À l’heure où l’affaire Duhamel, révélée au grand jour par le livre de Camille Kouchner La familia grande, relance la question des violences sexuelles, c’est une parole qui se libère sur des maux difficiles à exprimer.
Prenons la tangente et revenons sur le mouvement #MeToo, un hashtag au chevet des victimes.
Inceste, quand la vérité sort des familles
L’inceste, un crime souvent considéré comme tabou, revient au centre de l’actualité ces derniers temps avec La familia grande, un livre de Camille Kouchner révélant au grand jour l’inceste qu’a subi son frère par leur beau-père Olivier Duhamel. Des faits qui ont entraîné plusieurs polémiques dans l’espace public…
Ces révélations, en plus d’avoir suscité de vives réactions chez les français, ont secoué l’école de Sciences Po. Le directeur, Frédéric Mion, à qui les faits d’inceste concernant Olivier Duhamel avaient été rapportés, était resté sur ce que ces faits avaient d’une rumeur. Aujourd’hui, face à la polémique, il déclare : « Je n’ai pas percuté. Je n’ai pas entendu ce que cette personne cherchait à me dire. J’aurais dû aller trouver Olivier Duhamel. C’était un devoir élémentaire. Je prends toute la responsabilité de ce manque de prudence, mais la faute s’arrête à moi. J’ai été inconséquent et j’ai manqué de discernement. Je suis prêt à l’entendre et à en subir les conséquences. ».
Bien qu’en soit, pas directement concernée par l’affaire, l’école a tout de même tremblé sous le poids de ces révélations.
Mais à côté, un autre évènement a entraîné de vives réactions : un dessin de Xavier Gorce pour le journal Le Monde.
Repères familiauxhttps://t.co/8qhMH1tf8e pic.twitter.com/bon0b7TZNs
— Xavier Gorce (@XavierGorce) January 19, 2021
Crédits : Compte Twitter @XavierGorce
Accusé de, non seulement, tourner en dérision une crime sérieux, mais aussi de se moquer de la transidentité, le dessinateur ne s’en excusait pas et bien au contraire, savourait les critiques.
Mais le journal, sous le poids de la pression des réseaux sociaux, a fini par présenter ses excuses : « Ce dessin peut en effet être lu comme une relativisation de la gravité des faits d’inceste, en des termes déplacés vis-à-vis des victimes et des personnes transgenres », a déclaré Caroline Monnot, directrice de la rédaction, sur le site internet du journal.
En fin de compte, le dessinateur a cessé sa collaboration avec Le Monde et évoque notamment que « la liberté ne se négocie pas » sur Twitter. Il explique que son dessin était à remettre dans un son contexte : il aurait cherché à caricaturer des propos du philosophe Alain Finkielkraut sur la chaîne LCI.
Pourtant, l’inceste reste à prendre au sérieux d’autant plus qu’il toucherait un français sur dix, soit 6,7 millions de personnes. C’est ce que révèle une enquête Ipsos. Et parmi ces personnes, 78% sont des femmes. Deux à trois enfants par classe en seraient victimes.
Ces chiffres sont d’autant plus marquants qu’ils ont triplé en l’espace d’une dizaine d’années. En effet, 3% des français étaient concernés en 2009, contre 10% aujourd’hui. Pourtant, la peine maximale qu’encourt l’agresseur est de 20 ans de prison.
Ainsi, aujourd’hui, plusieurs associations réclament l’imprescriptibilité des faits. Ce délai de prescription fait aujourd’hui polémique. Concrètement, il stipule qu’une peine qui « n’a pas été mise à exécution dans un certain délai fixé par la loi […] ne peut plus être subie » (articles 133-2, -3, -4 du Code pénal). Ce délai a déjà été augmenté par le passé : en 2004, il est passé de 10 à 20 ans, et en 2018, de 20 à 30 ans. Sa disparition permettrait ainsi aux victimes de réclamer justice à tout moment, notamment dès qu’elles se sentiraient prête à parler.
