Du 21 au 25 mai prochain se tiendra à Las Vegas la première édition des « jeux améliorés ». Une nouvelle compétition sportive qui veut repousser les limites de la science par tous les moyens, même le dopage.
Une nouvelle ère du savoir et de la technologie va-t-elle s’ouvrir prochainement ? Sommes-nous à l’aube de la création de superhumains, capables de repousser les limites du corps ? C’est en tout cas l’ambition affichée par Aron De Souza, le fondateur australien des « Enhanced Games ». Dévoilé en 2023, ce projet a pour but de disrupter le modèle sportif traditionnel et de proposer une alternative aux Jeux olympiques qu’il considère « hypocrites, corrompus et dysfonctionnels ». Selon lui, l’usage de produits interdits est massif chez les sportifs. L’objectif est donc de rétablir l’équité sportive en supprimant les contrôles antidopage. Il souhaite laisser les athlètes exprimer leur plein potentiel en les encourageant à « s’améliorer », autrement dit, à se doper. Il promet un encadrement et un suivi personnalisé par une commission médicale et des scientifiques indépendants. Trois disciplines sont au programme : la natation (100 et 50 m nage libre, 100 m papillon), l’athlétisme (100 m, 100 m haies, 60 m) et l’haltérophilie (épaulé-jeté et arraché).
Pour mener à bien son rêve, Aron De Souza s’est entouré de riches investisseurs comme Peter Thiel, cofondateur de PayPal. Tous sont partisans du transhumanisme et de fervents défenseurs de Donald Trump, dont le fils, Donald Trump Jr, a injecté plusieurs millions de dollars dans le projet. Un soutien politique mais surtout financier qui permet aujourd’hui au projet d’exister et d’attirer des athlètes de renom. Car dès le lancement, une question dominait : pourquoi des sportifs accepteraient-ils de mettre en danger leur santé pour une compétition tout juste naissante et sans histoire ? Une réponse a très rapidement émergé : l’argent. En effet, les montants promis aux vainqueurs n’ont rien à voir avec ceux des plus prestigieuses compétitions comme les JO. Pas moins de 500 000 dollars par épreuve, dont 250 000 dollars pour l’or, soit, à titre d’exemple, plus de trois fois plus qu’un champion olympique français lors des jeux de Paris (80 000 euros). S’ajoutent à cela de multiples primes, dont celle d’un million de dollars en cas de record du monde du 100m ou du 50 m nage libre.
Si l’objectif des 100 athlètes est encore loin d’être atteint (10 ont annoncé leur participation), ces chiffres séduisent de plus en plus de champions multiples médaillés. Si certains comme le sprinteur américain Fred Kerley se disent davantage attirés par l’objectif sportif, d’autres ne cachent pas leur motivation pécuniaire. James Magnussen, double champion du monde du 100m nage libre, avait déclaré avant même de s’inscrire : « Je ne connais rien au dopage, mais s’il y a un million de dollars à la clé, je suis partant. Je serai leur premier athlète et je me doperai jusqu’à la moelle ». Cet appât du gain soulève des questions quant à la rémunération des athlètes et vient interroger le modèle économique des sports concernés par les « Enhanced Games ».
Aujourd’hui le projet a pris une telle ampleur qu’il pousse les instances sportives à réagir. Les agences antidopage et les fédérations ont fermement condamné cette nouvelle compétition. Word Aquatics (la Fédération internationale de natation) a annoncé l’interdiction aux compétitions à tout participant aux « Enhanced Games ». Aron de Souza et ses collaborateurs ont réagi par le dépôt d’une plainte pour atteinte à la concurrence et réclament près de 800 millions d’euros. Le bras de fer économique est donc lancé.
Car derrière le rêve de voir l’homme courir aussi vite qu’un guépard, il y a en premier l’objectif de faire couler les dollars. En autorisant et en montrant les vertus des produits dopants, l’homme d’affaires australien espère ouvrir un marché florissant. Il a d’ailleurs d’ores et déjà lancé sur son site une plateforme de prévente de ces substances qui promettent de « devenir l’un des premiers superhumains ». Reste plus qu’à savoir si le sport de demain ne sera plus une quête de gloire, mais une expérience de laboratoire, où la passion laisse place à l’innovation et à l’obsession de la perfection.
Samuel RUGGERI
© instagram : @enhanced_games