« Le Consentement » est un film de Vanessa Filho, sorti le 11 octobre dernier. Il est adapté du roman autobiographique de Vanessa Springora (2020). Elle y raconte l’emprise pédocriminelle qu’elle subit durant les années 1980.
En 2020, Vanessa Springora décide de raconter son histoire qu’elle a vécue au milieu des années 1980. Dès la sortie de son autobiographie, Vanessa Filho se décide à l’adapter pour le grand écran. « C’est un film qui s’inscrit dans le combat initié par Vanessa Springora, à savoir celui de la libération de la parole », dit-elle lors d’une rencontre au cinéma Jean Eustache à Pessac.
Son histoire.
Vanessa Springora a 13 ans lorsqu’elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain de près de 50 ans, en 1986. Pendant plusieurs mois, elle fut victime d’une « triple prédation », comme elle le dit : sexuelle, littéraire, et psychique. Sexuelle, car elle était sous l’emprise pédocriminelle de l’écrivain, qu’elle surnomme « GM » dans son livre. Littéraire, car Matzneff utilisait ses histoires pédocriminelles pour écrire ses romans et essais. Psychique, parce qu’elle raconte que beaucoup de pression pesait sur ses épaules, due à cette prédation sexuelle et littéraire.
En 2013, Gabriel Matzneff tente toujours de contacter Vanessa. Cette année-là, il est lauréat du prix littéraire Renaudot. Pour Vanessa Springora, ce sont les éléments déclencheurs pour commencer à écrire son récit, soulever le silence sur ses maux. Ou « prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre », comme elle l’écrit dans la préface.
Publiée aux éditions Grasset en 2020, son autobiographie s’est déjà vendue à 325 000 exemplaires.
Adapter son récit. « Être au plus près de sa vérité et ne jamais m’en éloigner », V. Filho
Pour Vanessa Filho, adapter ce roman autobiographique, c’est une « responsabilité à l’égard de Vanessa Springora et de toutes les victimes ».
Afin d’y parvenir, un travail en amont a été nécessaire. La réalisatrice a effectué plusieurs rencontres avec Vanessa Springora pour échanger en profondeur sur son histoire, qui est même co-créditée au scénario. Elle a échangé avec un docteur en psychologie spécialisée dans la criminologie sexuelle chez les adolescents, pour « essayer de comprendre davantage le mode opératoire des prédateurs, […] et le profil du prédateur ». Enfin, elle s’est surtout documentée elle-même, en lisant les récits de Gabriel Matzneff, pour tenter de cerner au mieux le personnage.
« Prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre. »
Le film.
A l’affiche de ce film figurent Jean-Paul Rouve (Gabriel Matzneff), Laetitia Casta (la mère de Vanessa), et Kim Higelin, qui incarne le rôle de Vanessa Springora.
Le travail de Jean-Paul Rouve pour incarner au mieux Matzneff fut précis. Il a travaillé sa voix, ses mots pour être au plus proche du personnage. Selon Vanessa Filho, « il a fait un travail d’incarnation absolument fabuleux parce que c’est un personnage compliqué à jouer et il a été grandiose ». Compliqué, en effet, comme le partage Jean-Paul Rouve lui-même, sur le plateau de C à Vous. « Ça fait peur, même quand vous le jouez, ça fait peur. […] Je rentrais le soir, j’étais pas bien ».
Pour Kim Higelin, qui apparaît ici pour la première fois sur grand écran, une préparation physique et morale était nécessaire. Physiquement, il s’agissait pour elle d’appréhender le récit de Vanessa Springora, de se mettre de la meilleure des manières à sa place. Moralement, le travail était de mettre de côté toute opinion quant à la situation, pour rendre au mieux le récit à l’écran.
La libération de la parole.
D’après la réalisatrice, si ce roman a été adapté en film, c’est dans un premier temps pour raconter le récit de Vanessa Springora. Dans un second temps, c’est pour tenter de comprendre comment « notre société avait toléré l’intolérable », selon Vanessa Filho.
Lors des faits, jusque dans les années 1990, il y avait un courant de pro-pédophilie dans le milieu littéraire, et la pédophilie était soutenue dans le milieu intellectuel. Comme l’explique le sociologue Pierre Verdrager, « c’était une époque où il y avait une tentative de libération sur tous les horizons et on avait considéré que la pédophilie faisait partie de ça ». Dans un courant de pensée aligné avec celui de Mai 1968, qui se voulait libertaire, l’interdiction ne devait plus être d’actualité.
En plein dans ce milieu, Gabriel Matzneff usait de sa réputation d’homme de lettres pour attirer des jeunes filles. Il s’en vantait au travers de ses livres qui étaient socialement acceptés.
En 1990, une seule personne se révolte contre son comportement : Denise Bombardier. Sur le plateau de télévision Apostrophes, cette journaliste et écrivaine prend la parole, face à Matzneff : « Moi, M. Matzneff me semble pitoyable. […] Dans ce pays, la « littérature » sert d’alibi à ce genre de confidences. […] On sait que les vieux messieurs attirent les petits enfants avec des bonbons. Monsieur Matzneff, lui, les attire avec sa réputation ».
Ce roman autobiographique et son adaptation s’inscrivent dans la lignée des mouvements comme #metoo, ou les affaires Weinstein ou Polanski, entre autres. Cette lignée est celle de la libération de la parole.
« Le Consentement » est actuellement partout en salle, et ce jusqu’au 31 octobre au cinéma Jean Eustache à Pessac.
Aller plus loin…
– Bande-Annonce : https://youtu.be/jXu78xOynFs?si=6H0hZa7hRgXDtsAT
– Jean-Paul Rouve à C à Vous : https://youtu.be/LC7SCsMn4Os?si=tMWj0_rIpjm0r2fF
– Denise Bombardier face à Matzneff : https://youtu.be/H0LQiv7x4xs?si=M9jlz4lIXB4I4aub
Je suis étudiant en licence sciences de l’information-communication. Les sujets qui me passionnent sont la culture, et particulièrement la musique et la littérature. Associées à l’actu, ça fait toujours un très bon mélange. Bonne lecture !