Le racisme : et les femmes dans tout ça ?

Le racisme : et les femmes dans tout ça ?

Les évènements de ces dernières années ont permis de donner un nouveau souffle aux mouvements comme Black Lives Matter ou encore le hasthag HandsOffMyHijab, mettant ainsi en lumière un problème installé depuis bien trop longtemps : le racisme. Aujourd’hui encore, les personnes racisées se battent contre les discriminations et agressions en tout genre dont elles sont victimes. Et être une femme ne rend pas le combat plus facile.

Un problème d’enfance

De nombreux traumatismes handicapants la vie des jeunes adultes prennent racine dans leur enfance. Et le racisme n’échappe pas à la règle. Pour certaines, ils se manifestent sous forme de harcèlement. Jennyfer Marlot, jeune métisse portugaise ivoirienne de 20 ans, en aura fait les frais tout au long de sa primaire. Matel Tall, métisse franco-sénégalaise de 20 ans, se souvient quant à elle ne pas avoir été invité au sixième anniversaire d’une camarade car son père « n’aime pas les noirs. » Dans tous les cas, ces évènements traumatiques s’ancrent dans l’esprit des personnes de couleur dès leur plus tendre enfance et donnent malheureusement le ton à ce qui les attend pour le reste de leur vie. On peut également soulever la question de la représentation. Si Disney ou Pixar font part ces dernières années de plus de diversité, cela n’a pas toujours été le cas. Ne voir que des princesses blanches avec des cheveux lisses à un impact considérable sur le développement des petites filles de couleur. Et si diversité il y a, c’est souvent pour perpétuer des stéréotypes sur la texture de cheveux, les codes de beauté… poussant ainsi les petites filles de couleur à se sentir moins jolies que leurs amies aux cheveux lisses et aux yeux bleus.

Aujourd’hui, c’est toujours aussi compliqué

Les remarques endurées pendant l’enfance laissent des traces indélébiles et force l’adoption de certains réflexes. Briani, originaire du Mexique confiait qu’en tant que personne de couleur, elle portait une attention particulière à son comportement. Ne pas parler trop fort, par exemple, pour éviter d’attirer l’attention et donc d’engendrer des remarques racistes. La perpétuation des stéréotypes pousse également les femmes de couleur à changer leur comportement selon leur environnement. Ces étiquettes qu’on leur colle les poussent parfois à ne pas prendre la parole en public, à éviter de prendre part à des débats, de peur d’être jugée comme « hystérique », ou tout simplement pour ne pas attirer l’attention sur elles. De nombreuses fois, le fait que le racisme soit un sujet de discussion ou de réflexion hebdomadaire est revenu. Le racisme est omniprésent, que ce soit par les actes évidents ou par le racisme banalisé. Comme l’expliquait Nisrine, d’origine Marocaine, être une personne racisée est « une grande partie de mon identité » alors évoluer dans un milieu à majorité blanche et dont les codes de beautés sont eurocentrés poussent à se questionner sur le racisme quotidiennement.

« La misogynie et le racisme, c’est un combo dangereux. »

Pour Briani, « la misogynie et le racisme, c’est un combo dangereux ». Et elle n’est pas la seule à penser cela. Pour beaucoup de femmes de couleur, leur sexe est un facteur aggravant.  Comme l’expliquait Matel, « être une femme, dans une société patriarcale, où le regard masculin pèse très lourd, est déjà une épreuve ». Être une femme racisée vient rendre cette épreuve encore plus compliquée. En effet, de nombreuses fois, la question de la fétichisation, notamment de la femme maghrébine et métisse a été soulevée. Les remarques sur le corps, sur les cheveux de lionne qui donnent une allure « sauvage » sont malheureusement monnaie courante. Il y a souvent une volonté d’ignorer le passé colonial de la France, d’expliquer que tout cela est derrière nous. Pourtant, l’utilisation quotidienne de certains mots nous rappelle qu’en réalité, les problèmes d’hier sont toujours bien présents. Le mot beurette en est un parfait exemple. Toute personne maghrébine vous affirmera qu’il n’y a pas de terme plus dégradant pour désigner une femme nord-africaine. Pourtant, ce mot est entré dans le vocabulaire de bien des personnes blanches, qui tentent même d’affirmer qu’il est « poétique ». L’hypersexualisation des femmes maghrébines n’a rien de poétique et contribue à alimenter les fantasmes et la misogynie des Français.

La représentation, ou plutôt, le manque de représentation

Lorsque la question de la représentation est posée aux femmes de couleur, il y a souvent deux réactions bien distinctes. Une partie d’entre elles affirme se sentir enfin représentée, notamment sur les réseaux sociaux où dans la mode, qui commence à ouvrir ses portes à de plus en plus de personnes de couleur. Mais il y a aussi l’autre partie, qui trouve que ce n’est pas assez ou que si représentation il y a, elle ne sert qu’à perpétuer les clichés. Dans de nombreuses séries télévisées, les Arabes sont présentées comme des femmes soumises, la femme d’Amérique-latine comme une femme sulfureuse et la femme noire n’aura que très rarement le rôle principal et lorsque c’est le cas, la façon dont est imaginé son personnage laisse à désirer. Analyse Keating dans How to get away with murder en est le parfait exemple. Viola Davis, qui incarne le personnage, sera toujours coiffée d’une perruque lisse lorsqu’elle travaille en tant qu’avocate. Mais lorsqu’elle rentre chez elle et laisse place à sa colère et à son addiction pour la boisson, elle portera ses cheveux naturels. Inconsciemment, on force ainsi le téléspectateur à intégrer le fait que le cheveu lisse est professionnel, tandis que le cheveu bouclé, frisé ou afro ne l’est pas.

L’art de comparer

Un autre gros problème dans notre société est la question du colorisme. Cette forme de discrimination intercommunautaire est le résultat direct du racisme et des codes de beauté eurocentrés. Ils poussent les gens d’une même communauté à créer une hiérarchie, plaçant les personnes claires, moins « typées » en haut de celle-ci. Une femme métisse sera alors jugée plus belle, plus désirable qu’une femme noire, par exemple. Le colorisme s’étend en dehors des communautés puisqu’il est beaucoup plus rare de trouver une femme noire en couverture de magazine plutôt qu’une femme métisse, ou d’une carnation plus claire. Il en va de même pour toutes les femmes de couleur. « T’as de la chance, tes cheveux ne sont pas aussi bouclés et touffus que ceux de X ». Cette remarque a été faite à Matel comme si elle était un compliment. C’est l’illustration parfaite de la comparaison perpétuelle que les femmes de couleur vivent au quotidien à cause de la vision eurocentrée des critères de beauté.

Qu’on veuille l’admettre ou non, le racisme est une notion si ancrée dans notre société qu’il en devient le quotidien des personnes racisées. Les femmes de couleur doivent alors se battre d’avantage pour se faire une place dans un monde où elles ne sont pas considérées pour ce qu’elles sont, mais plutôt pour la vision basée sur le racisme que l’on a d’elles.

 

Crédit photo : hannascorner

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