Fin septembre, ce sont plus de 15 000 migrants majoritairement haïtiens qui sont regroupés sous un pont au Texas, fuyant le chaos politique, social et économique de leur pays. Pop-up fait le point sur la crise politique du pays caribéen.
Entre pauvreté et instabilité politique
Avec 60% de sa population sous le seuil de la pauvreté, Haïti, Etat caribéen sur l’île d’Hispaniola est reconnu comme le pays le plus pauvre d’Amérique Latine et l’un des plus pauvres au monde. 60% de la population, qu’est ce que ça représente?
Cela signifie que sur les 11,4 millions d’habitants recensés par la Banque Mondiale, environ 6,8 millions de citoyens vivent avec moins de 1,90 dollars par jour (1,6 euros). Soit très peu pour subvenir à leurs besoins et dépenses quotidiennes.
En comparaison, en France, le taux de pauvreté en 2018 était de 14,8% soit environ 9,3 millions d’habitants.
A la pauvreté, un des facteurs principaux de la crise actuelle, s’ajoute l’instabilité politique chronique de ce pays.
Retour en arrière : en 1804, Haïti, colonie française, devient la première république noire proclamée, à la suite d’une révolte d’esclaves. Cependant, depuis le 1 Janvier 1804, jour de la signature d’indépendance, ce pays est en proie à de nombreuses crises politiques successives : successions de dictateurs, de coups d’états, de mandats non terminés voire plus récemment d’assasinat. Exemple le plus récent : le 7 Juillet 2021, le président Jovenel Moïse, personnalité très controversée, est assassiné en pleine nuit dans sa chambre. Ce dernier s’était attiré les foudres de nombreux opposants en refusant de quitter son poste à la fin du mandat estimant qu’il lui restait un an. Pour explication: sa première élection ayant été annulée pour fraudes, il avait été réélu un an plus tard. Date qu’il a considérée comme le véritable commencement de son mandat.
Une île vulnérable aux aléas naturels
Haïti a été frappée par un séisme dévastateur le 12 Janvier 2010. De magnitude 7, il a marqué les esprits par le bilan trop important de victimes : 200 000 morts, 300 000 blessés et ce sont près de 1,5 millions d’habitants qui se retrouvent sans logement. Cet incident déclenche une réelle crise humanitaire dans un pays déjà fortement affaibli par la pauvreté et ses troubles politiques internes.
Face à la destruction de leur pays et particulièrement de la région de Port-au-Prince, de nombreux habitants tentent de fuir vers d’autres états d’Amérique Latine et Centrale comme le Guatemala, le Honduras, le Chili ou encore le Mexique.
Par ailleurs, le 14 Août dernier, un séisme de magnitude 4 a été enregistré à Port- au-prince causant la mort de 2189 personnes et plus de 2000 blessées.
Haïti reste donc, un territoire particulièrement tourmenté par les séismes, ouragans et inondations, qui, dans un pays aussi peu développé techniquement, prennent d’importantes proportions. En effet, c’est surtout le manque d’infrastructures préparées aux catastrophes naturelles qui accentue les dégâts.
Sous l’emprise des gangs
A la suite de l’assassinat du président J. Moïse, Haïti se retrouve complètement livré à la domination des gangs déjà très influents sur place.
Ces groupes y instaurent un climat de violence permanente : viols, meurtres, bagarres et kidnappings sont devenus le quotidien des habitants de l’île. Récemment, début avril, avant même la mort du chef d’État, la criminalité à Haïti enflamme les médias avec l’enlèvement de sept religieux dont deux français près de la capitale. Les auteurs de ce rapt font partie du gang “400 Mawozo”, l’un des groupes armés les plus influents de l’île qui exigent alors une rançon d’un million de dollars pour les libérer.
Les kidnappings sont, depuis 2021, devenus monnaie courante dans la région, car très lucratifs pour les gangs dont les financements sont issus des rançons réclamées aux familles. C’est un commerce efficace et terrifiant pour la population, victime de cette pression.
