Les places de cinéma sont-elles trop chères ?

Les places de cinéma sont-elles trop chères ?


Pointés du doigt et raillés, les cinémas sont la cible de vives critiques en cette période post-covid. La population française s’accorde à dire que le cinéma devient cher voire luxueux. Le prix trop élevé du ticket est mis en cause alors que l’affluence dans les salles obscures françaises, elle, ne décolle pas. Les professionnels du septième art s’en inquiètent et s’interrogent sur ce phénomène pendant que le public, lui, piétine à se rendre au cinéma et préfère les catalogues attrayants de Netflix et consort… Est-ce qu’un syndrome plus alarmant de la société ne se cacherait pas derrière l’excuse « parfaite » du prix trop élevé ?


Prix de la place de cinéma : pas donné ?

Le prix de la place trop élevé expliquerait la difficile relance des projecteurs en cette période post-covid. Mais qu’en est-t-il vraiment ? En 2022, la fréquentation dans les cinémas français en nette hausse avec 152 millions d’entrées: +59,2% par rapport à l’année 2021 impactée négativement par la Covid. Le nombre d’entrées est cependant encore en retrait de 27 % quand on le compare aux données atteintes avant la pandémie. Cette reprise est à la fois encourageante et inquiétante pour les professionnels du septième art. Un retour à la normale se dessine mais un discours populaire se fait de plus en plus fréquemment entendre à leurs oreilles: «voir un film au ciné : c’est trop cher». L’inflation impacte le quotidien des français qui se sentent pris à la gorge. D’après une étude menée par le Centre National du Cinéma et de l’image animée, le prix moyen d’une séance en 2022 était de 7€. Le prix, pas abusif au premier regard doit être observé avec du recul. Le public ne s’estime plus prêt à débourser une telle somme pour « regarder un film qui sera disponible quelques mois plus tard à prix réduit sur les plateformes de streaming ». 

Qu’on soit amateur de cinéma ou spectateur occasionnel, cinéma rime souvent avec popcorn ! Cet incontournable des salles obscures est pourtant presque aussi cher que la place en elle-même si on l’accompagne d’une boisson. En fin professionnel, j’ai personnellement effectué l’expérience suivante : Pour regarder Avatar 2, le chef d’oeuvre de James Cameron en tête du box office en 2022, j’ai acheté mon ticket 7,30€. Pour arriver au bout des 3 heures du film sans cligner des yeux, j’ai opté pour un menu popcorn + boisson qui m’a coûté à quelques centimes près le même montant que la place en elle-même. C’est ici que le cinéma « fait sa marge». Le cinéma se consomme différemment selon les mœurs. Si le cinéma s’accompagne obligatoirement de mets, alors oui le cinéma peut paraître cher car on peut payer en quelque sorte 2 fois sa place si on veut profiter au mieux de notre expérience. Mais payer 7 ou bien 15€ pour voir un film que l’on a choisi dans les meilleures conditions possibles pour un premier visionnage n’efface-t-il pas la question du prix. Il ne faut pas oublier qu’aller au cinéma c’est bénéficier de la meilleure expérience en tant que spectateur. Les cinémas du pays des Lumière sont à la pointe de la technologie. En 2023, la majorité des salles diffusent leurs films en haute définition avec une bande sonore Dolby Atmos excellente. Certains films d’action ou de science-fiction sont même visionnable en 3D, ce qui renforce l’immersion dans le film. Les français sont réputés cinéphiles. Ils continuent d’aller au cinéma malgré un prix élevé qu’ils aimeraient voir à la baisse.

Diminuer le prix : un idéal impossible

Pour faire revenir le public réticent dans les salles, la solution idéale serait de baisser le prix. Seulement les gérants n’ont pas une grande marge de manœuvre. En effet, un écosystème fragile se cache derrière le prix de la place de cinéma. Les chiffres données par le Centre National du Cinéma le démontrent. Fixons le prix d’une place de cinéma à 10 euros. En France, ce montant payé par le spectateur revient aux différents acteurs de l’industrie cinématographique. 42,4 % des revenus reviennent directement au distributeur du film et 40,3 % de la somme revient à la salle de cinéma qui diffuse l’œuvre. Vient ensuite les différentes taxes (environ 15 % réunies) et la Société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique (1,27%).Baisser le prix moyen de la place de cinéma reviendrait à déséquilibrer le modèle économique fragile de l’industrie cinématographique française.