Et aujourd’hui, parler a été « plus facile » grâce aux réseaux sociaux, notamment Twitter, où les hashtag #MeToo, #MeTooInceste ou encore #MeTooGay ont permis à de nombreuses victimes d’enfin aborder ce thème et surtout, de recevoir un soutien de la communauté.
Crédits : Chaîne YouTube de Figaro Live
#MeToo, origines d’un hashtag aux côtés des victimes
Les réseaux sociaux n’ont pas que du mauvais et ont marqué un véritable tournant pour les violences sexuelles.
Le hashtag #MeToo s’est vraiment fait connaître suite à l’affaire Weinstein en 2017, par l’actrice Alyssa Milano, qui encourageait alors les victimes de violences sexuelles à témoigner avec ce hashtag. Très rapidement, le mouvement a pris une très grande ampleur avec des millions de messages en seulement une journée.
À l’origine, cette campagne avait été lancée par Tarana Burke, une militante américaine, en 2007 pour lutter contre les violences sexuelles, notamment envers des minorités.
Crédits : Chelsea Guglielmino / Film Magic / Getty
Mais avec le temps, #MeToo est devenu un véritable mouvement et a permis une libération, sans précédent, de la parole en ce qui concerne les violences sexuelles.
Quelques années après sa création, un nouveau « MeToo » est né : le #MeTooGay, dénonçant les violences homosexuelles. Il a été utilisé pour la première fois lors d’un témoignage dénonçant un viol commis par un élu PCF de la mairie de Paris, alors que la victime était âgée de 18 ans. Ainsi s’ouvrait un nouveau tournant, qui a pourtant mis du temps avant d’émerger.
En effet, l’enjeu, bien qu’étant similaire à celui du #MeToo originel, était aussi mêlé à la situation de la communauté LGBT. Car si le mouvement #MeToo dénonce des agressions commises par des hommes sur des femmes, le #MeTooGay, lui, s’attaquait à sa propre communauté, une situation délicate d’autant plus qu’elle risquait d’entretenir les arguments LGBTphobes.
À 19 ans, en extérieur.
Préliminaires mais je voulais pas de sodo. Il insistait. J’ai dit non. Il m’a bloqué contre un arbre, m’a menacé, a baissé mon pantalon et m’a pénétré. Il a volé mon i-Pod.
Aucun son n’est sorti.
Je n’en ai jamais parlé. Je n’en parlerai plus. #MeTooGay— Kent1 (@Kent1_G) January 21, 2021
Crédits : Compte Twitter @Kent1_G
Aujourd’hui, une fois encore, #MeToo prend une nouvelle forme : #MeTooInceste, et noircit les témoignages des victimes la page blanche d’un crime trop souvent tu.
Depuis le 16 janvier 2021, Twitter est le lieu où les langues se délient avec ce nouveau hashtag. Aussi rapidement que tristement, des milliers de témoignages fleurissent sur le réseau social, amenant ainsi ce hashtag sur le podium des « tendances » du moment. À l’origine, le collectif Nous Toutes, œuvrant déjà contre les violences sexistes et sexuelles et plus généralement les violences faites aux femmes.
J’avais 5 ans. En une soirée, ce frère de ma mère a bouleversé ma candeur et assombri le cours du reste de ma vie. En une seconde, j’avais 100 ans. #MetooInceste
— Marie Chenevance (@MChenevance) January 14, 2021
Crédits : Compte Twitter @MChenevance
Ainsi, #MeToo est devenu avec le temps plus qu’un seul hashtag, mais bel et bien un véritable mouvement contre les violences sexuelles. Aujourd’hui, avec ce nouveau cap, il permet de mettre en lumière l’inceste, trop souvent considéré comme tabou, et surtout, de le punir.
Célia Ory
Crédits photo : media-animation.be
Étudiante en troisième année d’information & communication, passionnée d’actualité et de culture, intéressée par le monde & les gens, je souhaite rejoindre la grande famille des journalistes.