Dans la nuit du 4 novembre, l’ouest du Népal a été frappé par un séisme de magnitude 5,6. Dans cette région isolée, le relief ralentit le travail des secouristes. Plusieurs équipes scientifiques réfléchissent aujourd’hui à des solutions innovantes pour accompagner les opérations de sauvetage difficiles.
Le dernier bilan des autorités fait état de 157 morts et 250 blessés. Rukum et Jajarkot sont les deux districts les plus touchés. Situés en plein cœur des montagnes, à la croisée des chaînes du Maha Bhârat et de l’Himalaya, ils ne se trouvaient qu’à quelques kilomètres de l’épicentre. Ces deux villages, en première ligne face au séisme, sont aujourd’hui quasiment rayés de la carte.
La région ouest du Népal est composée d’un ensemble de petits villages escarpés implantés sur les premières hauteurs de l’Himalaya. Ils sont souvent reliés entre eux par des routes sinueuses. Le relief constitue un véritable défi pour les secours qui peinent à parvenir par le sol aux zones touchées. Comme le souligne le porte-parole de la police de la province de Karnali, Gopal Chandra Bhattarai, « L’isolement des districts rend difficile la transmission des informations. Certaines routes sont bloquées à cause des dégâts, mais nous essayons d’atteindre la zone par d’autres voies. »
Une population particulièrement vulnérable
La catastrophe est d’autant plus dévastatrice que la structuration des habitations dans la région ne permet pas aux bâtiments de résister à de telles secousses. Le Népal figure encore sur la liste des quarante-six pays les moins avancés du monde selon l’ONU. Son économie est en difficulté et une grande partie de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté. Dans de petits villages comme Jajarkot, les constructions sont donc loin des normes sismiques que nous connaissons en Europe. Les habitations sont faites de pierres empilées sans structure solide, ce qui rend la zone extrêmement vulnérable en cas de catastrophes naturelles.
Malgré le soutien affiché par l’Inde, la reconstruction s’annonce longue et coûteuse pour les habitants de Rukum et Jajarkot.
Une région déjà fortement touchée en 2015
Le séisme du 4 novembre est le plus meurtrier au Népal depuis celui de 2015 qui avait tué plus de 9000 personnes dans la région de Katmandou. Suite à ce tremblement de terre de magnitude 7,8, un demi-million d’habitations avaient été détruites, ainsi que des monuments classés au patrimoine mondial de l’UNESCO et des palais royaux.
Pourquoi la région est-elle touchée par des séismes à répétition ? Le Népal, dont le territoire est principalement occupé par l’Himalaya, se trouve à la frontière de deux grandes plaques tectoniques : la plaque indienne et la plaque eurasienne. Tout le sud du pays est longé par cette frontière qui forme une faille géologique majeure. Les mouvements constants de ces plaques sont ce qui favorise les séismes.
De toute évidence, une catastrophe naturelle ne peut pas être évitée. Mais dans une région où un tel risque sismique menace en permanence la population, des spécialistes en sismologie se penchent sur la question de la prévention. Si nous ne pouvons pas déplacer les populations, nous pouvons au moins prévoir un éventuel tremblement de terre suffisamment tôt pour protéger la vie des habitants.
La science pour la prévention…
Le domaine de la sismologie est encore en pleine expansion à ce jour : les découvertes et innovations s’interrompent jamais. Le laboratoire français GéoAzur a notamment proposé cette année un système d’alerte plus performant en cas de séisme sous-marin. Celui-ci permettrait une meilleure anticipation des tsunamis.
Deux chercheurs de ce laboratoire, Quentin Bletery et Jean-Mathieu Nocquet, ont su démontrer grâce aux mesures de stations GPS haute-précision que « les failles commencent à glisser, en moyenne, quelques heures avant les grandes ruptures sismiques. » Pour l’instant, les alertes sismiques ne se déclenchent qu’une fois que le séisme a débuté. L’existence d’une phase préliminaire à la rupture de la faille n’avait pas été démontrée jusqu’à la publication de GéoAzur en juillet 2023. Cette nouvelle découverte pourrait sauver de nombreuses vies en anticipant les catastrophes de plusieurs heures.
…Et le sauvetage
Nous avons pu le constater au Népal, tout comme au Maroc en septembre : l’un des enjeux principaux lorsqu’un séisme frappe est le sauvetage des victimes. Ensevelies sous les gravats, elles ne sont parfois secourues qu’après plusieurs jours de fouilles. C’est la raison pour laquelle le projet « Cursor » a vu le jour. Cette initiative, basée sur le développement de nouveaux modèles de robots et de drones, résulte d’une coopération scientifique internationale. Dans l’espoir de venir en aide plus efficacement aux victimes de séismes, la Commission européenne et l’Agence scientifique et technologique japonaise se sont associées pour cofinancer les travaux du programme Cursor.
Ce ne sont pas moins de six nouveaux appareils de haute technologie qui ont été conçus pour le projet, puis testés lors d’un exercice grandeur nature à Athènes en 2022. Des équipes de secouristes et des scientifiques de toute l’Europe et du Japon se sont alors déplacés pour coordonner l’exercice.
Parmi les quatre drones mis au point, un drone de transport servirait à faire parvenir des kits de secours et de la nourriture sur les lieux. Un autre permettrait de cartographier la zone même à travers des surfaces solides grâce à un radar pénétrant. Les images peuvent également être modélisées en 3D par un autre type de drone.
Si l’on s’intéresse aux innovations du programme Cursor, on pourrait bien penser que d’ici quelques années, les robots feront partie intégrante des équipes de secours en cas de catastrophe naturelle. Le « Smurf », un robot miniature très mobile, serait capable de détecter des particules d’urine, de sang ou de transpiration pour retrouver les personnes ensevelies. Équipé de caméras et de micros, il guiderait alors les secouristes à travers les décombres. Le Géophone, quant à lui, est un outil de mesure de vibrations qui capte les tapotements émis par les victimes pour compléter le rôle du Smurf.
Les travaux de GéoAzur et du projet Cursor sont porteurs d’un nouvel espoir pour les régions exposées au risque sismique, comme le Népal. En attendant que ces technologies soient mises à la disposition de l’Etat, le Népal compte sur la solidarité de ses voisins pour reconstruire les villes décimées.
Crédits photo : Gérard Martin
Étudiante en L2 information-communication et, avec un peu de chance, future journaliste. J’écris pour le plaisir, alors pourquoi pas le faire aussi pour Pop-Up !