Mahsa Amini, jeune iranienne de 22 ans, a été arrêtée par la police des mœurs le 13 septembre 2022 à Téhéran pour « port de vêtement inapproprié ». Décédée à la suite de cette arrestation, les Iraniens se soulèvent dans tout le pays et clament leur liberté.
Mort de Mahsa Amini : la colère gronde
Mahsa Amini est décédée le 16 septembre 2022 dans un hôpital de Téhéran. Trois jours auparavant, la police des mœurs l’a arrêtée car elle ne portait pas son voile aux normes imposées par le gouvernement iranien. Celle-ci doit être hospitalisée à la suite de cette arrestation. La police maintient qu’il s’agit d’un problème cardiaque tandis que le peuple conteste cette version des faits et dénonce des violences infligées à la jeune fille par les autorités iraniennes.
Cet événement a suscité la colère du peuple iranien. Depuis le 16 septembre, des soulèvements contre le gouvernement ont lieu dans différentes villes du pays comme à Téhéran, Machhad ou encore à Tabriz. Les revendications exposées par les manifestants posent la question du droit des femmes mais aussi de la crise économique et de la compression de la classe moyenne iranienne dont les libertés étriquées ne garantissent pas leur plein épanouissement. Les hommes se mobilisent aux côtés des femmes, pour lutter contre les inégalités qui régissent le pays.
L’ONG Iran Human Rights recense au moins 150 morts depuis le début du mouvement protestataire.
Le voile : geai moqueur de la lutte en Iran
Dans les années 1950 à 1979, le port du voile n’était pas obligatoire en Iran. Pourtant, la majorité des femmes décidaient de se voiler. Depuis la fin des années 70, elles n’ont plus cette liberté de choix. Rendu obligatoire pour toutes les femmes dans l’espace public en 1983 par le Parlement iranien, le voile est devenu le symbole du mode de vie islamique. La police des mœurs a été créée en 2005 afin de contrôler et d’imposer plus drastiquement les règles liées à la tenue vestimentaire des femmes et au port du voile.
Lors des manifestations, les femmes brûlent et brandissent leur voile, tandis que la foule clame « Femme, vie, liberté ». À travers ce geste, elles montrent leur « empowerment ». Elles touchent la substantifique moelle de la société iranienne, luttant ainsi contre le régime idéologique et l’apartheid de genre existant au sein du pays.
Un cri d’alerte qui retentit aux quatre coins du monde
Cette tragédie a dépassé les frontières de l’Iran. Des manifestations en soutien au peuple iranien se multiplient partout dans le monde. Paris, New York, Londres, Madrid… Tel un miroir, la situation des Iraniens reflète l’instabilité du droit des femmes que possèdent nos sociétés occidentales. Simone Veil disait : « Il suffira d’une crise politique, économique et religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez demeurer vigilante. » Cette citation retentit en Iran, mais aussi ailleurs, comme aux États-Unis ou la cour suprême a décidé de révoquer le droit à l’avortement le 24 juin 2022.
Un rapport médical publié par les autorités iraniennes dédouane la police des mœurs
Le 7 octobre 2022, le gouvernement iranien a affirmé lors d’un rapport diffusé à la télévision iranienne que Mahsa Amini est morte à la suite d’ « une défaillance d’organes multiple, causé par une hypoxie cérébrale ». Les séquelles d’une intervention chirurgicale pour une tumeur cérébrale qu’a subie la jeune fille à l’âge de 8 ans, seraient à l’origine de cette défaillance. Le gouvernement iranien dédouane ainsi la police des mœurs de toute implication dans le décès de Mahsa Amini.
Et si on nous lâchait le chiffon ?
Depuis des siècles, on dicte aux femmes comment s’habiller pour mieux les contrôler. Souvent de manière implicite, le code vestimentaire sert à évaluer la valeur d’une femme en fonction des attentes d’une société donnée. Même au sein des démocraties on retrouve cette injonction vestimentaire, reléguant les femmes au rang d’objet. Une jupe trop courte tu porteras, pute tu seras. D’un pantalon trop ample tu te vêtiras, sainte nitouche tu deviendras. Un « Male Gaze »[1] omniprésent qui bride de manière insidieuse la liberté des femmes.
Comme le dit si bien l’artiste contemporaine Eva Kotatkova « Mon corps n’est pas une île. Mon corps n’est pas une île sur laquelle vous pourriez vous promener sans invitation. Mon corps n’est pas une île que vous pourriez coloniser ».
[1] La réalisatrice britannique Laura Mulvey est la première à avoir parlé du « Male gaze » dans son texte intitulé « plaisir visuel et cinéma narratif » publié dans la revue Screen en 1975. « To gaze » signifie « fixer », « contempler ». Il s’agit de la manière dont le regard masculin façonne notre vision du monde.
Étudiante en histoire de l’art, je souhaite rendre la culture accessible à tous grâce à la pratique journalistique. Sensible et créative, je m’exprime à travers l’écriture.
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