux caractéristiques plus réelles qui hypnotise les spectateurs au même titre qu’un Joker ou qu’un Dark Vador. Il serait donc plus exact de remarquer une fascination, non pas pour les tueurs eux-mêmes, mais pour une représentation qu’on en fait. Netflix a récemment rappelé ses abonnés à la raison en tweetant sur le charme de Ted Bundy qui provoquait de l’excitation chez de nombreux internautes depuis son biopic sorti en 2019.

 

Source : Compte Twitter de Netflix @netflix 

 

Pourquoi le serial killer nous fascine autant ?

« Si les tueurs en série nous fascinent, c’est précisément parce qu’en dépit de leurs crimes atroces, ils restent à notre image. » – Jacques Vegès – Les sanguinaires

 

S’ils nous intriguent autant, c’est parce que les tueurs en série viennent soulever des questionnements enfouis au fond de nous. Leurs actes, illustrés dans des œuvres, ne feraient-ils pas mesure de catharsis pour nous qui regardons ? Ces individus sont les bêtes noires d’une société moderne, les loups de nos campagnes. L’être humain d’aujourd’hui, dominé par une curiosité morbide, est attiré à la fois par la brutalité et l’intelligence. Un tueur en série est un Homme. Un Homme qui a cessé d’écouter sa police intérieure, un Homme qui a fait sauter les verrous de son âme et qui s’adonne à ses pulsions. Certains traits du serial killer sont inhérents à l’humanité : le désir de posséder et de contrôler, la réponse immédiate aux pulsions, le besoin d’être reconnu.

Ce qui nous fascine chez ces tueurs n’est pas qu’ils divergent autant de nous par la nature de leurs actes, mais bien qu’ils nous ressemblent autant dans le fond. Qu’est-ce-qui différencie un chasseur et un tueur en série ? Il semblerait que ce soit la valeur de la vie ôtée, répondant à un décret tacite dont l’espèce humaine s’est mise d’accord pour hiérarchiser les êtres vivants. Le chasseur ne ressent-il pas lui aussi une certaine satisfaction en abattant un gibier, en lâchant ses chiens ? N’avons-nous jamais délibérément écrasé des fourmis en étant petit, dans la toute-puissance, juste pour voir « ce que ça fait » ? Partant de ce principe, nous étions des tueurs en couche.

Un tueur en série, lui, déshumanise complètement sa victime, l’empathie ne lui étant pas propre. Il est un amas de pulsions qui peut sévir en chacun de nous. S’intéresser à eux, c’est se pencher sur nos parties humaines inavouables, la monstruosité comme la bonté sont des possibles de l’âme, propres à l’humain.

Avec la normalisation de la violence sur tous nos écrans et l’attirance pour le sensationnel, certains d’entre nous déforment leur regard sur le tueur en série. Ce dernier, à travers ses actes, tente en vain de purger sa violence, de raconter une histoire. Mais comprendre ne signifie pas tolérer. S’ils nous fascinent, c’est parce que les serial killers sont une dérive de ce que nous aurions pu être, entre horreur et génie.

 

Ted Bundy, tueur en série responsable de l’enlèvement, viol et meurtre d’environ 36 femmes

 

Aryel Camus

 

Source photo : Anthony Hopkins, interprétant le célèbre personnage d’Hannibal Lecter dans Le Silence des Agneaux, serial killer intelligent et charismatique

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