Depuis plus de 70 ans, la RATP règne sur les transports parisiens. Mais son monopole vacille : la mise en concurrence bouleverse les réseaux franciliens. À l’horizon 2040, le métro parisien devra se réinventer pour se plier aux règles européennes.
Depuis 1948, la RATP – Régie Autonome des Transports Parisiens – possède un quasi-monopole sur l’exploitation du réseau de transports en commun de la ville de Paris et sa banlieue. Outre son devoir de service public envers les franciliens, la RATP est devenue un emblème de la ville lumière, aussi apprécié que critiqué. Aujourd’hui, ce symbole du XXème siècle, synonyme d’innovation, risque plus que jamais de dérailler.
Grande couronne, grands changements
En 2021, la grande couronne parisienne (la banlieue) a subi une importante restructuration appelée “mise en concurrence”. Elle était jusqu’alors majoritairement exploitée par les sociétés Keolis et Transdev. Cette année-là, la RATP et Île-de-France Mobilités (IDFM) se sont alignées sur le droit européen en matière de concurrence dans les transports en commun.
La région a divisé la grande couronne en plusieurs lots afin de les attribuer à différentes entreprises. Cette nouvelle organisation s’est déroulée sous forme d’appels d’offres, le meilleur projet gagne le droit d’exploitation d’une parcelle. Paris extra muros est morcelée en 39 lots distincts. Quatre opérateurs deviennent délégataires de la grande couronne : Keolis, Transdev, RATP Cap Île-de-France (IDF) – filiale privée de la maison mère – et le groupe Lacroix-Savac.
Délégation de Service Public : aubaine ou casse-tête ?
Dans les transports, une DSP est un contrat signé entre un service public – le mandataire – et un acteur privé – le délégataire. Sa durée peut varier d’un réseau à l’autre. Entre 5 à 10 ans pour les réseaux urbains “classiques” (bus, tramways) alors que pour un réseau plus “lourd” comportant un métropolitain, cela peut monter jusqu’à 20 ans.
La collectivité publique se charge de penser le réseau (tracés de lignes, fréquences, etc…). Le délégataire gère, exploite et s’engage à assurer un service public fiable et le plus économique pour l’usager. Le délégataire porte le risque économique et opérationnel du service. La réputation d’une entreprise de transports peut être ternie à la moindre polémique ou incident sur un réseau.
Petite couronne, petite révolution
La société mère de la RATP possède une personnalité juridique et bénéficie du statut de personne morale de droit public. Le 1er janvier 2025, la zone historique du groupe a connu un tournant : les lignes de bus de la capitale ont été ouvertes à la mise en concurrence.
Découpée en douze lots, la petite couronne (Paris intra-muros) a été remportée dans son intégralité par RATP Cap IDF. Pour les usagers, le changement est minime : c’est désormais la filiale privée du groupe RATP qui assure l’exploitation de cette zone historique.
Sur l’ensemble de la région, 70% des lignes de bus ont été récupérées par la RATP. Les 30% restants ont été partagés entre de le groupe italien ATP SPA, Keolis et Transdev. Valérie Pécresse, présidente de la région et d’IDFM a salué la réussite de Jean Castex (l’encore PDG de la RATP et futur dirigeant de la SNCF) : “Il a réussi à faire en sorte que tout le réseau de bus de Paris reste dans le giron de la RATP, à la loyale” a-t-elle dit.
Prochain train en 2040, le suivant dans…
La fin d’une ère ou un souffle nouveau ? 2040 s’annonce mouvementée sur les quais du métro et des RER A et B. Le réseau ferroviaire souterrain sera mis en concurrence dans quinze ans. Historiquement piloté par la RATP, le métropolitain s’apprête à subir de profondes modifications en termes d’exploitants et d’identité.
Selon qui emportera telle ou telle ligne, nous pourrons retrouver les logos de Keolis ou de Transdev affichés sur certains wagons. IDFM affirme que cette redéfinition des monopoles permet de “définir des objectifs précis adaptés à chaque réseau (…) dans le but de vous offrir un meilleur service”. Valérie Pécresse assure dans les médias que cette mesure de libéralisation des réseaux de transports est un acte social et environnemental. Cela permettrait l’amélioration des services, le rabais du prix des billets, et donc une augmentation de la fréquentation sur la globalité du réseau.
Iban Guimont
Crédits photo: © Fred Romero