L’instruction en famille menacée

Le 02 octobre dernier, Emmanuel Macron a annoncé son intention de supprimer le droit à l’instruction à domicile (IEF) à partir de septembre 2021. Il est issu d’un droit fondamental dans la Déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948, et dans la loi Ferry de 1882. Cette loi s’inscrit dans le projet de loi contre le séparatisme, dans le but de lutter contre la radicalisation. Cet acte sera présenté début décembre et devrait être voté courant janvier. 

L’IEF, qu’est-ce que c’est ? 

Éduquer son enfant personnellement avec des méthodes propres à chacun semble utopique et certaines familles en font un choix de vie. Comment définir l’instruction en famille ? 

L’école à la maison est un dispositif très contrôlé en France qui autorise une famille à prendre en charge l’instruction de son enfant par ses propres moyens afin de ne pas le placer dans un établissement scolaire. Ils ont alors le droit d’opter pour divers supports pédagogiques dans la mesure où les compétences et les connaissances fondamentales sont acquises. Ils sont soumis à un contrôle annuel par un inspecteur pédagogique qui évalue la conformité des méthodes.

Une démarche séduisante

De plus en plus de familles ont adopté ce mode d’éducation : le nombre d’enfants instruits à la maison est passé de 30 000 à plus de 50 000. Qu’est ce qui explique ce phénomène ? 

Aujourd’hui, l’école démocratique est critiquée pour son manque d’individualisation, en laissant pour compte les élèves en difficultés. Cette augmentation s’explique par le nombre croissant d’enfants malheureux à l’école, sujets à l’angoisse de l’échec ou même au harcèlement menant à la dépression, voire au suicide. En effet, c’est l’objet d’une prise conscience de la part des familles : plus de 700 000 élèves sont harcelés chaque année au sein de leur établissement scolaire.

De plus, le rythme soutenu, souvent peu adapté aux besoins de l’enfant peut convaincre les parents de choisir l’instruction à domicile afin de contribuer à son épanouissement. Enfin, le confinement a permis à des foyers de se projeter dans ce type de vie, ainsi que la contrainte du port du masque ne favorise pas un cadre de travail propice.

La méthode est différente dans chaque foyer : certaines familles suivent le plus possible les programmes officiels, et d’autres s’adaptent au rythme et aux centres d’intérêt de l’enfant (par exemple : l’équitation, l’univers marin, etc), c’est ce que l’on appelle le unschooling

Mais cette démarche ne fait pas l’unanimité. Certaines personnes ne l’approuvent pas entièrement car ce serait un frein à la sociabilisation. Et malheureusement, toutes les familles françaises n’ont pas la possibilité, par manque de temps ou de moyens financiers et pédagogiques, d’assumer l’apprentissage de leurs enfants.

La lutte contre la radicalisation

Malgré ces arguments positifs, Emmanuel Macron remet en cause cette pratique en accusant le séparatisme islamiste qui la détournerait : « ce projet conscient, théorisé, politico-religieux (…) se concrétisant par des écarts répétés avec les valeurs de la République », « un prétexte à l’enseignement de principes qui ne sont pas conformes aux lois de la République. », déclarait le Président de la République. L’IEF sera strictement limitée pour les familles dont l’enfant rencontre des problèmes de santé majeurs ne pouvant envisager une scolarité dans un établissement.

Par la suite, il est accusé par les associations de familles d’associer l’école à la maison à l’islam radical et de faire un amalgame entre les familles qui ne déclarent pas leurs enfants à l’Education Nationale et celles qui la pratiquent sous les règles strictes de l’Etat. 

Les écoles clandestines dans le viseur du gouvernement

Dans cette même lutte, le gouvernement vise les écoles clandestines : déjà deux d’entre elles ont été fermées en région parisienne et à Marseille. Les familles avaient déclaré exercer l’instruction à domicile, en réalité leurs enfants fréquentaient ces établissements. Gérald Darmanin a alors parlé « d’endoctrinement sur fond d’islam politique. » C’est alors une lutte contre les dérives religieuses qui s’en suit.

A Bobiny, une école clandestine accueillait des jeunes enfants dont certains parents étaient fichés S et connus pour être en lien avec l’islam radical. La fermeture de cette école a eu lieu quelques jours après l’offensive du Président français avec le projet de loi contre le séparatisme.

 

Une atteinte à la liberté

Les foyers concernés par l’instruction en famille proclament une atteinte à leur liberté. C’est pour eux un droit fondamental que de choisir l’enseignement de leurs enfants, c’est une remise en cause d’un mode de vie. Ils qualifient cette annonce de « contre anticonstitutionnelle, liberticide et inique ». En effet, la majorité des parents qui initie ce travail veulent simplement leur offrir le meilleur cadre d’apprentissage, dans la bienveillance et l’écoute. Nous ne pouvons que les soutenir dans la conservation de ce droit.

Les alternatives 

La loi semble faire l’unanimité au sein du parlement… Alors quelles alternatives s’offrent aux familles désireuses de proposer un apprentissage personnalisé à leurs enfants ? 

Il existe des écoles alternatives consacrant plus de temps aux activités créatives et manuelles qu’aux enseignements traditionnels. L’enfant est alors mis au centre et est libre d’aller vers ce qui l’intéresse, ce qui l’enthousiasme. Abolition des notes, recherche d’autonomie et de confiance en soi, apprentissage du vivre ensemble… Les écoles alternatives enseignent la non-violence des conflits et favorisent la créativité par des activités artistiques propres à l’univers de chaque enfant. 

Mais à quel prix ?

Si cela semble idéal, ce service n’est pas gratuit, loin de là. Pour les écoles de Montessori, il faudra compter entre 150 et 350 euros par mois… En effet, ce sont des établissements qui ne bénéficient pas d’aide de l’Etat et sont auto-financés grâce aux mensualités des familles. 

Alors oui, ça a un coût, mais l’investissement n’est-il pas le plus optimal quand il est sur soi, sur l’humain ? 

 

 

Léa Marchebout 

Crédits photo : LUDOVIC MARIN / AFP – Le Parisien

 

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