Journalisme, podcast et son : quand la voix s’impose

La voix acquiert de plus en plus d’importance dans le monde de l’information, autant du côté des journalistes, en quête d’une nouvelle façon de reporter, d’écrire, de travailler, que du côté des lecteurs maintenant auditeurs. Depuis près de quinze ans, le podcast s’est ainsi installé calmement au premier plan de la scène médiatique, avant de connaître un rebond sans précédent ces dernières années où il est devenu la star de l’information, du divertissement ou encore de la culture. Zoom sur un nouveau format, pas si nouveau que ça. 

 

Dans son article « Podcast : Le grand retour du son », le journaliste Rémi Bouton parle d’un « média personnel, à la carte, mobile, ouvert sur une multitude de productions et de créations ». Ne pourrait-on pas définir le podcast de la sorte ? Comme un média où nous sommes à la fois le programmateur, le rédacteur en chef et l’auditeur. En réalité, c’est bien ici que réside la force de frappe des podcasts : la possibilité infinie d’écoute, de réécoute, de découverte, de curiosité, de questionnement. Adaptation des émissions radio, ou plutôt prolongement, le podcast a ainsi ouvert la porte à une autre forme de journalisme, un journalisme de niche pour beaucoup, avec des nouvelles logiques de narration, d’écriture, de voix.

 

Séduire l’auditeur, mais pas que…

Si le podcast a su conquérir des millions d’auditeurs à travers des plateformes d’écoute dont le nombre ne cesse d’augmenter, il offre également aux journalistes la possibilité d’exercer leur métier autrement. Sortir des carcans de la presse écrite sans pour autant abandonner l’écriture. Apprendre à poser sa voix. Sublimer les mots, un échange, par un exercice de montage pointu. Ce sont tous ces défis que Géraldine Sarratia a voulu relever en produisant plusieurs podcasts, et notamment Le Goût de M. La journaliste choisit le podcast en trouvant le plaisir de la voix dès son émission Dans le Genre sur Radio Nova. Au fil de ses rencontres, elle décortique les goûts de ses invités, entre dans leur intimité, leur histoire : « Je pense que ces échanges sont adaptés au podcast parce qu’il y a la voix, et la voix, c’est quelque chose de très personnel. Entendre quelqu’un qui parle d’un sujet produit un effet différent que de lire quelque chose sur le même sujet. » explique Géraldine Sarratia.

 

« Pour donner l’impression d’une discussion, il faut avoir énormément préparer l’interview ».

 

Elle précise : « quand on fait une interview de presse écrite, on a la possibilité de refaire ou de reprendre une question, c’est plus informel, alors que dans un échange pour un podcast, même si je peux faire du montage, on enregistre et on y va ! C’est plus intense et c’est ce que j’aime. ». Paradoxe d’une interview écrite qui semble figée et de la spontanéité presque illusoire d’un échange enregistré pour un podcast, car « pour donner l’impression d’une discussion, il faut avoir énormément préparé l’interview ».

 

La tendance du format est également suivie pour traiter l’actualité chaude. Étudiant à l’École de Journalisme de Toulouse, Julien Prouvoyeur crée l’année dernière un podcast d’actualité hebdomadaire fait « par des étudiants, pour des étudiants ». Actu’Vu permet ainsi de faire un point actualité chaque samedi en écoutant une production sonore d’une quinzaine de minutes « qui met en lumière les actualités qui n’ont pas marqué les grands titres de la presse ». « Pour préparer mes concours, j’aimais bien écouter la radio parce que j’avais une mémoire plutôt auditive, mais je trouvais qu’il manquait quelque chose pour faire la synthèse des actualités, quand tu passes déjà tes journées à suivre et ficher les informations. ». Plutôt réservé aux étudiants qui préparent les concours d’entrée aux écoles de journalisme, Actu’Vu est le produit-type du podcast outil, qui peut être écouté en faisant autre chose, à la demande, rapide et accessible, mais qui met au premier plan « l’importance des voix ». 

 

Complémentarité des médias

Même si le podcast s’impose de plus en plus dans nos pratiques d’information, il ne représente pas, pour Géraldine Sarratia et Rémi Bouton, une arme contre le journalisme plus traditionnel, que ce soit la presse écrite ou la radio. « Aujourd’hui, avec nos téléphones, les plateformes d’écoute et Internet, c’est comme si on avait tous un kiosque dans la main. ». Géraldine Sarratia parle d’un « déplacement nécessaire de la presse écrite » vers des formats plus longs, plus spécifiques. Vers un journalisme de niche, à l’image de certains podcasts. Une adaptation obligatoire, contribuant à la conservation d’un lectorat davantage distinct, mais qui permettra de stopper la désertion progressive des kiosques à journaux. 

Rémi Bouton montre, au sujet des matinales radio, que 96 minutes sur 100 des émissions continuent à être écoutées chaque matin, preuve qu’un « bel avenir » est encore réservé au journalisme radio. Néanmoins, comme la presse écrite, la radio semble devoir adapter son format et ses chroniques, en proposant de plus en plus de contenu différent en réécoute. 

 

Plus que d’un risque de ringardisation de la presse écrite et de la radio ou d’une évolution nécessaire, il vaudrait ainsi mieux parler d’une complémentarité entre chaque médium inévitable, incontestable, indéniable, qui permettra ainsi de répondre au besoin d’information plus que présent.  

 

Camille Hurcy

 

Crédits photo : Pexels

 

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