Liberté d’expression : où en est-on aujourd’hui ?

Vendredi dernier, Samuel Paty, enseignant dans le secondaire dans les Yvelines, a été assassiné. La raison ? Il a présenté des caricatures de Mahomet dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression. En plein procès des attentats de Charlie Hebdo, c’est la liberté d’expression qui est à nouveau attaquée. Mais plus de 5 ans après, où en est-on ?

Les libertés, des valeurs de plus en plus mises à mal

Revenons rapidement sur les tristes évènements de la semaine dernière. À la sortie du collège, Samuel Paty a été sauvagement assassiné, par un islamiste radical tchétchène de 18 ans. Ce mercredi, c’est un hommage national qui lui est rendu dans la cour de la Sorbonne, l’une des plus anciennes universités du pays, par le Président de la République. On salue ce prof humble et passionné, attaché à son travail.

Malheureusement, cet attentat est loin d’être un cas isolé. En effet, nous gardons tous en tête le souvenir des horreurs qui ont saignées la France lors des attentats de Charlie Hebdo, ceux du Bataclan et de l’Hyper Casher ainsi que des différentes attaques isolées perpétrées par des islamistes radicaux sur notre territoire. Mais comment nous exprimer sur des sujets sensibles sans risque et sans autocensure ?

Nous ne nous en rendons pas forcément compte, mais les professeurs se trouvent dans une position compliquée. En effet, ils doivent aborder en cours des thématiques dont il n’est pas forcément évident de parler sans froisser les opinions et croyances de chacun, que ce soient celles des élèves, des parents, du personnel ou de personnes extérieures à l’enceinte scolaire. Dans ce contexte de revendications multiples, où de plus en plus de manifestations ont lieu et où chacun revendique son combat et ses droits, il est tendancieux d’aborder certains thèmes comme les questions de genre, l’éducation sexuelle, la laïcité et aujourd’hui la liberté d’expression.

Ainsi, cette liberté qui figure dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen en préambule de notre constitution est à redéfinir et à mettre en lien avec la notion de laïcité chère à notre nation. Suite à cette nouvelle attaque, y aura-t-il un avant et un après 16 octobre, tout comme il y a eu un avant et un après Charlie Hebdo ?

Une valeur au cœur de toutes les libertés

La liberté d’expression, cette même liberté qui permet à chacun de faire porter sa voix, a permis à de nombreuses personnes de faire entendre leur combat contre des inégalités, contribuant ainsi à l’acquisition des différents droits dont nous disposons aujourd’hui.

Nelson Mandela contre l’apartheid, Martin Luther-King contre la ségrégation, Olympes de Gouges, Simone Veil ou encore Louise Michel pour le droit et les libertés des femmes, et bien d’autres encore.

Sans cette liberté de s’exprimer, non sans risque, sans ce courage de faire porter sa voix contre des inégalités, les combats historiques des siècles derniers n’auraient sans doute pas vu le jour.

En dépit des attaques incessantes contre elle, la liberté d’expression est une valeur que le gouvernement actuel semble oser prendre à bras-le-corps après cet insoutenable assassinat. Mais la situation est loin d’être la même dans tous les pays, même de nos jours. Dans de nombreux pays, la presse est contrôlée et s’exprimer librement revient à se mettre en danger.

Comme le souligne Amnesty International, association engagée pour la liberté d’expression et les droits Humains, tous les jours des personnes, journalistes ou non, sont surveillées, menacées, tuées pour seulement avoir fait leur travail, s’être exprimé ou donné leur opinion.

Désormais, c’est aussi dans l’enseignement que cette liberté se voit menacée. Mais ne serait-ce pas catastrophique de censurer les professeurs ? L’école est le lieu de l’apprentissage et du savoir, qui forge les opinions. Comment encourager des enfants et des jeunes à se faire entendre et à développer un esprit critique permettant de faire le tri parmi l’abondance de contre-vérités qui pullulent sur les réseaux sociaux, si on leur montre qu’il est préférable de se taire dans certaines situations ?

Les réseaux sociaux : inconvénient ou avantage pour la liberté d’expression ?

On l’a bien vu dans les derniers évènements de cet automne, les réseaux sociaux occupent une place prépondérante dans les revendications de chacun. Effectivement, c’est par ce biais que de nombreuses personnes passent pour faire part de leurs opinions.

Il est vrai que les réseaux sociaux représentent un moyen d’expression accessible tout en s’affranchissant de certaines barrières. Ils permettent à tout le monde de s’exprimer librement, dans un certain cadre tout de même, et plusieurs changements ont été amorcés sur ces plateformes, notamment dans la lutte contre les violences faites aux femmes ou encore dans les conditions des étudiants en médecine. Ces réseaux sont attractifs, car en plus de toucher beaucoup de monde, les revendications se font de plus en plus jeune (exemple du mouvement du 14 septembre contre le sexisme des règlements vestimentaires à l’école qui est né d’adolescentes).

Mais à l’inverse, les réseaux sociaux, encore très peu encadrés, peuvent être le siège de dérives, sans retour possible. Au-delà de la diffusion de fausses informations, …

Souvenons-nous de l’affaire Mila au début de l’année : cette jeune fille avait critiqué l’islam sur les réseaux sociaux, et s’était finalement retrouvée à être menacée physiquement par la suite. Là rentre en compte l’aspect négatif des réseaux : des informations personnelles telles que son adresse ou le lycée où elle se rend sont diffusées et l’affaire, très partagée sur internet, lui attire des milliers de menaces, au-delà des insultes et autres messages du même genre. Mais venant de la sphère politique, elle n’a pas reçu beaucoup de soutien. Pourtant, lors de l’hommage à Samuel Paty, le bal des politiques était bien là…

Au final, au-delà de la presse, nous voyons bien que la liberté d’expression se retrouve au cœur de nombreuses luttes de nos jours. La liberté d’expression des femmes, des minorités, etc. Toutes ont déjà été prises pour cible et maintenant la liberté d’expression de nos professeurs.

Célia Ory 

Crédits photos : Jean Claude Coutausse / Reporters Sans Frontière

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