Livreur à vélo, les dessous d’un travail « libre »

Livreur à vélo, les dessous d’un travail « libre »

Il suffit d’un vélo, d’un téléphone, de papiers d’identité et le tour est joué pour devenir livreur à vélo. Ce travail en vogue depuis plusieurs années maintenant reste pour autant très controversé et suscite de plus en plus de polémique. Mais pourquoi un travail en apparence si simple fait-il autant parler de lui ? Peut-on vraiment parler d’esclavagisme moderne ?

Les services de livraisons à vélo tel qu’Uber Eats ou Delivroo sont maintenant connus de tous et très ancrés dans la société. En quelques clics, le repas ou les courses peuvent être livrés chez le client sans déplacement de sa part s’il paye un peu plus cher, si l’on peut se le permettre ça fait rêver non ?

La crise sanitaire a généré une expansion colossale de ce phénomène, avec les confinements et autres couvre-feux, les livreurs constituaient un des seuls liens entre les restaurants et les particuliers. Ce qui n’est pas forcément une bonne chose, la « surpopulation » de livreurs augmentent le temps d’attente entre plusieurs commandes pour ces travailleurs et donc, l’argent qu’ils gagnent.

Mais comment ça marche du côté des livreurs ? Pour s’inscrire, il suffit de faire une demande sur le site d’une des sociétés, rentrer quelques informations et quelques documents et dans la quasi-totalité des cas la demande est acceptée, ensuite plus qu’à acheter le sac et se procurer un vélo, allumer l’application sur son téléphone et c’est parti. Attention, il y a une petite subtilité qui change tout, avant de se lancer, il faut créer une microentreprise. Les livreurs à vélo pour la plupart sont des indépendants, ils ont besoin, pour pouvoir exercer le métier, du statut de micro entrepreneur, officiellement, ils ne travaillent pas pour l’entreprise, mais avec elle. C’est en réalité beaucoup plus compliqué que ça.

Peut-on vraiment parler d’esclavagisme moderne ?

« Un esclave, c’est une personne au service d’un maître qui travaille gratuitement, livreur à vélo est un travail très précaire, mais le terme « d’esclaves » n’est pas adapté » affirme l’enseignante historienne Barbara Lefebvre, en effet selon elle, c’est plus une forme d’exploitation plutôt que d’esclavage si on se fie à son sens historique.

https://www.dailymotion.com/video/x81eucd  (Émission ou l’historienne et d’autres débattent du sujet)

Mais alors pourquoi en arriver à une telle comparaison ? Tout part de l’aspect de « micro entrepreneur » dont nous parlions plus tôt. Ce statut va permettre au livreur d’être indépendant sur beaucoup de points et notamment sur ces horaires de travail, ce qui représente un réel avantage, il va aussi pouvoir être payé dès qu’il le souhaite en fonction des applications.

Ces aspects mis de côté, les livreurs n’ont d’indépendant que le nom, une fois l’appli lancée, tout un parcours établi par l’entreprise est à suivre selon des règles bien spécifiques, de la réception de la commande à sa livraison et le tout le plus rapidement possible afin de conserver une bonne notation et d’être le plus rentable possible, le nombre de livreurs en expansion constante fait que la concurrence ne cesse d’augmenter. Elle génère alors une véritable course contre la montre afin d’être dans les premiers à accepter les courses et ainsi éviter d’attendre, parfois plusieurs heures, avant de recevoir des demandes de livraisons.

Bien que cela reste un métier extrêmement précaire, bons nombres d’étudiants s’en servent comme complément de revenus et dans ces cas-là, la liberté de choix, concernant les horaires, représente une réelle plus-value.

D’un autre côté pour certains, cela constitue leur seul et unique revenu et là, c’est tout autre chose. Un étudiant lui, va faire des livraisons quelques jours par semaines et pouvoir moduler ses déplacements en fonction de son temps ou même de la météo, alors qu’une personne n’ayant que cela pour vivre se verra confrontée à tous types de météo, une fatigue importante et une rémunération pas toujours très intéressante, encore moins quand il y a une famille à nourrir derrière.

Certains profitent de ce système très libre en sous-louant leur compte à des personnes sans papiers qui sont à la recherche d’un emploi par tous les moyens. Ils vont travailler en se connectant au compte de la personne qui a créé le compte partenaire, ensuite celui-ci leur reverse une maigre partie de ce qu’ils ont gagné. Les services de livraison tentent de lutter contre ces phénomènes avec des photos à prendre par l’utilisateur avant de se mettre en ligne, mais cela reste toujours d’actualité.

Un travail en perdition ?

Oui, le Covid a engendré une hausse effrayante du nombre de livreurs, mais c’est cette même hausse qui met cette activité en péril, et notamment dans les grandes villes. Dans la plupart des grandes villes, le nombre de livreurs est devenu trop important et le chiffre d’affaires de ceux-ci s’est vu baisser considérablement. Cette « mise en lumière » du métier de livreur à vélo a aussi lancé les débats et a permis une prise de conscience collective, qui sans stopper la machine, l’a peut-être un peu ralenti ? Certaines plateformes en Angleterre notamment, et même en France proposent aux livreurs d’être payés à l’heure et non à la livraison dans l’espoir de casser la précarité associée à cette activité.

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Romain Pillet

Jeune diplômé de 21 ans d’une licence en sciences de l’information et de la communication. Passionné par la vidéo, l’animation japonaise et la pop culture, j’ai pour ambition de devenir journaliste reporter d’image.