A titre optionnel, cette option reste cependant un excellent moyen d’attirer les spectateurs et de faire du chiffre d’affaires. Les salles de cinéma réduisent le prix des places de manière occasionnelle comme durant la Fête du Cinéma par exemple. Depuis 1985, cette opération promotionnelle organisée par la Fédération Nationale des Cinémas Français se tient tous les ans. Pendant quelques jours, le prix de la place de cinéma est à prix réduit !Depuis l’année 2000, la FNCF organise parallèlement le Printemps du Cinéma en mars avec le soutien du CNC, d’Allociné, France Télévisions et Virgin Radio. L’objectif et le moyen sont les même que pour la Fête du Cinéma : proposer une séance à prix réduit au client afin d’attirer un public important pour générer du profit.

Hors de ces périodes il existe d’autres moyens de diminuer le prix moyen de 7€ la place. Parmi eux, la carte abonnement est une option très rentable. La majorité des exploitants et des cinémas proposent cette offre qui permet de réduire les dépenses pour le client. De plus, ces cartes abonnements ne sont pas individuelles : on peut partager ces tarifs avantageux avec nos proches. Cette solution installe un rapport gagnant-gagnant : l’offreur fidélise ses clients, le bénéficiaire de la carte abonnement profite lui de tarifs lui faisant économiser de l’argent à moyen et long terme. Les recettes perçues par les salles de cinéma leurs servent à investir pour rester qualitatives. Restaurer les salles, acheter ou remplacer du matériel, programmer de nouveaux films coûte de l’argent. Il est donc nécessaire pour les gérants de posséder un budget leur permettant d’assurer la qualité de l’offre qu’ils proposent. Une baisse de ce budget entraînerait une baisse de qualité, ce qui conforterait encore plus le public à rester chez eux pour regarder des films.

Désertion des salles : syndrome alarmant de la société

Et si finalement le prix des places ne serait pas une excuse pour déserter les salles obscures. Ces deux dernières années, le quotidien des français a été bouleversé par la pandémie de Covid. Confinés chez eux, la population a dû se trouver des occupations pour passer le temps. Beaucoup ont trouvé refuge sur les plateformes de streaming !Netflix comptait 6,7 millions de foyers (1 foyer= 5 comptes) en France en 2020. En 2022, la firme américaine a dépassé les 10 millions de foyer ! Les ménages français ont pu se divertir durant les différents confinements. Cependant, les habitudes prises lors de ces périodes ont pu avoir un impact néfaste sur le cinéma lors du retour à la « vie normale ». A l’été 2021, le ministère de la Culture a commandé une étude sur les pratiques culturelles envisagées par les Français après la pandémie. Cette étude a été menée par le département des Etudes de la prospective et des statistiques. Sur un échantillon de 3000 personnes âgées de plus de 18 ans, 32 % ont déclaré qu’ils iraient moins au cinéma à l’avenir. Le média cinéma Boxoffice Pro indique lui que 46 % des français ne vont plus au cinéma car ils ont des nouvelles habitudes de consommation (les plateformes de streaming et la VOD entre autres).

Ce constat est le même dans d’autres secteurs culturels comme celui de la musique. Il y a quelques mois, le directeur artistique du Rocher de Palmer (complexe culturel situé à Cenon) m’avait confirmé cette impression : « Les gens ne viennent plus autant qu’avant, notre défi est de les faire revenir ! Nous devons redynamiser notre activité afin d’y parvenir». Le cinéma doit peut-être adopter la même mentalité et repenser son activité. Lors d’une interview réalisée par BFMTV, l’acteur français Kad Merad indiquait de manière véhémente qu’il fallait que le secteur du cinéma réagisse : « Aujourd’hui, la place de cinéma n’est pas donnée. Quand on y va en famille ça fait des soirées chères. Je comprends et je suis d’accord donc je pense qu’il faut repenser le secteur, cela peut passer par une baisse des prix. » L’aspect marketing est aussi un point saillant où axer sa stratégie de communication. Le CNC l’a compris et oriente ses spots publicitaires avec l’objectif de faire revenir les français au cinéma. A travers un spot publicitaire posté en novembre 2022 sur leur chaîne Youtube, le CNC cible tous les publics et rappelle ce pourquoi le cinéma est unique. Le message de la vidéo est matérialisé avec le #MaBonneRaison (de venir au cinéma).

Le prix de la place de cinéma est en quelque sorte l’arbre qui cache la forêt. Nos recherches ont abouti à la conclusion que le prix n’est pas abusif pour les consommateurs de cinéma. Cette question du tarif n’est pas la véritable raison de la désertion des publics dans les salles obscures françaises. La pandémie a radicalement modifié les habitudes de consommation de la population française. Les plateformes de streaming attirent et retiennent de plus en plus leurs abonnés. Les professionnels du septième art naviguent en eaux troubles et il essayent par tous les moyens de faire revenir le public.

© Cinéma La Palette Tours

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