Mort d’Alexeï Navalny : choc mondial, silence national

Mort d’Alexeï Navalny : choc mondial, silence national

Ce vendredi 16 février marque le décès de l’opposant du régime de Vladimir Poutine, Alexeï Navalny. Mort “naturelle” selon la Russie, énième assassinat politique d’après l’Occident…Le drame interroge sur l’effet que produit cet événement dans le dessein du Kremlin.

Depuis son arrivée au pouvoir, le chef d’État Vladimir Poutine cherche à redorer le blason de l’ex-URSS. Pour ce faire, il assoit son pouvoir avec une fermeté qui le fait passer du statut de président à celui d’autocrate, voire de dictateur. Outre son appétence pour les conflits armés et l’expansion, l’ancien agent du KGB dirige une nation où la critique de son régime est interdite. L’histoire de ce pays témoigne d’une longue liste de dissidents tus ou tués pour leurs avis contestataires. Parmi eux, reviennent souvent les noms suivants : Boris Nemtsov, assassiné en 2015 pour son désaccord avec l’annexion de la Crimée et Ilia Iachine qui purge sa peine de 8 ans de prison depuis 2022 pour ses critiques. En se penchant sur le meurtre de la journaliste d’investigation Anna Politkovskaïa, il est possible de retrouver des méthodes inhérentes à ce que les politologues appellent le Poutinisme :

“Avant ce sinistre 7 octobre 2006, elle avait déjà fait l’objet d’un enlèvement, de plusieurs arrestations, d’un empoisonnement, d’un simulacre d’exécution par des militaires.Raphaël Glucksmann, 2022 (député européen, vice-président de la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen)

“Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?”

Entre août 2020 et février 2024, Alexeï Navalny subit plusieurs intimidations de différentes natures. À l’instar d’Anna Politkovskaïa réduite au silence pour son travail sur les exactions russes en Tchétchénie, l’activiste anti-corruption fait face à des perquisitions, des arrestations et une tentative d’empoisonnement. Ces pratiques aboutissent sur une décision de justice avec des chefs d’accusation jugés “fantaisistes” par de nombreux spécialistes. Condamné à 19 ans d’emprisonnement, il survit isolé dans une colonie pénitentiaire près du cercle arctique où sévissent torture physique et psychologique. Sa disparition tourne son image de combattant de la liberté en véritable martyr. Ioulia Navalnaïa, sa femme, en est consciente. Endeuillée et engagée, elle compte bien poursuivre la lutte de son défunt mari quelles qu’en soient les conséquences : “Avec lui, il a tenté d’assassiner notre espoir, notre liberté, et notre futur.”

Le peuple, plongé dans une sphère propagandiste depuis des décennies, peine à briser ses chaînes. Avec sa répression toujours plus forte, Moscou parvient à mater la révolte de la population. Derrière chaque slogan dénonciateur, chaque rose déposée en l’hommage du lanceur d’alerte se cachent des civils et des politiques de tout âge. Tous doivent se préparer à endurer le même traitement que celui réservé à leur modèle. En général, la peur l’emporte et menotte les partisans de ce mouvement de rébellion. Vladimir Poutine jouit donc de cette situation qui lui confère davantage de pouvoir à l’arrivée de l’élection présidentielle du 17 mars. Il s’agit d’une démarche démocratique de façade où pluralisme rime avec mutisme.

Cellule de crise

“Ne vous méprenez pas, Poutine est responsable de la mort de Navalny.” Joe Biden, février 2024 (président des États-Unis)

À travers le globe, plusieurs dirigeants occidentaux s’indignent, persuadés par la théorie de l’homicide volontaire d’Alexeï Navalny. À Bruxelles, le lundi 19 février,  le chef de la diplomatie de l’Union européenne (UE), Joseph Borrel, montre son soutien à Ioulia Navalanaïa et son époux. Une réaction cohérente de la communauté internationale déjà protectrice du temps de son vivant à l’aide de sanctions, d’offres de refuges politiques, et d’un regard médiatique bienveillant. Malgré ses intentions, certains craignent tout de même que le choc et la prise de conscience ne suffisent pas à remédier à une Europe considérée comme passive. La sécurité et le rôle de l’organe continental reviennent au centre des pensées des pays membres devant un ennemi commun qui se croit au-dessus des lois.

Inès Mbemba Kabuiku

 

Crédits photo : Guillermo Ruiz – Flickr

Share

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *