La question de la maltraitance dans les Ehpad est loin d’être nouvelle. En 2018, un rapport de l’ARS prévenait déjà des manquements de certains établissements. De nombreux reportages journalistiques ont été menés avec de similaires résultats, sans aller au-delà du constat. C’est alors que Victor Castanet lance sa propre enquête, dont il présente les résultats dans son livre “Les Fossoyeurs”.
Un livre qui fait trembler Orpea
Directement visé par l’enquête de Castanet, le groupe Orpea, leader français des Ehpad privés, est sous pression depuis la parution du livre. Les accusations sont très graves : maltraitance quotidienne des résidents, personnel en sous-effectifs, manquements aux soins ou encore restrictions matérielles et alimentaires. Fruit de trois ans d’investigation et de 250 entretiens, “Les Fossoyeurs” décrit en détail et dénonce toutes les lacunes de ces établissements. L’objectif de cet ouvrage, dévoiler au grand public le système en place dans les Ehpad du groupe privé, priorisant les objectifs financiers au détriment de la bonne santé des résidents.
Dans chaque établissement, après entretiens avec familles de pensionnaires et personnels, le même constat est relevé : rationnement systématique des produits de santé et de la nourriture menant à des problèmes d’hygiène et de malnutrition, personnel pas assez nombreux, pas assez qualifié et une politique d’optimisation des coûts en dépit de l’état des personnes âgées hébergées.
D’après cette enquête, si le système Orpea a pu être préservé aussi longtemps, c’est grâce à la pression que le groupe a sur ses employés et sur quiconque voulant faire connaître l’envers du décor. Les témoignages recueillis par Victor Castanet parlent de licenciements abusifs pour “faute grave”. Le groupe a fait usage de nombreux moyens pour faire obstacle à la publication de l’enquête, notamment des appels intimidants destinés à la maison d’édition du journaliste ou à certaines de ses sources, qui, craignant des représailles, ont décidé de ne pas parler. Un intermédiaire extérieur à Orpea est même allé jusqu’à proposer la somme de 15 millions d’euros au journaliste pour qu’il arrête toute investigation.
Des accusations non sans conséquences
Des révélations d’une telle ampleur ont eu un effet magistral aussi bien sur l’échelle politique qu’économique. En effet, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, devant laquelle Castanet a présenté les résultats de son enquête, a promis d’effectuer davantage de contrôles dans les Ehpad, plus particulièrement de manière inopinée, afin de veiller à ce que les normes d’hygiène soient bien respectées. La publication de l’ouvrage a entraîné la chute de la valeur de l’action Orpea : 30 % en deux jours.
La polémique suivant la publication du livre a eu un véritable effet boule de neige. Après l’enquête de Victor Castanet, de plus en plus de familles de pensionnaires et de personnels ont déposé plainte contre le groupe. Me Sarah Saldmann, avocate spécialiste en droit de la famille, relève plus de 150 signalements à l’encontre d’Orpea. De plus, les Ehpad du groupe privé Korian, deuxième plus grand groupe dans le domaine, font aussi face à des plaintes de maltraitance et se retrouvent mêlés à la polémique.
Enfin, l’enquête de Victor Castanet a servi à mettre au grand jour un problème existant depuis de nombreuses années dans un domaine où tout doit être irréprochable pour le bien-être de nos aînés. Bien que cette enquête choque et appelle à l’indignation, l’objet d’étude a uniquement été le groupe Orpea et Victor Castanet n’a pas l’intention de généraliser ce problème à l’ensemble des établissements du pays, mais bien de se focaliser sur les manquements d’un groupe très puissant.
Étudiant en L3 Info-com/Allemand. Entre rattrapages et rédaction, écrire est une passion. Devenir journaliste, mon intention.