Que se passe-t-il en Haïti ?

Que se passe-t-il en Haïti ?

Depuis 2021, le pays est en proie à une insécurité croissante : évasion de prisonniers, démission du Premier ministre, guerres de gangs dans la capitale. Depuis plusieurs semaines, la population est prise entre deux feux. Haïti, petit pays des Caraïbes, est plongé dans la violence et l’incertitude. Rétrospective sur la situation.

Massacre de la Saline 

En novembre 2018 à Port-au-Prince, des manifestations porteuses de revendications de justice sociale éclatent pour dénoncer la vie chère et la corruption. La demande de démission du président Jovenel Moïse fait partie des revendications. Au bidonville de la Saline, 71 personnes sont assassinées. Les Nations Unies et les États-Unis pointent l’implication dans ce massacre des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur et le chef de gang Jimmy Chérizier, dit « Barbecue ». Ce massacre marque l’entrée des groupes armés au sein du pouvoir. La mission première était de réprimer les manifestations, mais au fur et à mesure, ces groupes armés se sont autonomisés et sont devenus des « violons sans maîtres ». Ils ont continué à massacrer, tuer et réprimer pour leur propre compte.

Le président assassiné

Le 7 juillet 2021, vers 1h du matin, un commando lourdement armé s’introduit au domicile du président Jovenel Moïse. Il est retrouvé assassiné dans sa chambre, avec 12 balles dans le corps et l’œil gauche crevé. On apprendra plus tard que la sécurité du président n’a rien fait pour empêcher cela. Cet assassinat plonge Haïti dans un narco-État, puisque l’acte est illustratif de traditions mafieuses.

Deux jours après le meurtre, la police annonce l’arrestation de 17 personnes soupçonnées d’avoir appartenu au commando d’exécution. Au total, 28 personnes (Colombiens, Vénézuéliens, Haïtiens établis dans des milieux mafieux de la Floride) seraient impliquées. Deux hauts responsables de la police chargés de la sécurité du président sont visés par les enquêteurs. En Floride, des commanditaires sont arrêtés. German Rivera (ancien officier de l’armée colombienne), Rodolphe Jaar (homme d’affaires haïtiano-chilien) et John Joël Joseph (ancien sénateur haïtien) sont condamnés à la prison à perpétuité. Selon le procureur américain en charge de l’enquête, deux hommes à la tête d’une société de sécurité basée à Miami auraient planifié de remplacer Jovenel Moïse par Christian Sanon, pasteur américano-haïtien.

En Haïti, l’enquête patine. Plusieurs juges en charge de l’affaire se dessaisissent de cette dernière par crainte pour leur propre vie. Personne ne veut traiter d’un dossier épineux, explosif et dangereux. En octobre 2023, la justice haïtienne met la main sur un suspect clé : Joseph Félix Badio, ancien fonctionnaire de l’unité de lutte contre la corruption. Il est soupçonné d’être le cerveau de l’opération. En février 2024, Martine Moïse, veuve de Jovenel Moïse, est mise en examen pour complicité d’assassinat.

L’ère des gangs

Deux jours avant l’assassinat du président J. Moïse, Ariel Henry est nommé Premier ministre. Depuis 2021, c’est lui qui est à la tête du pays en proie à la violence des gangs. En Haïti, les dernières élections remontent à 2016. Depuis janvier 2023, le pays ne compte plus de députés ni de sénateurs. L’incompétence du ministre est l’élément déclencheur de la croissance des gangs et de la violence au sein du pays : « Si Ariel Henry ne démissionne pas, cela va nous mener directement à la guerre civile et à un génocide » – Jimmy Chérizier, dit « Barbecue ». Dans les rues, les gangs imposent leurs lois. 200 gangs opèrent à travers tout le pays, parmi eux 23 se partagent 80% de la capitale (Port-au-Prince). Regroupés en deux coalitions principales, « G-Pep » et « G9 », dirigé par « Barbecue ». Les deux coalitions se sont alliées pour le vivre-ensemble et réclament la démission d’Ariel Henry. Ariel Henry s’était engagé à quitter ses fonctions de Premier ministre le 7 février 2024 mais n’a pas honoré sa parole.

Dans la nuit du 2 au 3 mars 2024, les gangs prennent d’assaut la principale prison du pays, libérant ainsi des milliers de prisonniers. Ces derniers attaquent aussi l’aéroport principal de Port-au-Prince, empêchant le Premier ministre de regagner le pays. Ce dernier étant en voyage diplomatique au Kenya pour négocier l’envoi de policiers en Haïti. Ne pouvant regagner Haïti et bloqué à Porto-Rico, le 11 mars 2024, Ariel Henry annonce sa démission. En 2023, plus de 340 000 personnes ont été forcées de quitter leur habitat, face aux attaques des gangs, et plus de 5 000 personnes ont été tuées. À l’heure actuelle, la capitale est assiégée par des centaines de gangs.

Les Nations unies et les États-Unis ont mandaté des équipes haïtiennes pour établir un conseil présidentiel de transition. Les pourparlers se poursuivent ce samedi 16 mars. Un couvre-feu nocturne a été instauré et prolongé jusqu’à dimanche dans le département de l’Ouest, incluant Port-au-Prince. Un pont aérien entre Haïti et la République Dominicaine a été annoncé par l’Organisation des Nations unies (ONU) mercredi 13 mars 2024. Cette initiative vise principalement à acheminer de l’aide humanitaire à la population haïtienne.

 

 

Crédits photo : UN Photo/Marco Dormino  – Flickr

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