Cette semaine encore, lundi 18 Octobre, Haïti est au centre des médias après l’enlèvement d’une quinzaine de missionnaires américains samedi 16 Octobre, alors qu’ils visitent un orphelinat. Les agresseurs sont les mêmes que ceux d’avril dernier à savoir le gang “400 Mawozo” dominant la banlieue Est de Port-au-Prince. Ces derniers réclament désormais une rançon de 17 millions de dollars pour les libérer, soit un million de dollars pour chaque otage. En conséquence : un appel à la grève générale a été lancé ce lundi à Haïti pour dénoncer l’insécurité occasionnée par ces kidnappings en série et la violence des gangs en général. Haïti est à l’arrêt.
Crise migratoire
En 2021, la crise haïtienne atteint son apogée avec l’assassinat du président J.Moïse. Le pays, est depuis ce jour, complètement livré à l’anarchie et au chaos. Les habitants sont trop pauvres et n’ont aucun représentant politique sur lequel s’appuyer pour pouvoir agir. Raison pour laquelle, à l’instar des crises migratoires comme celle des réfugiés syriens, beaucoup d’Haïtiens tentent chaque jour de quitter leur pays soumis à une violence permanente pour rejoindre les pays alentour. De ce fait, fin septembre des milliers de réfugiés essentiellement haïtiens traversent le fleuve Rio Grande à la frontière entre Mexique et Etats-Unis pour rejoindre le Texas où l’accueil ne fût pas des plus chaleureux. L’image la plus marquante de cette crise migratoire est celle de ces 15 000 réfugiés regroupés sous un pont sous le soleil du Texas près de Del Rio.
Ces derniers ont le plus souvent parcouru des milliers de kilomètres et traversé des dizaines de pays avant de se retrouver ici.
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La réaction des Etat-Unis : les deux camps
Peu surprenant, ces images et reportages ont évidemment fait beaucoup de bruit aux Etats-Unis où les avis sont, comme toujours, très partagés sur la crise migratoire. En effet, Joe Biden a été directement accusé, notamment par le parti républicain, d’avoir provoqué cette crise en assouplissant les règles mises en place par son prédécesseur à la Maison Blanche : Donald Trump , dont par exemple la suspension de la construction du mur entre le Mexique et les Etats-Unis, grand projet de ce dernier.
Par ailleurs, à la suite du séisme du mois d’Août, Biden avait ordonné l’arrêt des expulsions d’Haïtiens hors de son pays et avait placé l’île sous un statut de protection. Raison pour laquelle, nombreux sont les Haïtiens qui, après cette décision ont tenté d’atteindre la frontière états-unienne. Ce contre quoi s’insurgent les Républicains catégoriquement opposés à une telle accessibilité à leur pays. Cependant, après l’afflux de tant de migrants, Biden a autorisé et incité la reprise accélérée des expulsions de réfugiés haïtiens pour Haïti ou ailleurs. Un changement d’avis qui suscite une fois de plus la polémique. En effet, contrairement aux républicains, les démocrates quant à eux, demandent à Biden d’agir “en faveur” des réfugiés et qualifient sa dernière prise de position “d’inhumaine”.
En outre, Kamala Harris s’est elle-même personnellement exprimée sur le sujet et en particulier sur les actions des gardes frontières et de leur attitude envers les immigrés qu’elle juge intolérables. C’est la réaction de ces derniers qui a tout particulièrement soulevé la polémique dans les médias et sur les réseaux sociaux qui accusent les autorité locales de racisme. Les photos et vidéos de journalistes sur place montrent des gardes à cheval armés de fouet et pourchassant des individus épuisés par leur voyage comme du “bétail”.
Kamala Harris se dit sérieusement inquiète par l’attitude de la police et énonce le besoin d’avoir des agents qui traitent de manière convenable, avec humanité, en accord avec leurs lois et valeurs, les Haïtiens.
Le gouvernement américain se retrouve donc pris au piège entre le souhait d’aider ces populations en danger et la complexité de prendre en charge autant d’individus étrangers arrivant sur le territoire américain. En sachant que les Haïtiens, malgré la hausse de leurs arrivées, ne représentent toujours qu’une minorité parmi les populations de réfugiés qui rejoignent chaque jour le pays.
La crise migratoire provoque une fois de plus, le désaccord au sein du peuple et de la politique américaine, dans un contexte de crise sanitaire qui ne simplifie pas les échanges avec l’étranger.
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Anna Bachelier
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Anna Bachelier. Étudiante en L1 lettres Babel, férue de sport et passionnée de journalisme, je rêve de devenir l’un d’eux. Contact : anna.bachelier@orange.fr Insta : @annaa.bchr